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Les archives des députés et l’Assemblée nationale du Québec
Michel Bissonnet; Jocelyn St-Pierre

L’Assemblée nationale du Québec est, depuis plusieurs années, préoccupée par la mémoire et le patrimoine parlementaires. C’est pourquoi, avec ses partenaires, les Archives nationales du Québec (ANQ) et le Comité des archives de l’Amicale des anciens parlementaires du Québec (AAPQ), elle entend consacrer davantage d’efforts aux archives parlementaires, c’est-à-dire à celles qu’elle génère elle-même et à celles produites par ses membres ou par des personnes ou organismes externes qui possèdent des informations sur la vie à l’Assemblée. Cette dernière souhaite, en effet, préserver et mettre en valeur les documents qui témoignent des réalisations des députés qui ont marqué la petite comme la grande histoire.

Il faut bien le dire, au Québec et ailleurs au Canada, les archives des parlementaires demeurent largement incomplètes. Au Québec, depuis la naissance des institutions parlementaires en 1792, 2343 personnes ont fait partie du Parlement à titre de député, de conseiller législatif, de gouverneur ou de lieutenant- gouverneur. Ces personnages publics ont siégé au Parlement du Bas-Canada (1792-1838), au Conseil spécial (1838-1841), au Parlement de la province du Canada (1841-1867) et au Parlement du Québec depuis 1867. Or, un inventaire systématique des fonds d’archives de ces mêmes parlementaires réalisé par la Division des archives de l’Assemblée nationale précise que seulement 219 fonds d’archives provenant de 189 individus sont conservés dans un service d’archives. En somme, seulement 8 p. 100 des parlementaires cités plus haut se sont départis de leurs documents d’archives. Pareil calcul pour les autres députés provinciaux ou pour les députés fédéraux conduirait probablement aux mêmes résultats. Il s’agit, à l’évidence, d’un trou important dans la mémoire collective.

Le terme documents d’archives désigne des documents uniques qui ont valeur de témoignage et qui portent sur les différentes facettes de la vie d’un individu : enfance, études, famille, formation, loisirs, expériences professionnelles, relations sociales, etc. Ainsi, au quotidien, le parlementaire peut produire et recevoir des lettres, des rapports, des agendas, un journal personnel, des notes, des textes d’allocutions. Il donne des entrevues, assiste à diverses activités publiques. Ces documents, qui se présentent sur différents supports (papier, disquette, bande sonore, photographie, vidéo ou film), reflètent sa contribution au développement de la collectivité québécoise et viennent enrichir les sources sur l’histoire du Québec. Ainsi, les chercheurs et les citoyens peuvent, en les consultant, comprendre le travail du député et faire état de ses réalisations. Toutes ces archives viendront accroître et compléter le patrimoine documentaire québécois.

Un protocole d’entente

À la suite de la volonté exprimée par les autorités de l’Assemblée nationale du Québec de clarifier les rôles et de baliser les champs d’action des intervenants en matière d’archives de député, une entente entre les Archives nationales du Québec et l’Assemblée nationale s’imposait. Le défi était de taille, car, pendant plus de vingt ans, une telle entente avait constamment été ajournée.

Le 12 mars 2003, le Protocole d’entente sur les archives des membres de l’Assemblée nationale et du Conseil législatif du Québec est donc signé par l’Assemblée nationale et les ANQ. Ce protocole détermine les responsabilités de chaque institution en matière d’acquisition, de traitement, de conservation et de mise en valeur des archives des parlementaires. Un guichet unique pour l’acquisition des fonds a été établi à la Bibliothèque de l’Assemblée. Les offres de donation sont  acheminées au Comité de coordination chargé de l’application de l’entente et qui détermine le lieu de conservation. Désormais, les députés qui ont exercé une fonction ministérielle sont invités à donner leurs archives aux ANQ, parce qu’elles constituent un complément aux archives de l’administration gouvernementale. Les personnes ayant exercé une fonction parlementaire sont, quant à elles, incitées à céder leurs archives à l’Assemblée nationale, puisque celles-ci permettent de documenter le fonctionnement de l’institution. Quant aux autres députés, l’Assemblée nationale est particulièrement attentive en la matière. Elle reçoit les offres de donation d’archives privées de députés n’ayant exercé aucune fonction ministérielle ou parlementaire. Celui-ci peut confier ses archives à l’Assemblée nationale ou aux ANQ (aux centres d’archives régionaux ou aux services agréés d’archives privées). Les deux partenaires reconnaissent cependant que les archives privées produites au cours de la vie personnelle et professionnelle d’un parlementaire pourraient être conservées dans le milieu où elles ont été créées. Notons, par ailleurs, que la volonté exprimée par un donateur influencera fortement le choix du lieu de conservation.

Sensibilisation et formation

Dans un deuxième temps, afin de sensibiliser et d’aider les parlementaires et leur personnel dans la gestion de leurs documents, deux publications ont été rédigées conjointement par les Archives nationales du Québec et l’Assemblée nationale : un dépliant intitulé Vos archives, une contribution à la mémoire du Québec, explique sommairement ce qu’est un document d’archives et comment le conserver. Il accompagne un outil de formation : Vos archives, une contribution à la mémoire du Québec, Guide à l’intention des parlementaires et de leur personnel, qui s’adresse aux membres du personnel des députés et qui leur propose un plan de classification type, des règles de tri et une  présentation des différentes étapes du processus de donation d’un fonds d’archives.

Dans cette démarche de sensibilisation à l’importance de conserver les archives parlementaires, l’Assemblée nationale a toutefois l’intention d’aller encore plus loin. Dès cet automne, la Bibliothèque de l’Assemblée entend organiser des séances d’information et de formation d’une demi-journée à l’intention des parlementaires et de leur personnel, et ce afin de répondre à leurs questions concernant la gestion de leurs documents. Ces formations bonifieront le service d’aide-conseil déjà dispensé par le personnel de la Bibliothèque au téléphone ou sur place. Ces services d’information et de formation répondront à un besoin maintes fois exprimé par les parlementaires.

Parallèlement aux efforts entrepris par l’Assemblée nationale et les ANQ, le Comité des archives des anciens parlementaires entend mettre sur pied un réseau composé d’anciens parlementaires et d’archivistes régionaux des ANQ ou des services agréés d’archives privées qui couvrira tout le Québec. Sa mission consistera à identifier d’anciens parlementaires, ou les héritiers de ces derniers, susceptibles d’avoir conservé des archives politiques et de les encourager à les donner à un service d’archives. Un projet pilote est actuellement en cours en Mauricie et vise particulièrement la circonscription de Champlain. Il permettra de valider un modèle d’intervention. Après l’analyse des résultats, des projets similaires seront progressivement mis en place dans d’autres régions du Québec. En plus des archives d’anciens parlementaires, ce projet devrait permettre de recueillir les documents de conseillers de partis politiques ayant laissé leur marque, ceux d’organisateurs de premier plan et de candidats défaits, mais aussi les documents des partis politiques et ceux produits à l’occasion d’élections ou de référendums.

Mise en valeur des archives de parlementaires

Il est louable de préserver la mémoire, mais, pour que l’on se souvienne, les documents d’archives doivent être accessibles. À cette fin, la Bibliothèque a l’intention de publier sous format électronique le Guide des archives des parlementaires québécois. Il s’agira de la troisième édition de l’Inventaire des fonds d’archives relatifs aux parlementaires québécois. Ce guide se voudra un outil de consultation et de recherche en ligne qui sera notamment accessible sur le site Internet de l’Assemblée nationale. Pour chaque parlementaire, l’internaute pourra trouver une biographie, une photographie, le texte de ses interventions à l’Assemblée nationale du Québec et une référence à ses fonds d’archives. Ce guide thématique permettra de repérer les documents d’archives des députés et des anciens conseillers législatifs et de localiser les services d’archives où ils sont conservés, ici au Québec ou ailleurs au Canada. La mise en ligne de cet instrument de recherche permettra d’ajouter aux clientèles qui fréquentent traditionnellement les services d’archives celle des internautes en quête d’information.

Toujours pour mettre en valeur les archives patrimoniales des parlementaires, les Archives nationales du Québec et l’Assemblée nationale ont convenu, à l’occasion des célébrations du 400e anniversaire de la ville de Québec en 2008, de réaliser une exposition conjointe sur les archives de parlementaires, laquelle sera placée sous le thème de Québec, capitale politique.

Un remède à l’injure du temps

L’Assemblée nationale du Québec, en étroite collaboration avec les Archives nationales du Québec et l’Amicale des anciens parlementaires du Québec, souhaite que la mémoire de l’action des parlementaires soit non seulement conservée et accessible, mais aussi mise en valeur. Chaque parlementaire a incarné les espoirs et les aspirations de ses électeurs : s’il ne laisse pas de trace, comment fera-t-on pour se souvenir de lui? S’il lègue des témoignages de ses réalisations, son passage en politique n’aura pas été vain. Les générations futures, grâce à ces documents du passé, pourront tirer profit de ces expériences, comprendre leur présent et mieux préparer leur avenir. Le 14 mai 1874, Oscar Dunn écrivait dans L’Opinion publique : « Songeons donc à sauver de l’injure du temps la mémoire de ceux qui honorent la patrie. » Voilà un conseil judicieux de la fin du XIXe siècle que notre génération devrait s’empresser de suivre.


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 27 no 1
2004






Dernière mise à jour : 2020-09-14