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Une circonscription comptant des millions d’électeurs : Des sénateurs « élus » parlent des solutions permettant de remplacer un bureau de circonscription
Doug Black, sénateur; Betty Unger, sénateur

Contrairement aux députés qui sont élus pour représenter des circonscriptions bien définies, il est rare que les sénateurs canadiens aient recours à des bureaux de circonscription dans leurs efforts en vue de représenter leur province ou région d’origine. L’ancien sénateur albertain « élu »
Bert Brown, un représentant actif des habitants de sa province, avait un bureau à Calgary. Dans des entrevues distinctes réalisées par la Revue parlementaire canadienne, cependant, deux sénateurs albertains élus qui siègent actuellement, le sénateur Douglas Black et la sénatrice Betty Unger, indiquent qu’ils préfèrent utiliser d’autres solutions qu’un espace physique fixe pour leurs communications et consultations.

Sénateur Doug Black

RPC : Généralement, les sénateurs n’ont pas de bureau de circonscription. En tant que sénateur « élu » qui s’est vu confier un mandat direct de ses électeurs, ressentez-vous le besoin d’avoir un bureau de circonscription pour représenter vos électeurs et communiquer avec eux?

Doug Black : Contrairement à un député fédéral ou à un député d’une Assemblée législative, ma circonscription englobe toute ma province, c’est-à-dire l’Alberta, qui compte plus de quatre millions d’habitants. Comme vous le savez, nous sommes six sénateurs pour quatre millions d’habitants. Je suis un sénateur élu et lors des dernières élections, j’ai eu la chance de remporter 83 ou 84 des 87 circonscriptions (provinciales) dans la province. J’ai donc littéralement des électeurs dans toutes les villes, dans tous les villages et dans tous les hameaux de l’Alberta. Pour moi, il est très important de demeurer en contact avec mes électeurs et il s’agit d’une responsabilité quotidienne dont je dois m’acquitter d’une manière ou d’une autre. La question est donc de savoir si un bureau m’aiderait à le faire. Je considère que non. Le concept d’espace physique est un vieux paradigme, particulièrement lorsque vous représentez une province de la taille de l’Alberta. Où établirais-je mon bureau? Voici donc ce que j’ai décidé de faire : mettre constamment mon site Web à jour et être très présent sur les médias sociaux. Mon équipe et moi effectuons aussi régulièrement des sondages en ligne pour savoir ce que pensent les électeurs. Et ils répondent, cela ne fait aucun doute. Je demande toujours le point de vue des gens. De plus, je communique régulièrement avec les médias de l’Alberta et j’ai établi de bonnes relations avec les médias du milieu culturel. Ainsi, comme je tends la main aux gens, ils savent que je suis actif. Finalement, je me rends régulièrement en Alberta. Le week-end dernier, par exemple, j’ai pris la parole dans une école francophone de Calgary, j’ai rencontré le maire de Banff et j’ai assisté aux Jeux d’hiver. Je suis donc très actif et les gens constatent que je suis actif et présent. Pour toutes ces raisons, je ne crois absolument pas qu’un bureau m’aiderait à améliorer les relations avec mes électeurs.

RPC : Au lieu d’un bureau, y a-t-il autre chose qui pourrait vous aider à accomplir ce type de travail?

Black : Si une personne qui travaillait pour moi était chargée des relations avec le public dans la province, ce serait fabuleux. Mais cette personne ne travaillerait pas dans un bureau, elle travaillerait à partir d’une voiture et se déplacerait partout en Alberta chaque semaine. Ce serait fantastique, mais nous n’avons pas d’argent pour cela.

RPC : Récemment, il y a eu beaucoup de discussions sur la réforme du Sénat et de nombreux débats sur le rôle et la vocation de la Chambre haute. Dans le cadre de ces discussions, avez-vous parlé avec vos collègues de cette idée de budget pour du personnel chargé des relations?

Black : Vous savez, nous n’avons pas parlé de cette idée, mais je vais définitivement leur en parler. Toutefois, dans le contexte actuel, il est peu probable que les sénateurs obtiennent davantage d’argent. Une autre option serait d’obtenir des fonds d’un groupe de réflexion, d’une société ou d’une organisation afin de soutenir cette initiative, ce qui est potentiellement possible. Mais je le répète, dans le contexte dans lequel nous nous trouvons, nous aurions quelques obstacles à surmonter. Je crois que nous devons laisser les choses se calmer un peu avant d’entamer cette discussion. Une autre option serait d’utiliser une partie des fonds mis à ma disposition pour mon bureau d’Ottawa afin d’embaucher un employé en Alberta. Mais ce ne serait pas très utile parce que le travail que j’ai à accomplir est ici à Ottawa, j’ai donc besoin de mes employés ici, à mes côtés.

RPC : Vos collègues de la Chambre des communes ont des bureaux de circonscription et ils en ont parfois plus d’un. Lors de vos discussions avec eux, ces bureaux sont-ils perçus comme des points d’accès au gouvernement? Une réforme semble-t-elle nécessaire?

Black : Je parle de mon point de vue en tant que sénateur, mais je considère que le rôle des députés est très différent. Premièrement, la région géographique qu’ils représentent est beaucoup plus petite. Même dans les régions de l’Alberta où les circonscriptions sont vastes, il est possible de parcourir une circonscription d’une extrémité à l’autre en voiture en une demi-journée. Les déplacements sont donc possibles. Dans les circonscriptions urbaines, il est possible de prendre l’autobus. Deuxièmement, les électeurs font appel à leur député lorsqu’ils ont des problèmes liés à leur passeport, des problèmes liés à l’immigration et des problèmes avec l’Agence du revenu du Canada. Les sénateurs ont moins de problèmes semblables à résoudre. Je crois donc qu’il y a d’excellentes raisons pour lesquelles les députés ont besoin d’un bureau. Si vous vivez dans une circonscription où vous pouvez vous rendre au bureau de votre député en autobus, en voiture ou en planche à roulettes, il ne serait pas possible d’en faire autant pour vous rendre au bureau d’un sénateur élu, à moins d’avoir la chance d’habiter à côté du centre commercial où son bureau serait situé.

RPC : Avez-vous des réflexions finales à formuler sur ce sujet?

Black : Selon moi, l’élément clé est la connectivité. C’est ce qui me préoccupe tous les jours et c’est ce qui préoccupe mes employés. Comment créons-nous des liens et comment sommes-nous pertinents pour les Albertains? La question que l’on doit alors se poser est la suivante : de quels outils avons-nous besoin pour maintenir cette connectivité et quels sont les meilleurs moyens de les déployer? Ai-je besoin d’un bureau physique pour remplir ce rôle particulier? Non. Je dirais que je le fais grâce aux médias sociaux, aux médias d’information, aux médias culturels et à mes déplacements – et cela semble fonctionner. Nous effectuons des suivis de l’utilisation des médias sociaux et mes statistiques sur ces sites semblent s’améliorer mois après mois. C’est bon signe.

Sénatrice Betty Unger

RPC : Le Sénat n’assure généralement pas le financement de bureaux de circonscription. Considérez-vous que les sénateurs pourraient en avoir besoin?

Betty Unger : Pour établir des bureaux de circonscription, nous aurions absolument besoin de financement pour payer le loyer, le téléphone et un employé. Je n’ai pas utilisé la totalité du budget qui m’était alloué, mais un deuxième bureau grugerait sans contredit une partie importante de mon budget.

RPC : En tant que sénatrice élue qui s’est vue confier un mandat direct, auriez-vous besoin d’un bureau de circonscription pour communiquer avec les gens que vous représentez?

Unger : Je suis au Sénat depuis deux ans et je ne me suis jamais dit : « Eh bien, j’aimerais avoir un bureau pour pouvoir régler cette question. » Lorsque je suis dans ma province, j’assiste au plus grand nombre d’événements publics possible pour rencontrer les gens. Si une personne me dit qu’elle aimerait me parler, je lui propose souvent une rencontre dans un café, et c’est généralement une bonne solution. Il m’arrive donc parfois de rencontrer des gens dans des lieux mutuellement acceptables et ces rencontres peuvent durer jusqu’à deux heures et demie, trois heures! Je propose aussi parfois des rencontres à l’heure du dîner, lorsque c’est approprié. Mais le fait de ne pas avoir de bureau de circonscription n’a jamais été un problème.

Le meilleur exemple que je peux donner est survenu en 2012, lorsque les sénateurs ont tous dû décerner 30 Médailles du jubilé de diamant. Un petit groupe avait été formé à Edmonton et il recevait toutes les candidatures et les traitait. Je consultais les membres du groupe d’ici (Ottawa) et je les rencontrais lorsque je retournais chez moi. Un des membres du groupe travaillait pour une entreprise qui avait une petite salle de conférence. C’est là que nous nous réunissions parce que c’était pratique pour nous tous. Nous avons passé par toutes les étapes du processus, qui s’est échelonné sur tout l’été, et je n’ai jamais ressenti le besoin d’avoir un bureau de circonscription. Là encore, ce n’était pas un problème.

RPC : Vous n’avez donc pas besoin de bureau permanent tant et aussi longtemps que vous avez un budget de déplacement et un bureau à Ottawa pour coordonner vos activités?

Unger : Oui. De plus, j’habite à deux coins de rue et demi de l’Assemblée législative de l’Alberta. J’ai un bureau chez moi à Edmonton et c’est de là que je fais des appels téléphoniques et que j’en reçois. Tout cela fonctionne très bien.

RPC : En tant que sénatrice « élue », estimez-vous qu’on vous a confié un mandat particulier qui vous oblige à demeurer en contact avec vos électeurs, ce qui ne serait pas nécessairement le cas des sénateurs « non élue», ou vos collègues élus ont-il un horaire semblable pour ce qui est d’assister à des événements et de rencontrer les gens qu’ils représentent dans leurs régions?

Unger : Eh bien, honnêtement, je ne veux pas commenter la situation des sénateurs albertains non élus. Cependant, en septembre dernier, l’Université de l’Alberta tenait la cérémonie de remise de diplômes pour les étudiants du Département de génie et la sénatrice Claudette Tardif et moi avons été invitées à y participer. C’est la seule fois où on m’a demandé d’assister à un événement avec un autre sénateur. Je me déplace dans la province pour assister à des événements et pour rencontrer le plus grand nombre de personnes possible. J’ai tendance à considérer que mon territoire englobe Red Deer et le Nord de l’Alberta, étant donné que les deux autres sénateurs («élus ») habitent à Calgary et dans le Sud de l’Alberta.

RPC : Vos collègues de la Chambre des communes ont des bureaux de circonscription. Lors de vos discussions avec eux, avez-vous parlé de cet aspect de leur travail? Considèrent-ils qu’il fait procéder à un examen approfondi de ces points d’accès au gouvernement ou le fonctionnement actuel est-il adéquat?

Unger : Votre question me fait penser à une autre option. Je connais très bien mon député et je le connaissais avant d’être nommée au Sénat. Il serait probablement possible d’organiser une rencontre dans son bureau. De plus, pendant l’été, nous (le Parti conservateur du Canada) organisons un caucus albertain et un caucus d’Edmonton. Lors de ces caucus, nous discutons d’enjeux locaux et des organisations (par exemple la Chambre de commerce d’Edmonton et Edmonton Economic Development) sont invitées à venir faire des présentations, ou demandent de faire des présentations, qui sont toujours excellentes. Il s’agit là d’une autre manière de communiquer avec les Albertains. Si des gens demandent à me rencontrer, il arrive que des rencontres soient organisées à la fin d’une réunion, ou à un autre moment qui leur convient.

RPC : Avez-vous d’autres observations à formuler sur le sujet?

Unger : J’ai été élue en 2004, alors qu’il y avait trois sièges à combler en Alberta. Le premier ministre Paul Martin n’a pas reconnu les élections qui s’étaient tenues en Alberta et a fait à sa tête. Par le passé, en tant qu’infirmière autorisée, j’ai fondé et géré une entreprise de services médicaux pendant 25 ans – avec des bureaux à Edmonton, à Red Deer et à Calgary. Si j’avais été nommée au Sénat à ce moment, le fait d’avoir des bureaux en Alberta n’aurait pas été un sujet de préoccupation parce que j’aurais utilisé les bureaux que je possédais déjà. Toutefois, je ne considère pas avoir besoin d’un bureau de circonscription permanent parce que jusqu’à maintenant, cette situation n’a jamais posé problème.


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 37 no 2
2014






Dernière mise à jour : 2020-09-14