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La mise en candidature des femmes aux élections néo-brunswickoises en 2010
Marilyne Gauvreau

Sur les 236 candidats aux élections provinciales de 2010 au Nouveau-Brunswick, 71, soit environ 30 p. 100, étaient des femmes. Le nombre de candidates était beaucoup plus élevé, comparativement aux élections provinciales précédentes. Le présent article examine plusieurs facteurs qui ont pu contribuer à ce changement. Il s’appuie, en partie, sur des entrevues menées sur une période d’un mois auprès de candidates du Parti libéral, du Parti conservateur, du Nouveau Parti démocratique et du Parti vert. Les candidates interviewées étaient des francophones âgées de 50 à 65 ans. Trois d’entre elles venaient des secteurs urbains, et l’une d’elle, d’une région rurale.

Au moins six indicateurs expliquent l’augmentation de la mise en candidature des femmes aux élections de 2010 au Nouveau-Brunswick.

Mesures prises par les partis politiques

En raison de leur processus de mise en candidature, les partis politiques sont les vrais gardiens de la composition de l’Assemblée législative. Tout comme l’ont démontré les recherches effectuées par le Conseil consultatif sur la condition de la femme au Nouveau-Brunswick (CCCFNB) ainsi que les recommandations du rapport final de la Commission sur la démocratie législative au Nouveau-Brunswick, « il faut examiner le processus de mise en candidature des partis à titre d’obstacle le plus important, en dehors du système électoral en tant que tel1 ». De ce fait, l’attitude et la culture du parti sont des facteurs qui peuvent encourager les femmes à se présenter pour telle formation politique et elles ont d’autant plus de chances de remporter le congrès de mise en candidature par cette ouverture d’esprit. Bien que quelques stratégies (incitatifs financiers aux partis, encouragement, sensibilisation et élections à dates fixes) aient été proposées par le CCCFNB pour encourager les partis politiques à faire plus de place aux femmes quand vient le temps de la mise en candidature, seulement l’une d’elles a été institutionnellement mise en vigueur, soit celle de l’établissement d’élections générales à date fixe. Toutefois, deux partis politiques ont fait preuve d’innovation au cours des dernières années. En se basant sur les politiques en lien avec l’équité entre les sexes qui ont été élaborées dans la constitution du parti fédéral, le NPD de la province a adopté, lui aussi, une politique visant l’égalité dans les mises en candidature, mais qui n’est toutefois pas incluse dans son programme2. Contrairement à l’institutionnalisation d’un plan d’action sur l’égalité des sexes, le Parti libéral a, pour sa part, mis en place avec la Commission libérale féminine le Fonds Tony Barry, qui incite les femmes à s’impliquer dans le processus politique et récompense celles qui se sont démarquées par leur dévouement à la cause publique. Comme l’a mentionné l’une des candidates lors de notre entretien, les femmes sont très bien accueillies au sein du parti. Il y a d’ailleurs une équipe au sein du Parti libéral qui s’occupe essentiellement du recrutement des femmes. « Des efforts intenses aux élections précédentes ont été réalisés au niveau de la recherche pour inclure les femmes à l’intérieur du parti. » Toutefois, elle croit que les femmes doivent être convaincues d’elles-mêmes pour entrer dans la sphère politique et ce ne sont pas les mesures qui feront la différence.

Dans une autre perspective, toutes les candidates interrogées adoptent le même point de vue en ce qui concerne l’esprit d’ouverture des partis politiques. Elles s’accordent en disant que leur formation politique a fait du progrès en les sensibilisant davantage à se porter candidates aux élections. Or, plusieurs d’entre elles affirment que les jeunes femmes qui se sont présentées aux élections n’avaient pas tellement d’encadrement de la part des cadres du parti au niveau de la gestion du travail et de la famille. D’ailleurs, on remarque la tendance qu’il y a de plus en plus de jeunes femmes d’année en année qui démontrent leur intérêt pour la chose politique. Bien que l’on remarque certaines avancées, il reste encore du travail à faire par les partis politiques pour encourager et sensibiliser les femmes à se présenter en politique sous leur bannière. Pour améliorer la donne actuelle vers un avenir meilleur, les candidates interviewées croient qu’il faudrait mettre en place des mesures incitatives qui feraient en sorte de promouvoir l’attrait de la vie politique. Par exemple, les partis pourraient attirer plus de femmes en mettant l’accent sur la vie familiale dans l’espace politique. De plus, le mentorat en politique serait une autre solution à mettre en place pour encourager les femmes à se porter candidates. Il faut promouvoir les valeurs féminines, tout en tenant compte aussi des masculines au sein de cet espace, afin que celui-ci soit plus accessible à toutes et à tous.

Mesures prises par les organisations féministes

Dans la défense et le soutien des femmes en politique, le Conseil consultatif sur la condition de la femme au Nouveau-Brunswick est « un organisme créé par une loi provinciale ayant le mandat de conseiller le gouvernement et de porter à l’attention du public les questions qui préoccupent les femmes3 ». On constate que, par diverses publications et réunions publiques sur le sujet de la sous-représentation des femmes en politique, cet organisme indépendant a accordé beaucoup d’importance à cet enjeu au cours des dernières années. D’ailleurs, un recueil de textes sur les femmes à l’Assemblée législative a été publié en août 2010. L’une de ses sections traite essentiellement de la question des mesures à adopter, tant au niveau individuel qu’institutionnel, pour promouvoir la participation des femmes sur la scène politique. On y retrouve plusieurs outils pour les femmes qui désirent s’informer elles-mêmes avant de faire le saut : un cours en direct sur le Web, des enregistrements audio, des documents audiovisuels, des trousses électorales et des guides politiques. Au niveau institutionnel, l’organisme recommande plusieurs solutions aux partis politiques et au gouvernement. Néanmoins, la question de la mise en candidature des femmes se rapporte d’autant plus aux stratégies des partis. Le CCSFNB recommande que ceux-ci institutionnalisent le processus de recherche des candidates potentielles en améliorant la diversité, qu’ils établissent un système de quotas et qu’ils encaissent une récompense financière pour celles qui se font nommer candidates.

En ce qui concerne les entrevues menées, seulement une candidate a affirmé que les organismes responsables de la condition féminine aux niveaux régional et provincial l’ont aidé dans son cheminement politique, tout en la sensibilisant aux enjeux actuels. Pour leur part, les autres femmes sont convaincues que leur expérience en tant qu’activiste et militante de longue date fait que leur décision relevait plutôt d’une passion personnelle pour la chose politique. Bien qu’elles admettent que certains groupes les ont encouragées, elles croient que ce ne sont pas eux en tant que tels qui ont fait pencher la balance. En effet, elles sont plutôt persuadées que leur passé et leur entourage ont joué un rôle primordial lorsqu’est venu le temps de se lancer dans la campagne électorale. À titre d’exemple, l’une des candidates estime que l’expérience de son frère en politique fédérale est devenue une sorte de référence. Elle percevait celui-ci comme un mentor lorsqu’elle a entrepris ses démarches pour faire sa place au sein du Parti conservateur.

Si les mesures prises par les organisations féministes ont plus ou moins influencé les femmes à se porter candidates à ces élections-ci, il convient alors d’examiner les prochains aspects institutionnels.

Élections à dates fixes

Lorsque la Commission sur la démocratie législative du Nouveau-Brunswick a déposé son rapport final en 2005, elle avait pour mandat d’« examiner la possibilité d’établir des dates d’élection fixes pour les élections générales provinciales, tout en proposant une date d’élection fixe et des directives adaptées à notre province, et formuler des recommandations à cet effet4 ». À la lecture du rapport final, plus précisément de cette section, on constate deux avantages particuliers pour les femmes, advenant l’établissement d’élections provinciales à date fixe. Premièrement, cette nouvelle initiative permettrait aux citoyens et citoyennes qui n’ont pas les ressources financières désirées ou le temps nécessaire de commencer à mobiliser leurs arrangements afin de pouvoir se présenter aux élections. Deuxièmement, en connaissant la date exacte de l’élection provinciale, « les partis politiques seraient mieux à même d’attirer des candidates et des candidats qualifiés qui, en sachant qu’ils peuvent mieux planifier leur carrière et leur vie personnelle grâce à la certitude qu’apporterait une date d’élection fixe, seraient plus disposés à siéger comme députés et députées ». Par l’entremise de cette nouvelle disposition institutionnelle, les femmes se retrouveraient dans une position avantageuse, étant donné qu’elles seraient mieux en mesure de planifier à long terme leurs convictions et les appliquer ainsi que de concilier les volets familial et politique de leur vie. Le sentiment d’incertitude qu’elles éprouvent quant à la politique serait ainsi réduit.

Lorsque les candidates ont été interrogées sur cette question de l’élection à date fixe, la majorité se sont accordées pour dire que cette nouveauté leur avait permis de se préparer, de s’informer des procédures électorales et d’établir un réseau de contacts. L’une des candidates interviewées défend l’idée selon laquelle elle s’est présentée à ces élections en raison des événements politiques qui se sont déroulés durant les dernières années, notamment la vente d’Énergie Nouveau-Brunswick et le lien étroit entre le gouvernement et l’empire Irving. En regardant le côté associatif à un parti politique quelconque auquel les femmes se sont ralliées, aucune d’entre elles n’affirme que les élections à date fixe leur ont servi à choisir leur formation politique. Le choix de leur alliance politique était déterminé bien à l’avance pour plusieurs raisons, notamment la perspective familiale, leurs valeurs ou leurs convictions, et les contacts. Toutefois, nous reviendrons sur ce point plus loin au cours de l’analyse. Ainsi, on constate que les élections générales provinciales à date fixe ont eu des effets bénéfiques, étant donné que c’était la première fois que les candidates et les candidats pouvaient se préparer à faire leur choix et à lancer leur campagne électorale de manière efficace. On le voit d’autant plus que davantage de femmes se sont portées candidates à ces élections-ci, soit 30 p. 100 du nombre total des candidats, comparativement aux suffrages précédents. Le record antérieur de 24 p. 100 avait été réalisé en 19995. Bien que l’on considère cet enjeu positif comme étant l’une des causes principales de l’augmentation du nombre de candidatures féminines, il serait nécessaire de se pencher sur un autre facteur institutionnel. Dans la prochaine section, on abordera la diversité des partis politiques qui étaient présents sur la scène électorale lors du scrutin de 2010. Deux partis émergents ont frayé leur chemin et il conviendra d’en étudier l’impact sur la représentation politique des femmes.

L’émergence de nouveaux partis politiques

Avec l’apparition de deux nouveaux partis politiques pendant ces élections-ci, on peut tirer différents constats. Le Parti vert (juillet 2008) et l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick (mai 2010) sont des tiers partis qui ont fait leur émergence sur la scène électorale. Toutefois, nous ne nous attarderons pas sur le cas de l’Alliance, car il constitue un cas très récent et qu’aucune entrevue n’a été réalisée avec ses candidates. Ayant mené beaucoup d’efforts pour recruter des femmes, le Parti vert a réussi à présenter « 23 femmes parmi 51 de ses candidats, soit une proportion de 42 %6 ». D’ailleurs, c’est le parti politique qui a affiché le meilleur rendement sur le plan de la présence féminine, tout juste devant le Nouveau Parti démocratique, avec ses 18 candidates. Comme l’a mentionné Maurice Duverger, « la variation la plus importante du nombre de candidatures féminines concerne la nature des partis politiques. Deux catégories de partis semblent favoriser les candidatures féminines : les partis de gauche (socialistes et communistes) d’un côté, les partis chrétiens de l’autre7 ». Les partis chrétiens demeurent moins crédibles, étant donné qu’il n’y en a aucun au Nouveau-Brunswick. Or, ce qui est intéressant demeure dans le fait que les deux partis politiques ayant des idéaux plus orientés vers des valeurs sociales de gauche (le Parti vert et le NPD) sont ceux qui ont recruté le plus de femmes. Bien que les cadres de ces partis n’aient pas établi de mesures institutionnelles officielles pour inciter les femmes à se présenter sous leur bannière, on peut néanmoins établir une corrélation entre les idéaux du parti et les valeurs auxquelles les femmes se rattachent le plus.

En l’une de mes dix questions (« Croyez-vous que la pluralité des tiers partis (NPD, Parti vert, Alliance des gens du N.-B.) a aidé à l’augmentation de la mise en candidature des femmes aux élections de septembre passé? »), les interviewées ont répondu en majorité et avec optimisme que la nouvelle conjoncture offre des possibilités diverses. Par contre, une des candidates croit que les tiers partis n’ont pas vraiment de rôle important pour ce qui est d’attirer les femmes à se lancer en politique. Elle a répondu ceci à la question posée ci-dessus : « Personnellement, je ne pense pas que cela a changé la donne. La femme se libère de plus en plus des tâches, des obligations du mari, avance vers un avenir qui répond plus à ses besoins ». Selon elle, c’est plutôt la libéralisation de la femme qui doit servir à expliquer le phénomène. Quoique cette candidate adopte un point de vue différent des autres, il faut mentionner que les trois autres répondantes considèrent que l’apparition des tiers partis offre plus de choix. De plus, les idéaux de ces derniers correspondent beaucoup plus à la philosophie féminine. La variété de partis politiques reflète la démocratie au sein d’un espace territorial déterminé. Un fait étonnant est venu éclairer ma recherche en ce qui concerne l’intérêt des candidates des tiers partis. Les deux candidates qui sont présentées pour le Parti vert et le NPD avouent qu’elles n’avaient pas pour but premier d’être élues. Comme l’a mentionné la candidate du Parti vert, « la population néo-brunswickoise est amorphe sur les nouvelles idées. On n’avait pas tellement de moyens. On a de la misère à s’imaginer pour voter pour les tiers-partis. Également, nous n’avons pas mené une grosse campagne comparativement aux autres partis politiques ». À travers tous les facteurs institutionnels élaborés jusqu’à maintenant qui ont eu eu des effets considérables sur l’augmentation de la mise en candidature des femmes aux élections provinciales en septembre, il est maintenant temps d’aborder la question sous un autre angle, soit celui relevant de la perspective motivationnelle et des représentations.

Les motivations personnelles

« Dans les sociétés modernes comme dans les sociétés traditionnelles, il est un fait que la femme âgée hors de la période reproductive est beaucoup moins soumise au contrôle masculin et peut alors accéder à des fonctions jusqu’alors interdites8 ». En effet, on constate que la plupart des femmes qui se sont présentées sur la scène politique sont âgées dans la cinquantaine et plus. Étant donné qu’elles ont fini d’élever leurs enfants, elles peuvent dès lors se consacrer à des tâches qui demandent plus de leur temps. On remarque d’autant plus que le niveau de formation et le milieu social influencent le parcours professionnel d’une femme. Toutes les candidates interrogées ont poursuivi des études universitaires de premier et de deuxième cycle, sauf l’une d’entre elles. D’ailleurs, Manon Tremblay a notamment relevé le fait que les politiciennes sont plus scolarisées que leurs collègues féminines et qu’elles font partie de l’élite9. Il ne faut donc pas s’étonner si la majorité des femmes qui se sont présentées candidates à ces élections avaient un profil qui comportait un bagage professionnel acquis de longue date ainsi qu’un parcours postsecondaire plus développé comparativement à la moyenne des citoyennes en tant que telle.

Sous une autre perspective, un autre constat peut être élaboré. Le concept d’identité est souvent mis en relief avec l’occupation d’un poste de pouvoir par une femme. Est-ce que la femme dans une telle situation a plus tendance à s’identifier à son père ou à sa mère? Dans un ouvrage portant sur l’exercice du pouvoir par les femmes en Acadie, Anne Décerf et Marie-Thérèse Séguin arrivent à des conclusions plutôt convaincantes. D’une part, les auteures constatent que les femmes ont été encouragées à exercer une forme de pouvoir par leur père, étant donné l’implication de celui-ci dans la communauté acadienne, peu importe le degré d’importance. D’autre part, la manière dont les femmes contrôlent la dynamique entre collègues de travail est plus influencée par les valeurs qui ont été transmises par la mère10.

En se référant aux entrevues menées, il est évident de remarquer que toutes les candidates ont été influencées par le milieu familial, notamment par le père et ou un frère.

À la question « Vous souvenez-vous de ce qui vous a amené à vous intéresser à la politique? », les quatre candidates ont toutes répondu que leur passé familial avait eu une très grande importance au niveau de leur intérêt pour la politique. L’une des candidates affirme : « Ma famille a toujours été impliquée dans la politique. Mon père était conseiller municipal et il s’est énormément investi dans le Parti libéral à l’époque. » Concernant l’expérience qu’ont eu leurs frères sur la scène politique, deux candidates croient qu’elle leur a donné la piqûre de se lancer, elles aussi, en politique. Leurs frères ont joué un rôle de mentor auprès d’elles afin de les diriger dans la bonne direction, en leur donnant des conseils ainsi qu’en les dirigeant vers des contacts clés dans l’organisation politique.

En abordant plus spécifiquement les objectifs que se sont fixés les candidates, on peut tirer différents constats. Animées par un désir de changer la manière actuelle de faire la politique, elles se sont intéressées plutôt à des dossiers qui touchent les domaines sociaux. Deux candidates (celles du Parti vert et du Parti progressiste-conservateur) veulent s’investir au niveau de la pauvreté, de l’alphabétisation, du vieillissement de la population ainsi que de l’accommodement des personnes aux besoins spéciaux. Du côté du NPD, la candidate avoue que ses deux grandes priorités demeurent la préservation des sociétés de la Couronne (frustration vis-à-vis de l’approche néolibérale adoptée par le Parti libéral avec la débâcle d’Énergie NB) et la mise en place d’une loi sur l’équité salariale pour l’ensemble de la population néo-brunswickoise. Finalement, la candidate libérale démontre un intérêt particulier pour les dossiers du développement régional. « Il devrait y avoir des contacts plus étroits entre le municipal et le provincial en lien avec les affaires et le développement économique. » Il faut mentionner qu’une des candidates n’a pas perdu courage, étant donné que c’était la deuxième fois qu’elle se présentait aux élections provinciales sous la bannière du Parti libéral.

Les représentations reliées au sexe

Pour reprendre le titre d’un chapitre du livre Des femmes en politique de Mariette Sineau, l’altérité au quotidien est devenue une réalité changeante11. Dans le monde actuel dans lequel nous vivons, bien des changements se sont effectués en ce qui a trait à la libéralisation du statut de la femme, essentiellement dans les États de droit. La femme est en mesure de s’exprimer de la façon dont elle le désire avec tous les mécanismes qui existent dans l’espace public. Toutefois, on remarque qu’il est parfois difficile de surmonter les barrières des représentations que l’on se bâtit d’une autre personne en se basant sur les valeurs sexuées. La situation est plus complexe pour les femmes qui veulent se démarquer en politique, domaine traditionnellement masculin. « C’est un fait maintes fois souligné que pour réussir en politique, une femme doit rassurer. Mariée, mère de famille, elle est normale, sécurisante, conforme à ce que l’on attend d’une femme12. » Ainsi, il y a ce sentiment de prouesse que les femmes doivent souvent effectuer afin de démontrer à l’autre sexe de quoi elles sont capables. D’ailleurs, une candidate a également relevé ce phénomène lorsqu’elle travaillait avec son groupe de soutien, qui était composé majoritairement d’hommes. Elle a constaté qu’un certain degré de méfiance régnait au début quand venait le temps de travailler en équipe. Elle a dû démontrer son caractère et ses compétences. À partir de cet instant, une confiance solide s’est bâtie. De plus, on entend régulièrement le mythe selon lequel les femmes en politique auraient tendance à vouloir agir comme des hommes, c’est-à-dire qu’elles renonceraient à leurs valeurs et à leurs manières propres de faire les choses. Or, il s’avère que le « deuxième sexe » ne veut pas fusionner avec la suprématie mâle si l’on se fie aux réponses reçues de la part des candidates interviewées. Comme le mentionne une autre candidate, « les femmes ne veulent pas devenir des hommes en faisant de la politique. On doit valoriser les valeurs féminines tout en les conjuguant avec celles masculines ». En effet, on remarque que cette problématique des sexes est loin d’être réglée. Néanmoins, il ne faut pas se laisser embarquer dans le bateau d’un discours antiféministe venant des hommes, parce qu’il y en a certains d’entre eux qui représentent les intérêts des femmes et qui sont conscients de la différence qui existe entre les sexes.

Plus précisément, on entend régulièrement, de la part des femmes, la critique de l’ambition masculine en politique. « En politique comme dans la vie professionnelle, le carriérisme est finalement la plus courante des pratiques chez les hommes. […] L’aspect le plus déplaisant de la vie politique se situe pour elles dans cette espèce de violence inhérente à la lutte pour le pouvoir, et à la concurrence pour les postes13. » De fait, l’une des candidates a notamment soulevé ce phénomène lorsqu’elle dit que « plusieurs femmes ont donné leur nom pour marquer leur présence au sein des tiers partis, mais non pour gagner, contrairement aux hommes qui se présentent ayant la conviction de gagner ». Avec tous ces exemples concrets, on s’aperçoit qu’il y a bel et bien une différence entre le comportement des politiciens et celui des politiciennes.

Conclusion

L’augmentation du nombre de candidatures féminines lors des élections provinciales au Nouveau-Brunswick est le résultat de plusieurs facteurs. En étudiant la question sous l’angle institutionnel ainsi que sous celui du comportement des acteurs, il est plus évident de saisir les éléments qui nous intéressent en lien avec notre question de recherche et il nous permet d’explorer deux avenues complètement différentes. Pour répondre à cette problématique, il demeure sincèrement difficile de déterminer la seule cause principale de cette hausse des mises en candidature des femmes. Étant donné que cette tendance est nouvelle dans notre province, il est improbable que ce phénomène puisse s’expliquer par un seul principe. C’est donc pour cette raison qu’il demeure essentiel d’explorer le plus d’horizons possible pour en arriver à des conclusions qui sont bien justifiées. Les mesures prises par les organisations féministes ne semblent pas avoir entraîné d’effets considérables sur les candidates interrogées. Ces organismes sont-ils efficaces ou les citoyennes sont-elles assez sensibilisées à ce genre de regroupement? Nous aurions pu approfondir cette tendance, mais il était de mon devoir de rester sur la bonne voie de ma problématique pour ne pas trop m’éloigner. Alors, cet indicateur demeure plus ou moins crédible comme cause principale de l’explication de la plus forte proportion de candidates de l’histoire du Nouveau-Brunswick. En parcourant ces trois dimensions, nous affirmons l’hypothèse énoncée au début, mais en enlevant la partie sur les mesures entreprises par les organismes féministes, étant donné qu’elles ne semblent pas avoir autant incité les femmes à se présenter comme candidates à ces élections-ci.

Quoique la sensibilisation des femmes à la chose politique par les organismes responsables de la condition féminine ait eu peu d’influence, il ne faut pas nier les pressions que ceux-ci ont effectuées sur les instances représentatives. Or, il est dommage qu’il n’y ait pas de programme de mentorat établi officiellement au Nouveau-Brunswick, comme celui qui existe au Québec, soit le Groupe Femmes, Politique et Démocratie (GFPD). Celui-ci a pour objectif « de proposer aux mentores et aux mentorées une base de travail qui puisse guider et baliser une relation mentorale axée sur le développement de la confiance personnelle, d’une perception réaliste de la chose publique et de l’identité politique de l’aspirante candidate14 ». De plus, les élections à date fixe ont contribué à la préparation mentale et logistique des femmes désirant se porter candidates. Les répercussions positives qui avaient été soulevées dans le rapport final de la Commission sur la démocratie législative du Nouveau-Brunswick ont sensiblement eu lieu au niveau de la mise en candidature des femmes lors de cette élection.

La présence de plusieurs tiers partis a contribué à attirer plus de candidates, étant donné la diversité d’idéaux politiques. D’ailleurs, ce sont les tiers partis de gauche qui ont présenté le plus de candidates.

Sous une autre dimension, le comportement des acteurs, ou plutôt des actrices dans ce cas-ci, a notamment attiré des femmes à se présenter en politique, si l’on se réfère à leurs sources motivationnelles ainsi qu’aux représentations sexuées relevées précédemment. Le parcours professionnel, le milieu social, l’âge, le désir de changement, l’intérêt pour les domaines sociaux, la persévérance sont tous des motifs qui interviennent dans la vocation à la chose publique chez une femme. De plus, les représentations jouent un rôle énormément important en ce qui a trait à la consolidation des ambitions féminines. Notons-en quelques-unes : les femmes ne pratiquent pas la politique de la même façon que les hommes, elles dénoncent le discours carriériste des hommes et elles doivent couramment se justifier auprès de ceux-ci pour leur démontrer qu’elles sont capables d’accomplir le travail.

Après avoir analysé les résultats, il convient dès lors d’ouvrir nos horizons. Bien qu’il y ait eu une avancée au niveau de la mise en candidature des femmes aux élections provinciales, il reste encore du chemin à faire afin d’en arriver à une représentation politique juste du deuxième sexe Mais, quelles autres mesures devrait-on mettre en place afin d’encourager les femmes à se présenter dans l’arène politique? Plusieurs personnes croient que la solution se trouve dans la conjoncture institutionnelle, par l’apport de modifications au mode de scrutin ou bien par l’établissement de quotas. Même si on leur facilite la tâche d’entrer en politique, il faut tout d’abord conscientiser les femmes à ce rôle et les convaincre que cet espace leur réserve des bénéfices considérables, tant au niveau professionnel que social.

Il aurait été intéressant de voir une comparaison entre les autres provinces canadiennes en regardant les recherches effectuées sur ce sujet. La culture politique est différente d’un espace géographique à un autre, ce qui peut expliquer l’avancée en cette matière de quelques provinces comme le Québec et la Colombie-Britannique. Or, cette perspective pourrait être utilisée pour un projet de recherche d’un point de vue plutôt comparatif.

Notes

  1. Nouveau-Brunswick, Commission sur la démocratie législative, Rapport final et recommandations, 2005, p. 114. Internet : www.gnb.ca/0100/FinalReport-f.pdf
  2. Jean-Mari Pître, « Plus de femmes que jamais sont candidates au N.-B. – Il y a toutefois encore beaucoup de place à l’amélioration », Acadie nouvelle, 9 septembre 2010, p. 3.
  3. Conseil consultatif sur la condition de la femme au Nouveau-Brunswick, Les femmes à l’Assemblée – Un recueil de textes portant sur les femmes et l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, 2010, table des matières.
  4. Nouveau-Brunswick, Commission sur la démocratie législative, op. cit., p. 65.
  5. Conseil consultatif sur la condition de la femme au Nouveau-Brunswick, op. cit., p. 17.
  6. Jean-Mari Pître, loc. cit.
  7. Maurice Duverger, La participation des femmes à la vie politique, Paris, UNESCO, 1955, p. 82. Internet : <http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001338/133894fo.pdf>.
  8. Mariette Sineau, Des femmes en politique, Paris, Economica, 1988, p. 49.
  9. Manon Tremblay, 100 questions sur les femmes et la politique, Montréal, Les Éditions du remue-ménage, 2008, p. 199.
  10. Anne Décerf et Marie-Thérèse Séguin, « Quand les femmes s’intéressent à l’exercice du pouvoir en Acadie », dans Shannon Hartigan, Réa McKay et Marie-Thérèse Séguin, dir., Femmes et pouvoir : réflexions autour d’Olympe de Gouges, Moncton, Éditions d’Acadie, 1995, p.267.
  11. Mariette Sineau, op. cit., p. 47.
  12. Id., ibid., p. 57.
  13. Id., ibid., p. 84.
  14. Martine Blanc et Christine Cuerrier, Le mentorat en politique auprès des femmes : un mode d’accompagnement prometteur, Montréal, Les Éditions du remue-ménage, 2007, p. 100.

Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 34 no 2
2011






Dernière mise à jour : 2020-09-14