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La participation des femmes en politique vue des Caraïbes
L'hon. Ingrid A. Moses-Scatliffe

Pendant des siècles, on a pensé que le rôle de la femme se limitait à celui de femme d’intérieur, tout occupée à s’occuper du foyer avec la plus grande efficacité, et sans réelle possibilité d’ascension sociale. Le présent article revient sur les progrès récemment accomplis par les femmes en politique, tout particulièrement dans les parlements des Caraïbes.

Rosalyn Sussman Yalow, physicienne médicale américaine, colauréate du prix Nobel de physiologie et de médecine en 1977, a déclaré : « Nous continuons de vivre dans un monde où une part importante de la population, y compris des femmes, continue de croire que la place de la femme, et celle qu’elle désire occuper, est à la maison». 

Selon des statistiques sur la population mondiale, les femmes représentent 50 % de cette dernière. L’adoption, par les Nations Unies, de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la mise en place de constitutions démocratiques modernes, la reconnaissance du caractère fondamental des Droits de la personne et le besoin de faire progresser la cause des femmes ont permis d’établir les fondements d’une participation croissante des femmes à la politique. Mais ce combat pour l’égalité, qui visant à donner aux femmes le pouvoir et le courage de se lancer en politique, n’a pas été dénué de défis pour les femmes politiques des îles Vierges britanniques et des Caraïbes dans leur ensemble.

En 1965, une première femme est nommée au Conseil législatif des îles Vierges britanniques, mais il faudra attendre encore quelque 30 ans pour que, en 1995, une première femme y soit élue. En fait, deux femmes ont été élues en 1995. Depuis lors, tous les quatre ans, deux femmes, en moyenne, honorent de leur présence ce qui est désormais la Chambre d’assemblée, en leur qualité de représentante d’un district donné. À ce jour, aucune femme n’a encore occupé le poste de premier ministre aux îles Vierges britanniques. Cependant, de 1999 à 2001, Eileen Parsons a été la première femme à occuper le poste de vice-ministre en chef et, de 2007 à 2011, Dancia Penn a été la première femme vice-première ministre. Nous sommes confiantes, aujourd’hui plus que jamais, que le moment est venu pour des femmes d’occuper la direction politique de notre territoire.

À l’échelle de la région, on constate également une présence croissante des femmes dans la sphère politique, mais cette présence demeure inférieure à celles de nos homologues masculins. La Dominique, le Guyana, Sainte-Lucie, les Bermudes, la Jamaïque et la République de Trinité-et-Tobago ont fini par avoir des femmes à la tête de l’État au terme de l’évolution croissante de la participation des femmes à la politique dans la zone caraïbe. Cette lente augmentation de la participation des femmes à la politique nationale, ou régionale, peut être imputée à certains des défis suivants :

Participation à la vie politique : Bon nombre des partis politiques sont exclusivement dirigés par des hommes et les femmes n’y ont d’autre rôle que de mobiliser le vote féminin, le pouvoir de décision demeurant entre les mains des candidats politiques masculins. Souvent, lorsque des femmes arrivent à la tête de partis politiques, c’est qu’il est clair, dans l’esprit des électeurs, qu’elle est la plus apte et la plus qualifiée pour occuper le pouvoir si le parti remporte les élections.

Facteurs idéologiques : Le système patriarcal, où les hommes occupent la place dominante, et qui est modelé par des stéréotypes idéologiques qui voudraient que la place naturelle des femmes soit au foyer, continue de miner le niveau de participation des femmes à la politique dans l’ensemble de la région. Souvent, les femmes qui s’aventurent dans l’arène politique doivent avoir le cuir dur, car, avant même que la course soit lancée, elles ne cesseront de se voir répéter, personnellement ou par l’intermédiaire des médias, « mais où va-t-elle comme cela? », pour reprendre la formule locale consacrée, qui est une façon déguisée de leur rappeler qu’elles s’embarquent peut-être dans une aventure qui n’est pas faite pour elles. Malgré ces préjugés idéologiques, des femmes continuent de se lancer sans trembler dans l’arène politique et font ainsi avancer le principe de la parité en politique.

Facteurs socioculturels : Les rôles sociaux préétablis assignés aux femmes limitent le temps dont les femmes disposent, et leur en compliquent la gestion, lorsqu’il s’agit de participer à la vie politique et de trouver le juste équilibre entre leur double rôle de ménagère et de représentante politique sur la scène publique. Souvent, notre rôle est entaché par l’image perpétuellement négative et les jugements abaissants de nos homologues masculins qui font que de nombreuses femmes sont réticentes à l’idée de se lancer dans l’arène politique.

Facteurs économiques : Avec le virage commercialisé marqué qu’ont pris les partis, de plus en plus d’argent est nécessaire pour participer à la vie politique. Souvent, des femmes qui possèdent la volonté, la détermination et le dévouement requis pour entrer dans l’arène politique ne disposent pas des ressources financières requises pour créer un parti, ou y adhérer, ou bien n’appartiennent pas aux réseaux sociaux permettant de réunir les fonds indispensables. Dans la région, de nombreuses femmes font carrière en politique en s’appuyant sur la situation économique de leur famille dans la société. Comme de plus en plus de femmes disposent d’une éducation leur permettant de disposer de fonds personnels ou d’avoir accès aux sources de financement nécessaires, ce défi n’est plus insurmontable pour les femmes qui veulent se lancer en politique dans la région.

Les pionnières

Malgré ces défis, les femmes, au XXIe siècle, sont de plus en plus nombreuses à peupler la scène politique et à occuper des postes importants au sein des gouvernements, balayant ainsi bon nombre des stéréotypes traditionnels qui nous empêchaient de progresser dans le monde politique.

Les données démographiques sur les États du Commonwealth dans les Caraïbes semblent démontrer que les femmes ayant bénéficié d’une éducation surpassent leurs homologues masculins à tous les niveaux. C’est tout particulièrement flagrant au niveau de l’enseignement supérieur. Nous voyons ainsi des femmes de plus en plus jeunes et de plus en plus qualifiées apparaître sur la scène politique, et ce phénomène a profondément modifié le profil des femmes faisant carrière en politique. Une fois que nos homologues masculins auront surmonté leurs préjugés personnels, et alors que nous sommes à même de gagner leur respect, même s’il nous faut, pour cela, parfois faire preuve d’acharnement, nous devrions peu à peu voir s’installer dans la région un jeu plus égal entre les représentants politiques des deux sexes.

La place des femmes en politique est généralement liée à leur statut social. La politique tourne autour du pouvoir et le pouvoir est perçu comme une chasse gardée pour les hommes. (Jennifer M. Smith, Première ministre des Bermudes, Voice of Change)

À l’échelle mondiale, nous sommes reconnaissantes aux pionnières de la politique que furent Corazon Aquino (première femme à occuper le poste de président aux Philippines et en Asie en général) et Gloria Macapagal-Arroyo (deuxième femme à occuper le poste de président aux Philippines); Indira Ghandi en Inde; Margaret Thatcher au Royaume-Uni; Kim Campbell au Canada; Benazir Bhutto au Pakistan; Condolezza Rice et Hilary Clinton aux États-Unis, parmi bien d’autres, qui nous ont ouvert la voie d’une participation active des femmes à la politique, et nous les en remercions.

Dans les Caraïbes aussi, nous avons eu un certain nombre de pionnières.

Je souhaiterais enfin mentionner Ethlyn Smith et Eileen Parsons, qui ont été les deux premières femmes élues à des postes parlementaires dans les îles Vierges britanniques, et Inez Archibald, qui a été la première présidente de la Chambre d’assemblée, parmi bien d’autres, qui se sont battues pour la place des femmes en politique et sans qui nous ne serions pas là aujourd’hui. Nous leur rendons grâce des sacrifices qu’elles ont consentis et leur rendons hommage d’avoir su défendre avec fermeté la place des femmes en politique, dans notre région comme dans le monde entier. Nous leur devons tant, et pour cela, nous leur disons « merci ».

Tandis que nous poursuivons, malgré les nombreux défis, leur combat politique, continuons, sur leur lancée, à représenter le point de vue des femmes et à montrer le chemin, chacune à notre poste, du progrès dans les États de la région. Nous ne devons pas avoir peur d’aller de l’avant, de prendre l’initiative, et de nous affirmer, éthiquement, en tant que chefs de file, car la prochaine génération de femmes nous regarde et compte sur nous. Montrons-leur la voie par l’exemple.

Dame Eugenia Charles

Dominique

Première femme élue au poste de premier ministre dans les Caraïbes

Janet Jagen

Guyana

Première femme à occuper les postes de premier ministre et de président

Pamela Gordon

Bermudes

Première femme à occuper le poste de premier ministre

Dame Jennifer M. Smith

Bermudes

Deuxième femme à occuper le poste de premier ministre

Paula Cox

Bermudes

Troisième femme à occuper (en fonction actuellement) le poste de premier ministre, ainsi que celui de chef du Parti travailliste progressiste

Portia Simpson-Miller

Jamaïque

Première femme à occuper (en fonction actuellement) le poste de premier ministre ainsi que celui de président du Parti national du Peuple

Kamla Persad-Bissessar

Trinité-et-Tobago

Première femme à occuper (en fonction actuellement) le poste de premier chef du Congrès national uni et à diriger le Partenariat des peuples, coalition réunissant cinq partis politiques

Dame Louise Lake-Tack

Antigua-et-Barbuda

Première femme à occuper le poste de gouverneur

Jacqui Quinn-Leandro

Antigua-et-Barbuda

Présidente, en 2006-2008, de la Commission interaméricaine des femmes (CIF), organisme spécialisé de l’Organisation des États américains (OEA) qui est la plus ancienne organisation à s’être intéressée à la question des femmes, à l’égalité des sexes et à l’équité en matière de représentation. Elle est aujourd’hui ministre de l’Éducation, de la Jeunesse, des Sports et de l’Égalité des sexes.

Mia Mottley, c.r.

Barbade

Ancienne chef du Parti travailliste de la Barbade, première femme à avoir occupé le poste de chef de l’opposition, elle est aujourd’hui députée.

Dame Pearlette Louisy

Sainte-Lucie

Première femme à occuper le poste de gouverneur général


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Vol 35 no 3
2012






Dernière mise à jour : 2020-09-14