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Renouvellement du gouvernement et rôle accru du caucus
John Betts, député provincial

Deux grands thèmes sont ressortis depuis l’élection du gouvernement progressiste-conservateur, le 12 octobre 2010. D’une part, la province est confrontée à un défi budgétaire de taille, et les Néo-Brunswickois savent très bien qu’il faut s’y attaquer. D’autre part, la population veut être consultée pour les décisions importantes. Le présent article se penche sur les mesures qui ont été prises à ces égards.

Selon les comptes publics du Nouveau-Brunswick, la province a présenté des budgets équilibrés pendant six années consécutives, soit de 1999-2000 à 2007-2008. Toutefois, de 2007-2008 à 2009-2010, les dépenses du gouvernement ont augmenté de 12,5 % tandis que ses recettes sont restées pratiquement les mêmes, ce qui entraîné d’importants déficits. Pour l’exercice 2008-2009, la province a, en effet, enregistré un déficit de 192,3 millions de dollars, qui s’est ensuite élevé à 737,9 millions en 2009-2010. La dette nette de la province, qui se chiffrait à moins de 6,6 milliards en 2006-2007, totalisait 8,4 milliards de dollars au 31 décembre 2010. Le déficit de l’exercice 2010-2011, évalué à 740 millions de dollars, fera passer la dette bien au-delà du cap des 9 milliards. La province a vu sa cote de crédit révisée à la baisse et, pour l’exercice ayant pris fin le 31 mars 2010, le coût du service de la dette publique se chiffrait à 616,6 millions de dollars. Un plan de relance économique s’impose, puisque nos dépenses gouvernementales, à ce rythme, risquent de compromettre les services essentiels fournis à la population.

Renouvellement du gouvernement

Il faut, de toute évidence, réaliser des gains d’efficacité dans la prestation des services gouvernementaux. En 1994, sous le premier ministre Chrétien, le gouvernement fédéral a lancé un « examen des programmes » dont on a confié l’analyse à Donald Savoie, de Moncton, et à Peter Aucoin, de la Nouvelle-Écosse. Puis, en 1999, Bernard Lord, alors premier ministre du Nouveau-Brunswick, a, lui aussi, lancé une réforme visant à établir clairement ce que faisait le gouvernement, qui le faisait, si c’était efficace, et enfin, si c’était bien le gouvernement qui devait le faire ou non. En 2010, le nouveau gouvernement du Nouveau-Brunswick a décidé de passer à l’action et de renouveler le gouvernement par quatre grands moyens :

  • amener les intervenants à modeler les services sur les attentes;
  • veiller à ce que le gouvernement respecte les objectifs énoncés dans le budget de 2011-2012;
  • poser les jalons d’un plan triennal de retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2014-2015.

En 1960, le Nouveau-Brunswick comptait 3 000 fonctionnaires, tandis qu’aujourd’hui, ils sont plus de 56 000. Le 3 juin 2011, le Bureau des ressources humaines a déposé un rapport intitulé Profil de l’effectif de la fonction publique du Nouveau-Brunswick 2010, qui présente, sous forme de données statistiques, les principales caractéristiques de celle-ci.

L’effectif de la fonction publique fluctue selon les gouvernements. Le défi consiste à s’assurer que chaque poste est nécessaire et que la personne qui l’occupe est dotée des qualifications requises. Les gouvernements mettent en œuvre des lois et fournissent des services à la population. Toutefois, le public exerce aussi des pressions sur les politiciens pour la création d’emplois. Au Nouveau-Brunswick, le nouveau gouvernement a réduit de 10 % le nombre de hauts fonctionnaires. Les sous-ministres gagnent jusqu’à 175 000 $ tandis que le salaire de certains fonctionnaires peut atteindre 450 000 $, que les sous-ministres adjoints gagnent entre 125 000 et 150 000 $ et que les députés gagnent 85 000 $. Il y avait 105 sous-ministres, sous-ministres adjoints et directeurs généraux. Dans les faits, plus de 4 200 fonctionnaires ont un salaire plus élevé que celui des députés à l’Assemblée législative.

Objectifs

On a déjà eu recours à la réduction arbitraire et généralisée des dépenses — de 1 %, 2 % ou 10 % —, mais, cette fois, nous voulions pousser l’exercice plus loin. D’autres mesures de réduction des coûts, comme ne pas doter les postes devenus vacants et procéder à des compressions budgétaires généralisées, ont été utilisées auparavant. Mais voilà, un poste vacant peut s’avérer essentiel et beaucoup plus crucial en fait que trois autres postes qui, eux, sont dotés. Vu la précarité des finances provinciales, nous estimions qu’il fallait faire plus. Nous avons donc mis en place un programme de compression des dépenses de 1 % et amputé de 2 % celles de l’exercice en cours, mais nous avons aussi adopté une stratégie de renouvellement qui allait cibler les services essentiels : ils feraient l’objet de mesures du rendement et d’un plan d’amélioration constante de ce dernier.Nous étions d’avis que, pour déterminer les attentes de la population, il fallait assurer sa participation. Le ministre des Finances et d’autres ministres ont donc sillonné la province pour recueillir des suggestions sur la manière d’améliorer l’efficacité des services. Nous avons aussi mis sur pied le Réseau de recherche sur les politiques sociales du Nouveau-Brunswick pour faire participer les citoyens et tenu des assemblées publiques locales.La participation des citoyens est nécessaire pour que les services publics soient de qualité et abordables, tout en répondant aux attentes de la population. Une consultation publique de grande ampleur a donc été lancée pour définir la plateforme électorale du Parti progressiste-conservateur avant l’élection du 27 septembre 2010, et cette consultation devait ensuite se poursuivre pour concrétiser le programme. La stratégie de renouvellement du gouvernement a pour objectif le retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2015. Chaque ministère et chaque société d’État ont été mis à contribution et devront offrir leurs programmes essentiels avec plus d’efficience.

Quelle que soit leur allégeance politique, les députés veulent tous être utiles et jouer un grand rôle dans l’administration publique. À 42 députés, le caucus ministériel du Nouveau-Brunswick est considéré comme un grand caucus. Or, par mesure d’austérité, le nouveau Cabinet a été réduit de 21 à 16 membres, si bien que la plupart des nouveaux députés n’en font pas partie. Il fallait donc leur offrir d’autres façons de prendre part aux affaires de l’État, car beaucoup de députés élus pour la première fois ont tendance à voir leur enthousiasme et leur dynamisme décliner au fur et à mesure qu’ils découvrent les réalités d’une imposante bureaucratie, et qu’ils constatent que les grandes décisions sont prises par le premier ministre et le Cabinet. Leur volonté de « changer le monde » doit être canalisée dans d’autres avenues de service à la population et de participation aux affaires de l’État, sans quoi leur frustration risque de céder le pas au relâchement.

Quand le nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir, les mesures suivantes ont été prises pour accroître le rôle joué par les députés :

  • Des députés se sont vu confier un poste d’adjoint parlementaire (secrétaire), un peu comme dans le modèle fédéral.
  • Pour la toute première fois, des députés du parti au pouvoir ont été assermentés pour siéger au Comité des politiques et des priorités, l’un des deux comités du Cabinet par lesquels doivent d’abord passer toutes les mesures législatives ministérielles.
  • Des députés ont été assermentés pour siéger au Conseil de gestion.
  • Un comité d’examen législatif, composé de députés du gouvernement, a été mis sur pied pour examiner les mesures législatives après qu’elles ont franchi les étapes du ministère, du Comité des politiques et des priorités, du Conseil de gestion et du Cabinet.
  • Les ordres du jour du caucus sont établis par les députés et ceux-ci doivent donner leur approbation définitive aux mesures législatives examinées.
  • Des députés sont membres à part entière du Comité sur le renouvellement du gouvernement, composé d’un nombre égal de ministres du Cabinet et de simples députés du gouvernement.

Stratégie de renouvellement du gouvernement

Les objectifs qui ont été fixés, à savoir assurer les services essentiels, faire participer la population et équilibrer le budget, seront essentiellement réalisés par trois comités :

  • Un comité central composé de quatre sous-ministres responsables des politiques, dont le chef de cabinet du premier ministre, se réunit pendant toute une journée chaque semaine.
  • Un comité composé des sous-ministres de tous les ministères se réunit aux deux semaines pour déterminer les services essentiels et mettre en œuvre les examens de rendement.
  • Le troisième comité est composé de quatre ministres et de quatre députés, comme on l’a indiqué précédemment, qui devaient se réunir aux deux semaines, mais qui tiennent maintenant une rencontre hebdomadaire à leur propre demande.

De ce comité du Cabinet et des députés relèvent le comité directeur du Bureau de revue gouvernementale et le comité des sous-ministres. D’après la stratégie, les 25 ministères et organismes gouvernementaux font l’objet d’un examen, et l’effort de renouvellement vise aussi les sociétés d’État et les biens de l’État.

Les ministères de la Santé, de l’Éducation, du Développement social et des Transports, de même que l’Agence des services internes, rendront directement compte au comité directeur du gouvernement. Chaque ministère fera l’objet d’une analyse schématique dans le but de déterminer ses fonctions essentielles. Pour ce faire, on aura recours à cinq tests :

  • le test de l’intérêt du public;
  • le test du rôle du gouvernement;
  • le test de l’ordre gouvernemental provincial;
  • le test du partenariat;
  • le test d’efficience.

On procédera ensuite à un test de capacité financière pour déterminer s’il y a lieu d’abolir ou de transférer un service.

À l’heure actuelle, trois grands projets sont en cours, neuf projets horizontaux ont été proposés et huit projets ministériels sont pilotés par le gouvernement central. Bernard Richard, ancien ombudsman et premier à occuper les fonctions de défenseur des enfants et de la jeunesse de la province, mène, de son côté, un examen des hauts fonctionnaires de l’Assemblée législative. L’examen vise à trouver des moyens d’améliorer l’efficience, l’efficacité et la reddition de comptes de ces hauts fonctionnaires sans diminuer leur indépendance. M. Richard doit présenter ses conclusions et ses recommandations au président de l’Assemblée législative le 31 octobre 2011.

Parmi les projets de renouvellement sectoriel, il y a la mise sur pied d’Investir Nouveau-Brunswick, organisme qui a pour mandat d’attirer de nouveaux investissements dans la province, un examen des filières énergétiques de la province, et un processus de consultation sur les administrations locales. Actuellement, la province compte 371 districts de services locaux, villes, villages et collectivités rurales pour une petite population de 751 000 habitants.

Réseau de recherche sur les politiques sociales

Le Réseau de recherche sur les politiques sociales et l’Unité de l’engagement des citoyens du premier ministre sont deux projets visant à permettre aux Néo-Brunswickois d’avoir voix au chapitre sur les questions importantes. Par l’intermédiaire d’assemblées publiques locales et de consultations officielles sur les forêts de la Couronne, l’énergie, les terres humides, les finances, les administrations locales, la santé et l’éducation, la population a reçu les outils nécessaires pour participer concrètement à la prise de décisions.

En plus de la série de mesures qu’il a prises, dont la réduction de la taille du Cabinet de 21 à 16 membres, le gel des salaires des députés, la réduction de 33 % de leurs prestations de retraite et la baisse du nombre de hauts fonctionnaires, le gouvernement a aussi demandé à Don Desserud, professeur de science politique, et à Cody Waite de produire un rapport sur la réforme législative.

Aux élections provinciales du 27 septembre 2010, cinq partis ont présenté des candidats : le Parti vert du Nouveau-Brunswick (PVNB), le Parti libéral, le Nouveau Parti démocratique (NPD), le Parti de l’alliance populaire du Nouveau-Brunswick (PANB) et le Parti progressiste-conservateur du Nouveau-Brunswick.

Les progressistes-conservateurs ont récolté 48,4 % des voix, tandis que les libéraux en ont obtenu 34,2 %, le NPD, 10,3 %, le PVNB, 4,5 %, et le PANB, 1,2 %.

Les progressistes-conservateurs ont remporté 42 des 55 sièges à l’Assemblée, et les 13 autres sièges sont allés aux libéraux, les trois autres partis n’ayant pas réussi à faire élire de candidat. Lors d’une entrevue accordée à la CBC, M. Desserud a déclaré que, lorsqu’il a communiqué avec le NPD, le Parti vert et le Parti de l’alliance populaire pour leur offrir des occasions de se faire entendre à l’Assemblée législative, ils ont répondu que, comme ils n’avaient pas de candidat élu, ils n’avaient pas leur place à l’Assemblée.

Dans leur rapport, MM. Desserud et Waite concluent que la meilleure façon de faire participer les tiers partis aux travaux de l’Assemblée serait d’améliorer la participation citoyenne en général. Les auteurs sont aussi d’avis que le recours aux pétitions et aux questions par procuration n’en valait pas vraiment la peine. Le rapport contient des recommandations qui modifieraient radicalement le fonctionnement de l’Assemblée législative, mais il recommande aussi de doter certains comités d’un mandat précis, et de les encourager à nommer des représentants compétents des tiers partis qui ne sont pas représentés à la Chambre. Le rapport de MM. Desserud et Waite a été déposé à l’Assemblée législative le 10 juin 2011.1

Résultats immédiats et à long terme

On prévoit qu’à court terme, le processus de renouvellement du gouvernement permettra de ramener le déficit de un milliard de dollars à 448,8 millions. Des consultations publiques exhaustives, y compris la mise sur pied d’une ligne de communication directe avec le premier ministre (dave@gnb.ca), ont permis à la population d’avoir voix au chapitre sur les façons de réduire les dépenses. Ces mesures ont permis au nouveau gouvernement de réduire le déficit projeté de plus de 50 %. Le processus de renouvellement laisse aussi entrevoir la possibilité d’éliminer le déficit d’ici 2014, et ce, sans devoir augmenter la TVH.

Ces mesures devraient permettre de réduire le nombre de hauts fonctionnaires de 10 %. De 1960 à 2010, la fonction publique néo-brunswickoise est passée de 3 000 à 56 000 employés. Le Nouveau-Brunswick comptait 12,9 fonctionnaires pour 1 000 habitants, sans compter les enseignants et les infirmières. Ce ratio était de 4,4/1 000 en Colombie-Britannique, de 4,9/1 000 en Ontario, et de 9,9/1 000 en Nouvelle-Écosse. Le salaire hebdomadaire moyen des fonctionnaires a connu une augmentation de 55 % en 12 ans, soit entre 1997 et 2009. Le secteur privé a, pour sa part, connu une hausse salariale de 30 %.

Notes

1. On peut le consulter sur Internet à l’adresse :http://www2.gnb.ca/content/dam/gnb/Departments/eco-bce/pdf/2011PropositionsReformLegislative.pdf


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 34 no 4
2011






Dernière mise à jour : 2020-09-14