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Gary O'Brien

George Bergougnous, La présidence des assemblées parlementaires nationales, Genève, Union interparlementaire, 1997, xiii- 120 p.

L’étude de la présidence est importante à bien des égards. Dans la mesure où la procédure parlementaire est essentiellement le moyen par lequel une assemblée s’acquitte de ses responsabilités constitutionnelles, l’examen des questions auxquelles font face les présidents, notamment dans une perspective longitudinale ou historique, nous aide à retracer notre histoire constitutionnelle et parlementaire.

Il est intéressant, par exemple, de comparer The Practice and Privileges of the Two Houses of Parliament d’Alpheus Todd (1840) et Procedure in the Canadian House of Commons de W.F. Dawson (1962), étant donné que Todd raconte ce qui s’est passé au Bas-Canada quand le gouverneur rejeta en 1827 la nomination de Louis-Joseph Papineau à la présidence et que Dawson décrit comment, lors du fameux débat sur le pipeline, le président s’est trouvé déchiré entre une opposition désireuse de faire toute la lumière sur la question et un gouvernement déterminé à imposer sa volonté. Ces deux ouvrages donnent un aperçu de la présidence à différentes périodes de son évolution constitutionnelle et font ressortir que c’est une institution qui ne cesse de changer en même temps que le système politique lui-même.

Lorsqu’on choisit plutôt d’examiner les comportements ou les décisions des assemblées et des présidents, on se trouve à étudier l’échelle de valeurs d’une société. Ceux qui envisagent la présidence sous cet angle croient que les assemblées reflètent la psychologie du public ainsi que ses objectifs et ses attitudes. C’est dans cette veine que s’inscrivent de toute évidence les ouvrages d’Allan Kornberg. Un troisième avantage des études sur la présidence, c’est qu’elles permettent de faire des comparaisons. Il s’agit alors d’un processus d’apprentissage un peu abstrait, mais c’est seulement en comparant qu’on peut, dans une institution comme la présidence, faire la part entre le particulier et l’universel.

Il est difficile d’étudier la présidence d’un point de vue mondial. On l’a fait avec succès dans le cas des présidents d’assemblées qui ont la même base constitutionnelle (par exemple, The Office of Speaker in the Parliaments of the Commonwealth de Philip Laundy, 1984), mais les défis que posent l’évaluation et la compréhension de la présidence compte tenu de la diversité des États (industrialisés ou en développement, «fermés » ou « ouverts » , petits ou grands) sont de taille.

Bergougnous apporte une solide contribution à la documentation sur la question. Il est de mise que l’Union interparlementaire publie cet ouvrage puisque ses membres représentent près de 80p.100 des États du monde. L’étude est fondée sur les réponses au questionnaire envoyé aux 135 membres de l’Union en 1995. Elle porte sur a) le statut des présidents, y compris la durée de leur mandat et leur position à l’intérieur et à l’extérieur de l’assemblée; b) leurs fonctions et leurs responsabilités en matière d’administration et de procédure; et c) leur place au sein de l’institution.

Bien qu’elle fournisse des données comparatives utiles sur divers aspects de la présidence, comme la procédure d’élection du président et son rôle dans l’organisation des travaux parlementaires, l’étude a surtout le mérite de présenter divers modèles de présidence et d’offrir à la fin une description précieuse de ce qui est commun à toutes les présidences du monde.

L’auteur nous rappelle qu’il y a a) le modèle britannique, où le président est essentiellement un arbitre; b) le modèle américain, où le président joue un rôle actif dans l’organisation de la vie et des travaux parlementaires; c) le modèle européen, où la présidence est de nature collégiale et reflète les différents groupes ou partis politiques représentés à l’Assemblée; d) le modèle suivi dans les démocraties naissantes, notamment en Europe de l’Est, qui emprunte plusieurs traits au modèle européen, mais où le président tend à être un politicien engagé plutôt qu’un simple arbitre de la vie parlementaire; e) le modèle socialiste, où le président est appelé à être non pas un juge impartial, mais un défenseur des intérêts de son parti au sein de l’assemblée; et f) le modèle en usage dans des pays en développement, qui s’inspire à la fois des modèles britannique et européen.

L’ouvrage aurait dû cependant fournir une analyse plus approfondie des aspects sociologiques de la présidence et du rôle du président dans la protection des droits des législateurs. Les aspects sociologiques de la présidence sont importants puisque M.Bergougnous fait observer que l’influence du président dans les assemblées législatives est probablement en expansion à l’échelle mondiale. Ce changement ne tient pas seulement à l’évolution de la fonction, mais à la personnalité de ses titulaires. Or, l’auteur ne nous brosse pas un vrai portrait des présidents. Quels sont leurs objectifs? Veulent-ils défendre le statu quo parlementaire ou sont-ils des réformateurs cherchant à faire mieux apprécier par le public les institutions gouvernementales? Comment se comparent-ils sur les plans démographique, professionnel et ethnique à leurs collègues et à leurs commettants? Comment envisagent-ils leur rôle et qui sont leurs groupes de référence?

Si l’étude laisse ces questions sans réponse, c’est pour des raisons méthodologiques puisque le questionnaire portait surtout sur les caractéristiques institutionnelles de la fonction plutôt que sur ses traits plus normatifs. C’est également la méthodologie qui explique que l’auteur n’examine pas de près les présidences du point de vue de la défense des droits des parlementaires. L’auteur cherchait expressément à décrire les fonctions de la présidence. Sans aucun doute, le fonctionnalisme est utile dans l’étude des assemblées -- après tout, c’est la méthode de Montesquieu et de Baghot --, mais ce n’est qu’une des façons de conceptualiser une institution comme la présidence.

Il convient de féliciter George Bergougnous, administrateur de l’Assemblée nationale française et chef du Contentieux du Conseil constitutionnel français, ainsi que l’Union interparlementaire pour avoir publié un ouvrage aussi précieux.

Gary O’Brien

Greffier principal

Direction des comités et de la législation privée

Le Sénat


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 20 no 3
1997






Dernière mise à jour : 2020-09-14