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Les consultations prébudgétaires en Colombie-Britannique : le point de vue des participants
Geneviève Tellier

Depuis une décennie, le Comité permanent des finances et des services gouvernementaux de l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique mène des consultations prébudgétaires dans le but de recueillir l’opinion des groupes et des citoyens sur le contenu du prochain budget provincial. Ces consultations permettent aux membres du Comité de se rendre dans plusieurs localités de la province pour entendre des témoins lors d’audiences publiques, en plus de recevoir des mémoires (écrits ou sous forme de vidéos), des réponses à un questionnaire (distribué dans tous les foyers de la province et disponible sur Internet), ou encore des lettres ou des courriels. À la fin de ce processus, le Comité présente ses recommandations à l’Assemblée législative. Le présent article dresse le bilan de ces consultations. Il repose sur une enquête réalisée auprès de 253 personnes qui ont comparu devant le Comité entre le 15 septembre et le 15 octobre 2010.

La Colombie-Britannique n’est pas seule à mener de telles consultations. L’Ontario et le gouvernement fédéral ont, eux aussi, établi des règles permettant à des comités d’effectuer des consultations prébudgétaires. Par contre, c’est seulement en Colombie-Britannique que l’on retrouve une collaboration officielle entre le Comité et le ministère des Finances. C’est ce dernier qui prépare et distribue les documents prébudgétaires (y compris le questionnaire destiné à l’ensemble de la population), mais c’est le Comité qui reçoit et traite les propositions, les recommandations et les réponses soumises par les participants1. Par ailleurs, le ministère des Finances de la Colombie-Britannique ne mène pas ses propres consultations prébudgétaires, contrairement à ce qui se passe en Ontario et au palier fédéral2.

Méthodologie

On discute beaucoup ces temps-ci des mérites de la démocratie participative. Plusieurs sont d’avis qu’en augmentant la participation populaire, les acteurs et les institutions démocratiques pourraient regagner la confiance des électeurs. Par contre, il n’existe pas de consensus sur les raisons qui mèneraient à ce regain de confiance. Pour certains, la participation de la population veut, avant tout, dire que le gouvernement devrait diffuser davantage d’information à propos de ses propres décisions. Il s’agit donc, pour le gouvernement, de faire preuve de plus d’ouverture et de transparence3. Pour d’autres, la participation populaire devrait permettre aux gens de transmettre de l’information au gouvernement. En étant à l’écoute de la population, le gouvernement peut donc plus facilement légitimer ses propres choix4. Enfin, certains soutiennent que la participation populaire doit viser un échange de points de vue sur la place publique. C’est en connaissant, en discutant et en confrontant les arguments d’autrui que l’on parviendra à dégager la meilleure solution possible aux problèmes complexes actuels5. Par conséquent, les mécanismes de participation populaire peuvent favoriser l’échange d’information dans diverses directions :

du gouvernement vers la population (ouverture et transparence);

de la population vers le gouvernement (légitimité des décisions);

entre le gouvernement et la population et aussi au sein de la population (détermination d’une solution).

Il est à noter que ces diverses formes de communication ne sont pas incompatibles les unes avec les autres : un gouvernement peut vouloir à la fois faire preuve de transparence et chercher à légitimer ses choix, par exemple.

Nous avons donc voulu savoir à quels types de participation correspondent les consultations prébudgétaires de la Colombie-Britannique. Pour cette raison, nous avons cherché à recueillir l’opinion des participants, afin de connaître leur perception et leur opinion à cet égard. Notre enquête a ciblé les participants aux audiences publiques que le Comité a tenues dans le contexte du budget de 20116. Ces audiences ont eu lieu du 15 septembre au 15 octobre 2010 et ont permis au Comité d’entendre 315 personnes agissant à titre de porte-parole d’une organisation. Nous avons envoyé une invitation à participer à notre enquête à 253 personnes pour lesquelles nous avons pu trouver une adresse courriel valide (il s’agissait d’un sondage électronique uniquement). Notre questionnaire comprenait une vingtaine de questions à choix multiples ainsi qu’une question ouverte que les répondants pouvaient utiliser s’ils désiraient ajouter des commentaires et traiter plus en profondeur de certaines questions (ce que près de 40 % ont fait). Le sondage s’est déroulé du 13 juillet au 31 août 2011.

Figure 1 : Distribution des répondants au sondage et de l’ensemble des participants aux consultations prébudgétaires selon le secteur d’activités, en pourcentage

Distribution des répondants au sondage et de l’ensemble des participants aux consultations prébudgétaires selon le secteur d’activités, en pourcentage

Figure 2 : Distribution des répondants au sondage et de l’ensemble des participants aux consultations prébudgétaires selon la localité, en pourcentage

Distribution des répondants au sondage et de l’ensemble des participants aux consultations prébudgétaires selon la localité, en pourcentage

Tableau 1 : Les consultations prébudgétaires informent-elles les participants à propos de la politique budgétaire du gouvernemen ?

Les consultations prébudgétaires ont permis à mon organisation d’obtenir de l’information à propos

Fortement d’accord

Plutôt d’accord

Plutôt en désaccord

Fortement en désaccord

Total

de l’état actuel de la situation budgétaire de la province (problèmes, défis, opportunités, etc.).

5,4 %

27,9 %

46,8 %

19,8 %

100 %
(n =111)

des politiques budgétaires envisagées par le gouvernement.

6,3 %

31,5 %

45,9 %

16,2 %

100 %
(n =111)

des initiatives qui ont été présentées dans le budget.

8,1 %

28,8 %

40,5 %

22,5 %

100 %
(n =111)

Nous avons reçu un total de 114 questionnaires remplis (dont 8 partiellement), ce qui correspond à un taux de réponse de 45,1 %. Les répondants semblent bien représenter l’ensemble des participants aux consultations sur le budget de 2011. Comme les données présentées aux figures 1 et 2 le démontrent, il existe très peu de variations entre la distribution des répondants et celle de l’ensemble des participants aux audiences publiques, que ce soit à propos du secteur d’activités ou de l’endroit où se sont déroulées les présentations (le secteur de l’éducation semble quelque peu sous-représenté dans notre étude, mais il reste néanmoins la catégorie où se trouve le plus fort pourcentage de participants). Par ailleurs, soulignons que, pour un tiers des répondants (33,3 %), il s’agissait d’une première participation aux consultations prébudgétaires du Comité, alors que 12,3 % des répondants ont indiqué avoir pris part à toutes les consultations prébudgétaires depuis qu’elles existent, c’est donc dire dix fois. La moyenne pour l’ensemble des répondants est de quatre comparutions au cours des dix dernières années.

Les consultations prébudgétaires comme moyen de communication du gouvernement avec la population

Est-ce que les consultations prébudgétaires permettent aux participants de connaître la politique budgétaire du gouvernement? Il semble que non, selon les données recueillies lors de notre enquête. Comme le tableau 1 l’indique, le tiers des répondants estiment que les consultations prébudgétaires leur permettent d’être informés à propos de la situation budgétaire actuelle de la province (5,4 % des répondants ont indiqué être fortement d’accord avec cette affirmation et 27,9 % plutôt d’accord), alors que 37,8 % affirment l’être à propos des intentions du gouvernement et 36,9 % à propos des initiatives budgétaires passées.

C’est donc dire que la majorité des répondants jugent ne pas être bien informés. Ces résultats surprennent quelque peu, car le ministère des Finances prépare et distribue un document de consultation prébudgétaire. Par contre, il s’agit d’un document très bref (habituellement de 3 pages) qui présente quelques agrégats financiers passés (telle que l’évolution des recettes perçues grâce à l’impôt sur le revenu) ou anticipés (la croissance de l’économie ou l’évolution du ratio d’endettement de la province, par exemple) et dégage certains enjeux (l’énergie propre, l’aide aux familles ayant de jeunes enfants, etc.).

Les consultations prébudgétaires comme moyen de communication de la population avec le gouvernement

Les consultations prébudgétaires semblent donner de meilleurs résultats lorsque les organisations cherchent à informer le gouvernement de leurs propres positions. Toutefois, il ne s’agit pas seulement de savoir si les organisations peuvent envoyer des avis et des recommandations au gouvernement (cette possibilité existe), mais plutôt de déterminer si celui-ci prend connaissance de ces propositions. Nous avons donc demandé aux répondants s’ils jugeaient que les membres du Comité avaient démontré de l’intérêt pour leurs suggestions et leurs recommandations. Comme le tableau 2 l’indique, la réponse est affirmative pour la quasi-totalité des répondants, 89,0 % ayant dit être fortement (34,5 %) ou plutôt d’accord (54,5 %) avec l’affirmation.

Tableau 2 : Les consultations prébudgétaires informent-elles le gouvernement à propos de l’opinion des participants?

 

Fortement d’accord

Plutôt d’accord

Plutôt en désaccord

Fortement en désaccord

Total

Les membres du comité ont démontré de l’intérêt pour les suggestions et les recommandations de mon organisation.

34,5%

54,5 %

6,4 %

4,5 %

100 % (n =110)

Les législateurs doivent connaître l’opinion des organisations et des citoyens quant à la politique budgétaire.

75,2%

22,0 %

0,0 %

2,8 %

100 % (n =109)

Le ministre des finances ou ses représentants ont manifesté de l’intérêt pour les propositions et les recommandations présentées au comité par mon organisation.

16,5%

55,0 %

17,4 %

11,0 %

100 %(n =109)

Les législateurs ne peuvent pas influencer la politique budgétaire du gouvernement.

9,2%

32,1 %

36,7 %

22,0 %

100 % (n =109)

Sans ces consultations prébudgétaires, mon organisation ne pourrait pas présenter sa position au gouvernement.

22,9%

35,8 %

29,4 %

11,9 %

100 % (n =109)

Cependant, en vertu des règles parlementaires, c’est le pouvoir exécutif qui a la responsabilité de présenter un budget à l’Assemblée législative. On peut donc se demander si le travail du Comité, c’est-à-dire du pouvoir législatif, importe vraiment. Ici, il semble pertinent de faire une distinction entre ce qui devrait être fait et ce qui se fait, donc entre les intentions et les réalisations. Presque tous les répondants, soit 97,2 %, jugent que les députés doivent connaître l’opinion des organisations et des citoyens quant à la politique budgétaire. Une majorité des répondants, soit 71,5 %, croient aussi que les activités du Comité suscitent l’intérêt du ministère des Finances, quoiqu’une proportion plus faible (58,7 %) juge que les législateurs réussissent à influencer la politique budgétaire du gouvernement. Ces écarts d’appréciation peuvent sans doute s’expliquer par le fait que ce ne sont pas toutes les recommandations présentées au Comité qui sont retenues par le ministère des Finances pour son budget (nous reviendrons sur ce thème ci-dessous). De plus, puisque le ministre des Finances ou ses représentants ne participent pas activement aux travaux du Comité (le ministre des Finances ne comparaît devant le comité que pour livrer son propre témoignage), les organisations n’ont pas l’occasion de communiquer directement avec le membre du Cabinet. Le commentaire suivant semble résumer la situation vécue par plusieurs organisations :

« Bien que nous ayons eu l’occasion de présenter nos opinions, cela n’a certainement pas semblé avoir eu d’effet sur les décisions. Ce n’était donc guère plus qu’une occasion de plaider en faveur de réels changements plutôt que d’avoir la possibilité de les faire. » (commentaire no 34)

Pour un autre répondant, il faudrait apporter des changements :

« Des hauts représentants du ministère des Finances devraient être présents et disponibles pour répondre à nos questions. Aussi, ils devraient être obligés de répondre aux mémoires écrits des groupes inscrits. » (commentaire no 23)

Un autre élément qui ressort de l’enquête est le fait que, pour plus de la moitié des répondants (58,7 %), le Comité constitue le seul mécanisme qui leur permet de faire valoir leurs points de vue à propos de la politique budgétaire de la province. Sans le Comité, ces gens n’auraient pas ou auraient très peu accès au gouvernement pour présenter leur position. Ainsi que le soulignent certains participants :

« C’est un processus difficile dominé par les mémoires d’organisations qui demandent des fonds (pas nous). Mais, auparavant, nous n’avions aucun moyen de présenter publiquement notre position. » (commentaire no 29)

« Les discussions autour des politiques budgétaires et fiscales se font en dehors de ce processus. Nous allons utiliser les audiences publiques pour exprimer et positionner publiquement nos recommandations. C’est le principal avantage de ce processus. » (commentaire no 21)

Les consultations prébudgétaires comme méthode de discussion et d’échange pour le gouvernement et la population

Les données présentées au tableau 3 nous permettent de savoir si les travaux du Comité donnent aussi l’occasion aux participants de discuter et de communiquer leurs points de vue sur la place publique. La formule des audiences publiques ne laisse pas beaucoup de place à de tels échanges. Chaque organisation dispose de 10 minutes pour expliquer sa position, suivies d’une période de questions de 5 minutes pour le Comité. En moyenne, celui-ci a entendu 22 témoins par séance (certaines séances ont compté plus de 40 témoins). À la fin de chaque séance, le public peut intervenir en posant des questions aux membres du Comité ou en formulant des commentaires lors d’une tribune libre. Toutefois, très peu de membres du public y prennent part. Malgré cette formule assez rigide, près des deux tiers des répondants, soit 65,1 %, estiment que les consultations leur ont permis de connaître la position des autres organisations. Par contre, ils sont plus nombreux à vouloir davantage d’interaction. Pour 90,8 % des répondants, les consultations prébudgétaires du Comité devraient faciliter les échanges et le dialogue entre leur organisation et les membres du Comité ainsi qu’entre les organisations elles-mêmes.

Tableau 3 : Les consultations prébudgétaires, outil d’engagement participatif?

 

Fortement d’accord

Plutôt d’accord

Plutôt en désaccord

Fortement en désaccord

Total

Les consultations prébudgétaires ont permis à mon organisation de connaître la position des autres organisations et des citoyens.

11,0 %

54,1 %

26,6 %

8,3 %

100 % (n =110)

Les consultations prébudgétaires devraient faciliter les échanges et le dialogue entre mon organisation et les membres du comité et entre mon organisation et les autres organisations et les citoyens.

52,3 %

38,5 %

7,3 %

1,8 %

100 % (n =109)

Les consultations prébudgétaires devraient tenter d’établir un consensus à propos des politiques budgétaires que devrait adopter le gouvernement.

29,4 %

41,3 %

26,6 %

2,8 %

100 % (n =109)

Le gouvernent devrait avoir l’obligation de mettre en œuvre les recommandations du comité.

33,9 %

43,1 %

16,5 %

6,4 %

100 % (n =109)

Le comité devrait chercher à obtenir des propositions et des recommandations représentant la position de la majorité des citoyens et des organisations de la province.

17,3 %

58,2 %

20,9 %

3,6 %

100 % (n =110)

Le comité devrait chercher à obtenir des propositions et des recommandations qui soient variées et diverses.

20,0 %

60,9 %

13,6 %

5,5 %

100 % (n =110)

Par ailleurs, une majorité de répondants est d’avis que ces échanges devraient avoir pour objectif d’établir un consensus à propos de la politique budgétaire du gouvernement (70,7 % des répondants) et que celui-ci devrait être obligé de mettre en œuvre les recommandations du Comité (77,0 %). Nous avons demandé qui devrait participer à ces discussions. Pour les trois quarts des répondants, le Comité devrait convier des personnes et des organisations dont les points de vue sont les plus représentatifs possible de ceux de la majorité de la population de la province (75,5 %). Par contre, les répondants sont un peu plus nombreux (80,9 %) à désirer que le Comité invite aussi des participants dont les positions sont variées et diverses.

L’appréciation globale des participants aux consultations prébudgétaires

Pour terminer, nous avons demandé aux répondants de nous faire part de leur appréciation globale du processus de consultations prébudgétaires de la Colombie-Britannique. Les données recueillies à ce sujet sont présentées au tableau 4. Dans l’ensemble, les deux tiers des répondants, 65,1 % plus précisément, se sont dits satisfaits du processus auquel ils ont participé. De plus, seul un très faible pourcentage de répondants, c’est-à-dire 3,8 %, ont indiqué ne pas vouloir prendre part aux prochaines consultations prébudgétaires (pour le budget de 2012), quoiqu’au moment de l’enquête, plus d’un répondant sur cinq (22,6 %) indiquait être encore indécis à cet égard (c’est-à-dire à deux mois du début des prochaines consultations). Les répondants semblent aussi satisfaits des travaux du Comité, alors que seulement un répondant sur dix (11,3 %) a indiqué que le rapport présenté par le Comité ne reflétait pas adéquatement les recommandations émises par son organisation. Ce qui surprend cependant, c’est qu’un tiers des répondants (34,0 %) ne semblent pas connaître le contenu du rapport du Comité. Plusieurs répondants (17,0 %) ne semblent pas non plus savoir si le budget présenté à la suite de ces consultations contient des initiatives qu’ils ont suggérées. Par contre, 39,6 % des répondants ont indiqué que le budget contenait des initiatives correspondant aux recommandations présentées par leur organisation au Comité.

Tableau 4 : Appréciation du processus prébudgétaire

 

Oui

Non

Ne sais pas

Total

Globalement, êtes-vous satisfait de ce processus de consultations prébudgétaires?

65,1 %

34,9 %

sans objet

100 % (n =106)

Avez-vous l’intention de participer aux consultations prébudgétaires de l’an prochain?

73,6 %

3,8 %

22,6 %

100 % (n =106)

Croyez-vous que les recommandations de votre organisation ont été présentées adéquatement dans le rapport du comité?

54,7 %

11,3 %

34,0 %

100 % (n =106)

Est-ce que le budget 2011 contient des initiatives que vous avez présentées au comité?

39,6 %

43,4 %

17,0 %

100 % (n =106)

Est-ce que le gouvernement a pris en compte vos recommandations pour l’élaboration d’autres projets de loi ou initiatives publiques?

39,6 %

60,4 %

sans objet

100 % (n =106)

Est-ce que vous croyez que le gouvernement va tenir compte de votre opinion au cours des prochaines années?

69,8 %

30,2 %

sans objet

100 % (n = 106)

Il peut sembler surprenant que près des trois quarts des participants aient indiqué vouloir prendre part aux consultations prébudgétaires pour le budget de 2012, alors que tous n’ont pas vu leurs recommandations paraître dans le rapport du Comité ou encore dans le budget de 2011. Cette volonté pourrait s’expliquer par le fait que, d’une part, plus du tiers des répondants (soit 39,6 %) croient que leur participation aux consultations prébudgétaires pour le budget de 2011 a déjà incité le gouvernement à prendre en considération leurs propositions et leurs recommandations dans le cadre d’autres initiatives gouvernementales et que, d’autre part, plus des deux tiers des répondants (69,8 %) pensent que le gouvernement tiendra compte de leur opinion au cours des prochaines années.

Nous avons aussi demandé aux participants s’ils jugeaient que les ressources mises à la disposition du Comité pour mener les consultations prébudgétaires leur semblaient adéquates. Comme les données présentées au tableau 5 l’indiquent, plus de quatre répondants sur cinq sont d’avis qu’elles pourraient être bonifiées : le Comité devrait consacrer plus de temps aux audiences publiques (selon 83,4 % des répondants), visiter plus de collectivités (81,7 %) et utiliser plus efficacement les nouvelles technologies de l’information et des communications (88,9 %).

Tableau 5 : Les ressources mises à la disposition du comité

Le comité devrait :

Fortement d’accord

Plutôt d’accord

Plutôt en désaccord

Fortement en désaccord

Total

Consacrer plus de temps aux audiences publiques.

28,4 %

55,0 %

14,7 %

1,8 %

100 % (n =109)

Visiter plus de collectivités.

34,9 %

46,8 %

16,5 %

1,8 %

100 % (n =109)

Utiliser les nouvelles technologies de l’information et des communications plus efficacement.

39,4 %

49,5 %

9,2 %

1,8 %

100 % (n =109)

Enfin, plusieurs répondants nous ont fourni des commentaires supplémentaires à propos de leur participation à cet exercice de consultation. Dans l’ensemble, bien que plusieurs participants aient évalué positivement les travaux du Comité, un bon nombre ont néanmoins souligné leurs limites. Les commentaires suivants permettent de nuancer certaines réponses obtenues à nos questions à propos du travail du Comité :

« La meilleure chose à propos de ce processus, c’est qu’il nous a engagés dans la conversation. Je ne suis pas sûr de son effet sur le budget, mais, au moins, nous avons eu le sentiment que nous avons participé. » (commentaire no 37)

« L’idée que les consultations publiques sont une occasion pour entendre les opinions de la population est vraiment bien, le processus semble bien exécuté et, d’après ce que j’ai observé, le rapport du Comité reflète très bien la variété des points de vue présentés. Là où le processus ne fonctionne pas aussi bien, c’est dans la phase d’exécution. […] Les consultations seraient beaucoup plus pertinentes si le gouvernement donnait vraiment suite à la majorité des recommandations du Comité. » (commentaire no 8)

« Bien que l’occasion de donner une présentation devant le Comité soit réellement appréciée, il semble que le Comité demeure attaché à ses préoccupations de départ lorsqu’il rédige son rapport. Peut-être se sent-il limité quant à son pouvoir à formuler des recommandations qui divergent des positions déjà exprimées par le gouvernement. » (commentaire no 13)

Conclusion

Quel bilan tirer des consultations prébudgétaires de la Colombie-Britannique à partir des résultats de cette enquête? Si l’on se fie à l’appréciation générale fournie par les répondants, la plupart des participants semblent satisfaits du processus employé et continueront à y participer. De plus, les répondants appuient clairement l’idée selon laquelle les législateurs doivent connaître l’opinion des organisations et des citoyens en matière de politiques budgétaires. Un tel soutien semble démontrer le bien-fondé des consultations prébudgétaires menées par le Comité.

Par contre, l’accueil positif des travaux du Comité ne doit pas masquer le fait que ces consultations cherchent avant tout à encourager la population à présenter des recommandations aux représentants politiques (au comité législatif, au ministère des Finances ou bien aux deux) plutôt qu’à participer activement à l’élaboration de la politique budgétaire de la province. L’échange d’information se fait donc essentiellement dans un seul sens, de la population vers le gouvernement. Il est surprenant de constater que peu d’information circule dans le sens contraire, du gouvernement à la population. On aurait pu croire que le gouvernement aurait désiré recevoir des propositions de la part de participants bien informés au départ. Ce ne semble pas être le cas.

Est-ce que les consultations permettent néanmoins aux participants d’exercer une certaine influence sur les décisions budgétaires? Plusieurs répondants ont indiqué que certaines de leurs recommandations avaient été incluses dans le budget. Toutefois, il n’est pas possible de conclure à partir de ce fait qu’ils ont eu une influence directe sur les choix budgétaires du gouvernement. Il se pourrait bien que les consultations prébudgétaires servent surtout à légitimer certaines initiatives que le gouvernement envisageait déjà. Autrement dit, les recommandations des participants qui figurent dans le budget pourraient bien correspondre à des mesures déjà décidées par le gouvernement.

Les résultats de notre enquête indiquent que les gens voudraient participer davantage à la conception du budget de la province. Les répondants sont nombreux à désirer voir un échange de points de vue entre tous les participants, législateurs compris, qui pourrait mener à l’atteinte de consensus. Par contre, la recherche de consensus pose certains défis. Pour commencer, il y a lieu de se demander qui devrait participer à ces discussions. Les résultats de notre enquête font état d’une certaine ambiguïté à cet égard. Les répondant ont indiqué préférer l’encouragement de la participation de groupes qui soient à la fois les plus représentatifs possible de la majorité de la population, mais aussi qui soient des porte-paroles de positions variées et diverses. Ces deux objectifs que sont la représentativité et la diversité ne sont pas nécessairement compatibles : la diversité de points de vue s’obtient très souvent en incluant des groupes représentant des positions minoritaires, voire marginales. Il s’agit donc de groupes qui, par la force des choses, ne représentent pas une opinion majoritaire, c’est-à-dire appuyée par une majorité de personnes.

Par ailleurs, la recherche de consensus ne pourra se réaliser sans une redéfinition des rôles en matière d’initiative budgétaire. Si le comité législatif possède le mandat de chercher un consensus auprès de la communauté, le gouvernement doit accepter de délaisser une partie de ses propres responsabilités budgétaires. Un tel partage des pouvoirs est-t-il envisageable, alors que les partis politiques sont élus non seulement pour bien gérer les affaires de la province, mais aussi pour mettre en place des initiatives qui correspondent à leur plate-forme électorale et, donc, pouvant être distinctes de celles proposées par d’autres partis? Autrement dit, il n’est pas certain que la recherche d’un consensus soit un objectif toujours atteignable en matière d’initiatives budgétaires.

Pour conclure, on peut se demander si les mécanismes de consultation prébudgétaire mis en place en Colombie-Britannique peuvent aider à combattre le cynisme affiché par une bonne partie de la population envers les affaires publiques. Nous constatons que les consultations permettent à la population de participer plus activement à la formulation du budget. Ceci constitue un changement notable comparativement à l’ancienne pratique, qui consistait à élaborer les politiques budgétaires dans le plus grand secret. Par contre, le danger qui guette actuellement les consultations prébudgétaires concerne la manière dont les recommandations du public sont utilisées. Plusieurs répondants ont indiqué dans leurs commentaires (et nous en avons reproduit certains ici) qu’ils ne savaient pas comment le Comité ou encore le ministère des Finances avait tenu compte de leurs recommandations. Le taux de participation aux consultations prébudgétaires est en baisse depuis quelques années en Colombie-Britannique. Il se peut que cette tendance soit passagère. Mais il est aussi possible qu’une certaine lassitude commence à s’installer chez les participants, ceux-ci ne voyant pas de résultats probants relativement au temps et aux ressources qu’ils ont consacrés à cet exercice de participation populaire. Ceci semble constituer le principal défi à relever pour le moment pour le comité législatif.

Notes

1. Kate Ryan-Lloyd, Jonathan Fershau et Josie Schofield, « Consultations prébudgétaires en Colombie-Britannique », Revue parlementaire canadienne, vol. 28, nº 3 (automne 2005).

2. Pour obtenir plus de renseignements sur les divers mécanismes de consultation prébudgétaire utilisés par les gouvernements fédéral et provinciaux, voir Geneviève Tellier, « La participation citoyenne au processus d’élaboration des budgets : une analyse des mécanismes instaurés par les gouvernements fédéral et provinciaux canadiens », Télescope, vol. 17, no 1 (hiver 2011), p. 95-115.

3. Susan Tanaka, « Engaging the Engaging the Public in National Budgeting: A Non-governmental Perspective », OECD Journal on Budgeting, vol. 7, no 2 (novembre 2007), p. 139-177.

4. Evert Lindquist, « Citizens, Experts, and Budgets: Evaluating Ottawa’s Emerging Budget Process », dans S.D. Philipps, dir., How Ottawa Spends 1994-95: Making Change, Ottawa, Carleton University Press, 1994, p. 91-128, « How Ottawa Spends Series », no 15.

5. Yves Sintomer, Carsten Herzberg et Anja Röcke, « Participatory Budgeting in Europe: Potentials and Challenges », International Journal of Urban and Regional Research, vol. 32, no 1 (mars 2008), p. 164-178.

6. Nous avons ciblé les participants que nous pouvions aisément identifier. L’identité des témoins affiliés à une organisation ayant pris part aux audiences publiques (nom de la personne et de son organisation) paraît dans les transcriptions des travaux du Comité et nous avons pu trouver une adresse courriel de correspondance dans la plupart des cas. Ce sont ces personnes que nous avons sondées. L’information est incomplète pour les participants affiliés à une organisation qui avait envoyé un mémoire écrit ou ses commentaires par vidéo (dans ces deux cas, le rapport du Comité fournit uniquement le nom des organisations et non celui des personnes ayant rédigé le mémoire) et pour les personnes ayant participé à titre individuel (qui pouvaient soumettre un mémoire, remplir le questionnaire ou encore témoigner lors des audiences publiques).


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Vol 35 no 1
2012






Dernière mise à jour : 2020-09-14