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Un partenariat dans le Commonwealth : Hampton et Piggs Peak
Bev Harrison

En 2005, un Swazi s’est rendu dans la municipalité de Hampton, au Nouveau-Brunswick, pour parler de l’épidémie de sida. Les citoyens ont alors décidé de lui prêter main-forte et se sont mobilisés. Ils ont ainsi fondé un partenariat avec Piggs Peak, au Swaziland, pour aider cette collectivité africaine. Grâce a l’appui considérable manifesté par ses 4 000 citoyens, le petit village de Hampton a amassé suffisamment de fonds pour aider 80 élèves à poursuivre leurs études et soutenir de nombreux autres projets communautaires à Piggs Peak. Le présent article porte sur ce projet de la municipalité de Hampton, et sur le rôle joué par le député de la région à l’Assemblée législative dans le développement de ce partenariat.

En 2004, le Canada a été l’hôte de la Conférence de l’Association parlementaire du Commonwealth, un rassemblement des pays membres du Commonwealth. En tant que président de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick à l’époque, j’ai eu l’immense privilège d’y assister.

C’est ainsi que j’ai remarqué, dans le hall de l’hôtel, un jeune Africain se tenant à l’écart qui consultait son agenda. Je me suis approché pour me présenter, et j’ai appris qu’il était un nouveau député du Swaziland appelé Prince Mphiwa. Pendant les jours qui ont suivi, nous avons pris part ensemble à diverses activités et excursions, et sommes ainsi devenus amis.

Le Royaume du Swaziland est un petit pays d’une superficie d’un peu plus de 17 000 km2 qui compte environ 1,1 million d’habitants. Il s’agit d’un État indépendant, dont le gouvernement est complètement autonome. Les Swazis, qui appartiennent à la même ethnie composée de plusieurs clans, parlent le siswati et l’anglais. Ce sont des gens fiers et pacifiques à la personnalité enjouée et dotés d’un grand sens de l’humour. Le Swaziland est aussi le pays qui affiche la plus grande proportion, au monde, de personnes infectées par le VIH/sida.

Prince Mphiwa a eu une autre occasion de venir au Canada pour apprendre comment établir des comités législatifs. Le Swaziland venait tout juste de remanier sa constitution et son parlement se voulait un organe législatif plus efficace. J’ai alors suggéré qu’il se rende aussi au Nouveau-Brunswick, que je lui ai proposé de visiter en ma compagnie ainsi que la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard. Dans la féérie d’octobre, nous avons parcouru les Maritimes et goûté à l’hospitalité qui fait la renommée de notre région.

Ce fut le début d’une amitié qui m’a ouvert les yeux sur les terribles souffrances d’une génération vivant à l’autre bout du monde. Jamais je n’aurais pu imaginer à quel point cette rencontre allait influer sur ma vie, ni la voie dans laquelle elle allait me guider. Ce que j’ignorais aussi, c’est à quel point mon village de Hampton, au Nouveau-Brunswick, s’était aussi généreusement impliqué.

Le Programme des étoiles de mer (Starfish Program)

Notre village est reconnu pour son sens du dévouement et ses activités humanitaires. C’est là qu’est né John Peters Humphrey, l’un des auteurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies. Des résidants de Hampton ont aussi remporté le Prix des droits de la personne à deux reprises au cours des dix dernières années.

Au fil des ans, les liens qui unissent Hampton et Piggs Peak se sont resserrés et nos relations se sont consolidées à la faveur de visites effectuées par les résidants de nos collectivités respectives. Jusqu’à présent, je me suis moi-même rendu cinq fois au Swaziland, où j’ai apporté mon aide, à titre d’agent de liaison, à la population locale en travaillant sur le terrain.

Lors de ma première visite, j’ai été chargé par le président de notre comité de Hampton de visiter l’école secondaire Fundukuwela pour y lancer officiellement un projet mis sur pied par deux enseignants de Hampton. De retour au pays, j’ai pris conscience qu’il fallait que je m’implique en devenant membre du comité pour le partenariat. Avec l’élargissement de mes contacts et les nouvelles amitiés, je savais que je me rendrais au Swaziland plus souvent. C’est ainsi que je suis revenu, à mes frais, pour travailler à mon projet favori et j’ai logé chez des amis. Ce fut pour moi une expérience beaucoup plus revigorante, dynamisante et enrichissante sur le plan personnel que si j’avais fait une croisière ou suivi mes compatriotes canadiens dans le Sud.

Ce projet a porté fruit et, maintenant, de nombreux résidants de Hampton, y compris des élèves, parrainent à titre individuel un élève swazi par le truchement du Programme des étoiles de mer, projet que nous avons lancé l’année dernière pour répondre à nos besoins de financement grandissants.

Nous avons baptisé le Programme d’après cette histoire sur les étoiles de mer :

Un jour, un homme marchait le long d’une plage lorsqu’il remarqua un jeune garçon en train de ramasser quelque chose et de le rejeter délicatement à la mer. S’approchant de lui, l’homme a demandé : « Que fais-tu donc? »
Le garçon a répondu : « Je rejette les étoiles de mer dans l’océan. Les vagues sont violentes et la marée descend. Alors si je ne les rejette pas à la mer, elles vont mourir. »
« Petit », répliqua l’homme, « Ne sais-tu pas que la plage s’étend sur des kilomètres et que des centaines d’étoiles de mer s’y sont échouées? Ne vois-tu pas que tu ne peux rien y changer? »

Après avoir écouté l’homme poliment, le garçon se pencha pour ramasser une autre étoile de mer et la rejeter ensuite dans l’océan. Puis, en souriant à l’homme, il lui répondit : « J’ai changé le cours des choses pour celle-là. »

Le partenariat Hampton-Piggs Peak a pour objectif d’établir un lien entre nos collectivités dans le but de réduire les terribles conséquences du VIH/sida au Swaziland en offrant de l’aide, de l’espoir et de meilleures perspectives d’avenir. Tout comme le jeune garçon qui rejette les étoiles de mer dans l’océan, nous allons changer le cours des choses pour une personne à la fois.

L’un de nos principaux projets consiste à assurer le paiement des études pour les jeunes de la région de Piggs Peak. Ils aspirent tous à suivre des études collégiales ou universitaires pour pouvoir pratiquer un métier spécialisé. Cela est possible pour certains d’entre eux s’ils obtiennent d’excellents résultats lors des examens d’admission. S’ils sont admis, l’État paie leurs frais de scolarité et leur verse une allocation de subsistance, alors que l’école primaire et secondaire est payante (et il faut compter le coût de l’uniforme). Quelle ironie!

Mais nous pouvons, de l’autre bout du monde, financer les études de 80 jeunes (frais scolaires et uniformes); des jeunes qui, avec un peu de chance, deviendront des citoyens responsables capables de contribuer à la société swazie. Lorsque nous apportons notre aide à ces jeunes infortunés, nous en sortons tous gagnants.

Ceux d’entre nous qui ont visité Piggs Peak ont été témoins des ravages causés par la propagation fulgurante du VIH/sida : des familles entières d’orphelins sont élevées par les grand-mères, des enfants prennent soin de leurs parents mourants et les spectres du chômage et du désespoir planent sur la jeunesse. Lorsqu’on est témoin d’une telle tragédie, on ne peut faire autrement que de tenter d’aider ces gens.

Le sida est la principale cause de décès en Afrique, et le Swaziland présente le taux d’incidence du sida le plus élevé au monde. Dans ce pays, l’espérance de vie est de 32 à 36 ans, la plus courte au monde. C’est là une réalité bien difficile à imaginer pour nous qui vivons au Canada.

Mais nous changeons réellement le cours des choses. J’ai été témoin de ce changement et j’ai vu les résultats accomplis grâce à l’établissement de relations marquées par la bienveillance et le souci d’autrui.

Satisfaction personnelle

Roméo Dallaire nous a donné des conseils au sujet des principaux défis à relever si nous voulons assumer nos responsabilités au-delà de nos frontières. Pour ce faire, nous devrons véritablement progresser à maints égards pour réduire la propagation du sida et avancer sur le plan des relations humaines, et ce, tant dans les pays d’Afrique que dans le reste du monde. Nous devrons, ce qui vaut aussi pour le Swaziland :

  1. donner aux femmes les moyens d’agir;
  2. assurer la scolarisation des enfants;
  3. favoriser le respect mutuel.

Nous avons un devoir à accomplir et un rôle à jouer au-delà de nos frontières et de notre luxe relatif. L’indifférence est tout simplement inacceptable.

Certains de ces idéaux, de même que mon amour pour le Swaziland et son peuple, m’aident à garder les choses en perspective. Ma vie est enrichie par les amis proches que je me suis fait dans ce pays et par la relation d’affection et de soutien mutuel que j’ai développée avec ma famille élargie de jeunes Swazis.

Marion Wright Edelman disait : « On m’a appris que le monde avait son lot de problèmes, que je pouvais me battre et y remédier, que les dons intellectuels et matériels s’accompagnaient du privilège et de la responsabilité de les partager avec les plus démunis, et que le service à la communauté était, en quelque sorte, le loyer que chacun de nous doit payer pour vivre — c’est en fait le but de notre existence, et non d’une activité pratiquée dans nos temps libres ou après avoir atteint nos objectifs personnels. »

Des exemples de ce qui peut être fait

Gandhi a dit : « Vous devez être le changement que vous voulez voir dans ce monde » et « Par la douceur, on peut ébranler le monde ». Permettez-moi de conclure en décrivant certains des problèmes typiques que nous rencontrons au Swaziland et en expliquant ce que nous pouvons faire pour venir en aide aux citoyens de ce pays.

Imaginez-vous dans la situation suivante : vous êtes un jeune homme de 17 ans. Votre père a quitté votre famille avant même votre naissance. Votre mère est décédée il y a cinq ans, et elle est enterrée sous un tas de pierres au fond du jardin. Votre grand-mère utilise sa maigre pension pour que vous puissiez continuer d’aller à l’école où vous avez d’excellentes notes. Lors de la première semaine de votre classe de quatrième (l’équivalent de notre 11e année), on vous renvoie à la maison parce que vous n’avez pas les moyens de payer les frais scolaires et qu’il vous est carrément impossible d’obtenir cet argent. Vous n’avez même plus d’argent pour acheter de la nourriture, et vous vivez avec les deux autres membres de votre famille dans une hutte sans électricité ni eau courante. Il y a des jours où il pleut si fort que vous n’arrivez même pas à allumer un feu. Vous avez pour seuls vêtements un uniforme scolaire de seconde main, usé à la corde. Vous envisagez l’avenir avec crainte et vous vous réveillez la nuit en vous demandant : « Comment vais-je survivre? » « Qu’est-ce que je peux faire? »

C’est exactement la situation de Sikelela (un prénom qui signifie béni). Mais, heureusement pour lui, un enseignant compatissant a vu son potentiel et lui a suggéré de venir me rencontrer. C’était en janvier 2010, lors de ma troisième visite au Swaziland, la veille de mon retour au Canada. Sikelela est donc venu se présenter, et j’ai été tellement secoué par l’histoire tragique de ce jeune homme que je l’ai fait inscrire au Programme des étoiles de mer le jour même. Nous sommes allés lui acheter un uniforme et des souliers neufs ce jour-là. Faute de temps, je n’ai pas pu en apprendre beaucoup sur son passé, mais il m’a raconté son histoire de survie dans les lettres que nous avons échangées dans l’année qui a suivi notre rencontre.

Je suis retourné au Swaziland en novembre 2010. J’ai alors pu passer un peu plus de temps avec Sikelela et nous sommes même allés visiter sa hutte. On n’y trouvait ni nourriture, ni vêtements (hormis l’uniforme que je lui avais acheté), ni matelas, ni couvertures, ni oreiller. Sikelela dormait sur un matelas de paille à même le sol. Je suis donc retourné faire quelques achats avec lui et sa situation semblait un peu moins dramatique. Nous avons acheté un gros sac de semences de maïs de qualité et un peu d’engrais pour tirer parti du début de la saison. Il a eu une bonne récolte, ce qui s’est traduit par de la nourriture pendant les mois d’hiver (de juin à août). J’ai compris alors que j’allais « adopter » (ou parrainer) Sikelela. J’ai trouvé un moyen de lui envoyer de l’argent chaque mois. Quand il aura 18 ans, il pourra ouvrir son propre compte bancaire.

Bongani a 23 ans et est en cinquième (l’équivalent de notre 12e année). Il n’a pas pu aller à l’école tous les ans faute d’argent. Il a plutôt dû prendre soin de son père mourant, et subvenir aux besoins de ses trois frères et sœurs puisque sa mère les avait abandonnés alors qu’il était très jeune. À l’époque, sa mère était revenue depuis peu, après le décès de son père. Ils ont souvent été des jours sans rien avoir à se mettre sous la dent. J’ai aussi rencontré Bongani à la fin de mon séjour de janvier 2010. Les élèves de l’école secondaire Fundukuwela parrainés par les résidants de Hampton l’ont choisi comme porte-parole.

Nous avons échangé de nombreuses lettres au cours de l’année, ce qui a créé une sorte de lien père-fils entre nous. Tout comme Sikelela, il est devenu un membre de ma famille élargie au Swaziland.

Lewis a 19 ans. Il y a deux ans, il est devenu le tout premier élève que j’ai parrainé. Lewis et trois autres élèves (Dumsani, 23 ans; Mfanzile, 20 ans; Thokozani, 18 ans) sont devenus des membres de ma famille swazie, et ils ont chacun leur propre histoire.

Chaque fois que j’aide un élève, j’essaie de suivre ses progrès en ayant avec lui un contact personnel. Ces jeunes ont besoin d’un soutien affectif, de connaître quelqu’un qui se soucie de leur bien. Ils ont en effet autant besoin d’amour et d’attention que de nourriture.

Pour voir d’autres exemples et en savoir plus sur ce projet, visitez notre site Web, à l’adresse www.hamptonpiggspeak.ca.


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 34 no 2
2011






Dernière mise à jour : 2020-09-14