Bev Harrison
Présentation du budget principal, le 4 avril 2000, Président Bev Harrison,
l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick.
Contexte : Mercredi dernier,
j’ai remis à plus tard ma décision sur la question de privilège soulevée par le
député de Shediac—Cap-Pelé, Bernard Richard. Dans l’exposé de sa question, le
député a avancé que le budget principal déposé à la Chambre le 28 mars ne
comporte pas de données comparatives quant aux dépenses de l’année financière
précédente et aux équivalents à plein temps pour les deux années, ce qui empêche
les parlementaires d’avoir assez d’information pour un débat approfondi et
complet, comme le veut la tradition à la Chambre.
Décision du Président Bev Harrison : Le paragraphe 9(2) du Règlement dispose que
le Président n’accepte la motion relative au privilège que s’il est convaincu
que la question soulevée est de prime abord une violation de privilège et
qu’elle a été soulevée à la première occasion. « Première occasion » signifie le
moment où le fait contesté se produit ou le jour de séance suivant. Le budget
principal a été déposé à la Chambre mardi dernier, et le député a soulevé la
question de privilège le jour de séance suivant, ce qui, à mon sens, était la
première occasion.
Avant de passer au fond de la question de privilège, je tiens à commenter
brièvement les rappels au Règlement faits après que j’ai demandé l’avis d’autres
parlementaires. Il importe d’expliquer la démarche que j’ai essayé de suivre et
que d’autres Présidents, ici avant moi et ailleurs, suivent régulièrement.
Lorsqu’une question de privilège est soulevée, la présidence entend les
observations sur le grief, qui doivent être brèves. Un ou une autre
parlementaire ayant un lien direct avec cette question de privilège peut sur
permission de la présidence, présenter ses observations. Le rôle de la
présidence est de déterminer si la question est de prime abord une violation de
privilège et, en fait, d’établir si elle doit prioritairement être mise en
discussion. La présidence peut demander l’avis d’autres parlementaires à ce
sujet, pour l’aider à déterminer si la violation reprochée a nui au ou à la
parlementaire dans l’exercice de ses fonctions. Cependant, les autres
parlementaires ne peuvent intervenir sur la question qu’avec la permission de la
présidence. Je remercie les parlementaires de leurs observations.
À cette étape-ci, il serait peut-être utile de faire un rappel sur la nature du
privilège parlementaire. Le privilège parlementaire a trait aux droits et aux
immunités qui sont dévolus au Parlement, à ses membres et à d’autres personnes
et qui sont essentiels au fonctionnement du Parlement. Ces droits et immunités
permettent à l’Assemblée de se réunir et de s’acquitter de son rôle
constitutionnel, aux parlementaires de s’acquitter de leurs responsabilités
envers les gens de leurs circonscriptions et à d’autres personnes intervenant
dans le régime parlementaire de remplir leurs fonctions sans obstruction ni
crainte de représailles.
Les privilèges sont généralement classés en cinq catégories : liberté de parole,
immunité d’arrestation dans les affaires civiles, exemption de l’obligation de
faire partie d’un jury, exemption de l’obligation de comparaître comme témoin et
protection contre les tracasseries. Les violations de privilège sont des
entraves à l’exercice des fonctions des parlementaires.
Je ne peux conclure que l’un des privilèges mentionnés a été touché dans la
situation décrite.
Les outrages, par contre, ne peuvent être énumérés ou répertoriés. L’outrage est
une atteinte à l’autorité ou à la dignité de la Chambre. Il comprend les
situations où l’on ne peut expressément soutenir qu’il y a eu violation des
privilèges de la Chambre. L’outrage est défini ainsi à la page 108 de la 22e
édition d’Erskine May’s Parliamentary Practice :
Tout acte et toute omission qui entrave l’une ou l’autre Chambre, un
parlementaire ou un fonctionnaire d’une Chambre dans l’exercice de ses fonctions
ou qui tend directement ou indirectement à produire ce résultat peut être
considéré comme un outrage, même en l’absence d’un précédent à l’égard de
l’infraction. [Traduction.]
Il est impossible de répertorier ce qui peut correspondre à la définition
d’outrage. En général, il s’agit des actes qui, sans violer un privilège en
particulier, portent atteinte à l’autorité ou à la dignité de la Chambre, comme
la désobéissance à ses ordres légitimes ou les propos diffamatoires contre la
Chambre, ses fonctionnaires ou ses membres.
Le motif de la plainte du député, sur laquelle il m’a été demandé de statuer,
est l’omission de certains renseignements financiers qui figuraient
habituellement au budget principal et qui, de l’avis du député, sont absolument
nécessaires à la tenue d’un débat approfondi et complet. La question a trait à
la procédure financière de la Chambre et aux travaux des subsides.
La procédure financière de l’Assemblée législative découle du régime
parlementaire britannique. Dans ce régime, le gouvernement est chargé de
préparer un budget exhaustif, de proposer l’affectation des dépenses et de
s’occuper de l’utilisation effective des fonds. Toutefois, seul le Parlement,
sur recommandation de la Couronne, peut instituer des taxes et des impôts ou
autoriser des dépenses de deniers publics. Toutes les lois sanctionnant des
dépenses ou instituant des taxes ou des impôts doivent faire l’objet de la
discussion la plus complète possible, tant à la Chambre qu’en comité. Telle est
l’une des fonctions primordiales de l’Assemblée législative.
La Couronne, sur l’avis de ses ministres, fait connaître à la Chambre les
besoins financiers du gouvernement en déposant le budget principal, qui présente
en détail les dépenses projetées du gouvernement pour l’année financière qui
vient. À cet égard, la Couronne, sous réserve de dispositions législatives,
décide de la forme dans laquelle les prévisions budgétaires sont présentées à la
Chambre. Le principe est énoncé dans Erskine May’s Parliamentary Practice,
à la page 744 :
Le souverain étant chargé de la présentation des prévisions budgétaires, la
Couronne, par le truchement de ses ministres, règle la forme de ces prévisions,
sous réserve de la Exchequer and Audit Department Act 1866. Le rôle est
dévolu au Trésor en tant que principal ministère à vocation financière; en
application de l’article 23 de la loi de 1866, il est chargé de la forme des
comptes de chaque ministère qui engage des dépenses.
Le budget principal énumère en détail les ressources que les ministères et
organismes requièrent pour l’année qui vient afin de dispenser les programmes
qui sont de leur compétence. Le document indique les autorisations de dépenses –
les crédits – et les montants à comptabiliser dans les projets de loi portant
affectation de crédits, projets de loi qu’il sera demandé à l’Assemblée
d’approuver afin de permettre au gouvernement de réaliser ses plans financiers.
L’édition 2000 de La procédure et les usages de la Chambre des communes,
de Marleau et Montpetit, décrit à la page 728 les éléments essentiels du budget
principal :
Le Budget principal des dépenses fournit une ventilation, par ministère et
organisme, des dépenses gouvernementales prévues pour l’exercice qui vient. Ce
budget prend la forme d’une série de « crédits », ou de résolutions, qui
résument les besoins financiers estimatifs d’une catégorie particulière comme
les dépenses de fonctionnement, les immobilisations ou les subventions. Les
crédits sont chiffrés en dollars et ces montants totaux, une fois adoptés,
devraient permettre de combler tous les besoins budgétaires d’un ministère ou
organisme dans cette catégorie de dépenses, à l’exception des dépenses assumées
en vertu d’autres autorisations législatives. Chaque poste budgétaire, ou
crédit, comporte deux éléments essentiels : un montant et une destination (une
description de l’utilisation qu’on fera de cette somme). Si le gouvernement
souhaite modifier le montant ou la destination approuvés pour un crédit, il doit
le faire au moyen d’un budget « supplémentaire », d’une nouvelle loi ou d’une
loi modificative.
Selon Marleau et Montpetit, la forme et le contenu du budget principal à la
Chambre des communes du Canada ont changé à quatre reprises seulement depuis la
confédération : en 1938, 1970, 1981 et 1997. Chaque fois, « ces réformes étaient
entreprises afin d’améliorer la qualité et l’utilité des renseignements fournis
aux parlementaires ».
Au Nouveau-Brunswick, la forme et le contenu du budget principal sont demeurés
relativement les mêmes au fil des ans. Les donnés comparatives absentes des
prévisions budgétaires de cette année ont habituellement été fournies sous une
forme ou une autre depuis au moins le début des années 1950.
Cependant, les éléments essentiels devant figurer dans les prévisions
budgétaires, à savoir la somme requise pour chaque programme ou crédit et la
destination de la somme, une description des fins qu’elle servira, se trouvent
dans le budget principal pour 2000-2001.
L’omission des données comparatives dans le budget principal pourrait susciter
un grief légitime pour les parlementaires. Cependant, je ne suis pas d’avis que
ces renseignements forment un élément essentiel sans lequel les parlementaires
ne pourraient s’acquitter de leurs fonctions. Bien que de tels renseignements
soient sans aucun doute précieux pour aider les parlementaires à comprendre et à
analyser les dépenses qu’il leur est demandé d’approuver, ils peuvent être
obtenus par d’autres moyens.
Comme les parlementaires le savent, les prévisions budgétaires feront l’objet
d’une discussion approfondie et ouverte en comité des subsides, et ils auront
amplement l’occasion de poser des questions détaillées aux ministres. Les
données comparatives et les autres renseignements qui ne sont pas contenus dans
le budget principal pourraient être demandés à ce moment-là. En outre, les
parlementaires sont libres de proposer à la Chambre une motion portant dépôt.
En conséquence, je conclus que la question soulevée ne constitue pas de prime
abord une violation de privilège susceptible de justifier le report des affaires
ordinaires inscrites au Feuilleton et Avis.
Ma décision, toutefois, n’empêche pas le député de présenter la question par
voie d’avis de motion.
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