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Jessica Nasrallah
La diminution récente de
la participation électorale aux élections fédérales canadiennes est
préoccupante. Aux élections de 1993, la participation électorale est tombée à
70 p. 100, contre 75 p. 100 aux élections précédentes. Ce pourcentage est tombé
à 67 p. 100 en 1997, puis à 61 p. 100 en 2000. Aux élections du 14 octobre 2008,
on a enregistré la plus faible participation électorale de l’histoire du pays :
59,1 p. 100. Dans le présent article, l’auteure compare la participation
électorale du Canada à celle d’un autre pays démocratique, le Danemark.
Au Danemark, où l’âge minimal pour voter est
le même qu’au Canada, la participation est habituellement élevée, s’établissant
en moyenne à 85 p. 100. Depuis les années 1950, le taux de participation le plus
faible dans ce pays, soit 82,8 p. 100, a été enregistré en 1990. Il s’agit quand
même d’un taux très impressionnant. Aux élections de 2007, la participation
électorale a atteint 86,6 p. 100, une augmentation par rapport au taux de
84,4 p. 100 enregistré aux élections de 2005. Il est évident que les Danois ont
une attitude différente des Canadiens face aux élections. Nous devons comprendre
ce qui explique cette situation afin de pouvoir inverser le déclin observé au
Canada.
Questions liées à l’éducation et à la jeunesse
Lors d’élections récentes, la participation a
été faible chez les jeunes Canadiens. Ainsi, aux élections fédérales de 2004, le
taux de participation des jeunes de 18 à 29 ans était inférieur de 15 points.
Mark Franklin a écrit :
Nombre d’entre eux n’ont pas encore établi
les liens sociaux nécessaires et n’ont pas été adultes assez longtemps pour
être mobilisés par ceux qui essaieront de les faire adhérer à de tels
réseaux1.
Il est évident que, lorsque les jeunes
d’une société n’ont pas le sens du devoir civique, ils ne sont pas portés à
se rendre aux urnes. En règle générale, les jeunes Canadiens ont
l’impression de vivre en marge du système politique. C’est pourquoi ils
adoptent les attitudes de base de ceux que la politique laisse indifférents,
soit la méfiance envers la classe politique et le manque d’informations. Il
apparaît donc nécessaire de sensibiliser davantage les citoyens à la vie
politique, car plus les gens sont au fait de la politique, plus ils sont
susceptibles d’avoir l’esprit ouvert et de se forger leurs propres opinions.
Les jeunes électeurs ne
possèdent tout simplement pas l’éducation voulue pour prendre des décisions
éclairées sur tous les aspects de la politique électorale. Une étude sur la
participation électorale publiée dans la revue d’Élections Canada intitulée
Perspectives électorales
a révélé que :
[…] pendant les 10 derniers jours de la
campagne électorale de 2004, 40 p. 100 des 18 à 29 ans n’ont pas été en
mesure de nommer le chef du Parti libéral, Paul Martin, 53 p. 100 n’ont pu
nommer le chef du Parti conservateur, et 66 p. 100, le chef du NPD2.
Manifestement, il y a un manque flagrant de
connaissances chez les jeunes électeurs canadiens. En fait, 83 p. 100 des
Canadiens estiment que les établissements d’enseignement doivent faire davantage
pour sensibiliser les jeunes à l’importance du vote et de la participation
politique. Lors de leur enquête sur ce sujet pour le compte d’Élections Canada,
Jon Pammett et Lawrence LeDuc ont découvert que :
Certains répondants attribuent cependant
aux jeunes une attitude plus volontairement et activement négative face à la
politique ou aux élections. Certains répondants estiment que les jeunes sont
moins enclins à voter parce qu’ils sont cyniques ou désenchantés de la
politique, dégoûtés « des fausses promesses, de la malhonnêteté, de
l’hypocrisie, de la corruption et du négativisme » qui caractériseraient la
vie politique, et réfractaires à participer à un exercice « inutile »3.
Le négativisme qu’entretiennent les jeunes
Canadiens à l’égard des élections nuit à leur participation.
Vote et abstention en 2000, par
cohorte d’âge
Âge en 2000
|
Voté en 2000
|
68+
|
58-67
|
48-57
|
38-47
|
30-37
|
25-29
|
21-25
|
18-20
|
Total
|
Oui
|
83,3
|
80,4
|
76,4
|
66,2
|
54,2
|
38,2
|
27,5
|
22,4
|
61,3
|
Non
|
16,7
|
19,6
|
23,6
|
33,8
|
45,8
|
61,8
|
72,5
|
77,6
|
38,7
|
N = 2 467
Y = 0,392 p < 0,000
Source : Lawrence LeDuc et Jon H. Pammett, P ourquoi
la participation décline aux élections fédérales canadiennes : un
nouveau sondage des non-votants, Ottawa,
Élections Canada, 2003, p. 20.
|
La mobilisation
individuelle a trait aux attitudes des personnes qui incitent les autres à
voter, tandis que la mobilisation politique renvoie à l’intégration sociale et
au devoir civique, lequel est un sentiment d’obligation et de responsabilité à
l’égard de la participation politique. Comme nous l’avons dit plus haut, les
électeurs canadiens, surtout les jeunes, ne possèdent pas suffisamment le sens
du devoir civique. Par contre, ce phénomène ne semble pas aussi répandu au
Danemark.
Les politologues Jørgen Elklit, Palle Svensson
et Lise Togeby, de l’Université d’Aarhus (Danemark), ont souligné que « la
stabilité de la participation électorale au Danemark s’explique ainsi en partie
par le fait que les nouvelles générations ont été mobilisées au même titre que
celles qui les ont précédées »4. Il semble que le devoir civique joue
un rôle important dans la culture politique de tous les groupes d’âge au
Danemark.
On peut établir un lien entre cette situation
et la théorie de Franklin voulant que « la participation semble stable parce
que, pour la plupart des gens, l’habitude de voter est prise relativement tôt
dans la vie ». Pour ce qui est du Canada, nous constatons que la faible
participation électorale des jeunes s’explique en partie par un manque
d’éducation. Au Danemark, on remarque un écart minime entre les gens plus
scolarisés et ceux qui le sont moins. Cette constatation confirme le
raisonnement selon lequel la faible participation des Canadiens est attribuable
à leurs attitudes négatives et à leur faible mobilisation, des caractéristiques
peu présentes chez les Danois.
Raisons perçes de la faible
participation des jeunes
(question ouverte; réponses multiples)
|
Non intégrés
|
Moins de 25 ans
|
25 ans et plus
|
Éloignés de la politique en raison de
l’âge ne pas se sentir représenté, lié
|
40,4
|
36,6
|
Manque d’information, de compréhension,
de connaissances
|
33,9
|
27,1
|
Manque d’encouragements
|
2,0
|
4,2
|
Trop occupé, trop mobile
|
3,3
|
3,2
|
Désengagement
|
|
|
Désintérêt, apathie
|
31,3
|
30,4
|
Negativisme, cynisme, désillusion
|
9,2
|
13,5
|
Méfiance envers les systhèmes et les
politiciens
|
6,7
|
8,7
|
Irresponsabilité, rébellion, paress
|
4,3
|
6,4
|
|
|
|
|
51,3
|
59,0
|
Source : Lawrence LeDuc et Jon H. Pammett,
Pourquoi la participation décline aux élections fédérales
canadiennes : un nouveau sondage des non-votants,
Ottawa, Élections Canada, 2003, p. 50.
|
Culture politique
Le niveau d’intérêt ou d’indifférence à
l’égard de la politique constituent d’autres facteurs qui doivent être examinés
puisqu’ils aident à expliquer la motivation à voter. Le Canada est très
particulier dans ce domaine. En réalité, la plupart des Canadiens s’intéressent
à la politique à des degrés divers. Toutefois, cet intérêt ne caractérise pas
tous les groupes. Une étude publiée dans
Perspectives électorales et intitulée « La sourde
oreille : Les jeunes adultes et les enjeux électoraux » signale une baisse
d’intérêt à l’égard de la politique en général, surtout chez les jeunes. Cette
étude révèle en outre que les Canadiens âgés de 18 à 29 ans évaluent à environ
4,5 sur 10 leur intérêt pour la politique. Cet élément peut également être lié à
la théorie de Franklin selon laquelle il faut veiller à ce que les jeunes
prennent tôt l’habitude de voter afin d’assurer une participation électorale
stable. Parallèlement, plus de la moitié des électeurs qui n’ont pas voté aux
élections de 2000 ont déclaré s’intéresser à la politique, mais non aux
élections. Voici les raisons avancées pour expliquer ce phénomène : sentiment
que l’élection est gagnée ou perdue d’avance, manque d’éléments stimulants et de
confiance. Cela est également vrai pour les personnes qui s’intéressaient à la
fois à la politique et aux élections, mais qui n’ont pas voté. Pour que la
participation électorale soit continuellement élevée et stable au Canada,
l’écart doit être minime ou inexistant entre l’intérêt pour la politique et
l’exercice du droit de vote lui-même, ce qui donnera des perspectives plus
positives à celui-ci. Pour y parvenir, nous devons veiller à l’acquisition d’un
sens du devoir civique, facteur essentiel si l’on veut accroître la
participation électorale.
Le Danemark constitue un exemple parfait de
pays où les gens votent malgré leur faible intérêt pour la politique et leur
indifférence. De façon générale, comme nous l’avons déjà dit, les gens ont
tendance à s’intéresser à la politique. Toutefois, même lorsque ce n’est pas le
cas, on ne remarque « aucune tendance vers un écart accru » entre la
participation des personnes intéressées et de celles qui ne le sont pas. De
plus, la participation des personnes les moins intéressées est à la hausse;
c’est vrai au Danemark, où la participation aux élections de 2001 était
supérieure à celle enregistrée aux élections de l’année précédente. Il serait
intéressant d’essayer de comprendre pourquoi les Danois qui s’intéressent peu à
la politique continuent de voter. Ce phénomène nous ramène à l’idée du devoir
civique et de la mobilisation politique.
Elkit, Svensson et Togeby expliquent très bien
l’importance de la mobilisation politique et du devoir civique en ces termes :
Selon les théories de la mobilisation
individuelle et de l’intégration sociale, nous nous attendons à ce que
l’acceptation d’une norme de devoir civique selon laquelle il faut voter
dans une démocratie représentative constitue un facteur important de la
participation électorale. Les citoyens politiquement mobilisés veulent
voter, et ceux qui sont intégrés socialement essaient d’assimiler les
habitudes faisant partie intégrante de la société, parce qu’elles sont
jugées raisonnables et vont de soi en règle générale5.
Il s’agit d’un concept
complètement rationnel. Dans le lieu A, pourquoi une personne ramasserait-elle
un déchet qu’elle voit dans la rue si elle a l’impression que cela ne fera
aucune différence ou si tout le monde continue de marcher sans rien faire? Dans
un tel cas, la norme consiste à passer à côté du déchet sur le trottoir sans le
ramasser. Si cette personne se trouvait ailleurs, disons dans le lieu B, où l’on
peut voir des gens ramasser des déchets ici et là, et où l’environnement social
intègre et encourage ce geste de ramasser les déchets, elle adopterait ce
comportement, puisqu’il s’agit de la norme, tout en se responsabilisant à cet
égard. Dans une certaine mesure, le lieu A est le Canada, où les gens ne
possèdent pas un grand sens du devoir civique, et le lieu B est le Danemark, où
le sens du devoir civique est très développé.
Pour analyser celui-ci chez les
Canadiens, il importe d’analyser leur mentalité. Quand on sait que la
participation électorale moyenne au Canada est faible et continue de baisser, il
peut être surprenant d’apprendre que la plupart des Canadiens estiment qu’il est
important de voter aux élections. Le problème, c’est que les Canadiens disent
une chose et en font une autre. Après tout, les actes sont plus éloquents que
les paroles. Dans l’étude publiée dans Perspectives
électorales, on cite un Canadien qui a
affirmé : « Je comprends l’importance de voter et je sais que je devrais le
faire, mais je ne le fais pas6. » Il ne fait aucun doute qu’on ne
parvient pas à instiller le sens du devoir civique dans l’esprit des Canadiens.
Leur attitude négative à l’égard de la politique fait en sorte qu’ils ne sont
pas motivés à voter, ce qui explique la faible participation électorale au
Canada.
Selon une étude réalisée en 2002, 98 p. 100
des Danois estiment qu’il est important qu’une très grande majorité d’électeurs
exercent leur droit de vote afin de préserver la démocratie, 96 p. 100 sont
d’accord pour dire que toute personne qui croit en la démocratie a l’obligation
de voter et 92 p. 100 ressentent une forte obligation de voter. L’étude a
également relevé une petite différence entre le taux de participation enregistré
chez les personnes ressentant une forte obligation et celui enregistré chez les
personnes se sentant moins obligées. De plus, lorsque des facteurs comme l’âge
et la scolarité ont été pris en compte, l’impact a été très faible, ce qui a
permis à une relation solide de persister. Cela peut seulement signifier que les
Danois ont naturellement un grand sens du devoir civique qui est renforcé par
l’habitude bien ancrée de voter. Voilà ce qui explique la forte participation
électorale au Danemark.
Systèmes électoraux
Par ailleurs, il est essentiel d’examiner
l’efficacité et la compétitivité des élections. Ces facteurs sont liés aux
systèmes électoraux. Comprendre l’influence que cela exerce sur les électeurs
nous permettra de connaître l’origine du problème de la baisse du taux de
participation électorale au Canada. Cette compréhension nous permettra de
préciser les raisons pour lesquelles les Canadiens, contrairement aux Danois,
perçoivent le scrutin de façon si négative. Le Canada utilise un système
majoritaire uninominal, mieux connu sous le nom de système majoritaire. Le
Danemark, quant à lui, a recours à la représentation proportionnelle.
Plus ancien système de scrutin utilisé, le
système majoritaire uninominal est de moins en moins courant. Dans ce système,
les élections sont menées en fonction de circonscriptions géographiques. Les
électeurs votent pour un candidat de leur circonscription. Le candidat qui
obtient la majorité absolue des voix est déclaré élu. Par conséquent, le parti
gagnant est représenté par les candidats ayant remporté l’élection dans leur
circonscription désignée.
Le système de représentation proportionnelle a
été utilisé pour la première fois au Danemark en 1855. La représentation
proportionnelle (RP) est fondée sur le principe selon lequel un parti reçoit un
nombre de sièges déterminé en fonction du pourcentage de suffrages qu’il a
obtenus. Autrement dit, le nombre de sièges attribués au parti gagnant est plus
ou moins proportionnel aux voix qu’il a obtenues. Le système de RP peut être
utilisé dans des régimes parlementaires ou présidentiels.
Les élections jouent un rôle essentiel dans la
démocratie, car elles permettent aux citoyens de choisir ceux qui les
représenteront dans l’élaboration des politiques gouvernementales et la
gouvernance du pays. C’est pour cela que les gens votent. Chaque système
électoral répond à sa façon aux besoins des citoyens. La mesure dans laquelle
chacun a son mot à dire est vraiment essentielle et dépend du système électoral
employé.
Dans quelle mesure vous
sentez-vous obligé d’aller
voter à des élections parlementaires?
|
|
Sans vérification
|
Après vérification de l’âge et du
niveau d’instruction
|
N
|
Très grande obligation
|
97
|
96
|
629
|
Assez grande obligation
|
82
|
83
|
192
|
Aucune obligation ou obligation plutôt
faible
|
58
|
61
|
58
|
Toutes ces réponses
|
91
|
91
|
979
|
Participation électorale et devoir civique, 2002, Données de sondage –
Pourcentages
|
Le système majoritaire uninominal
utilisé au Canada semble dissuader l’électeur de voter. Une des principales
préoccupations relatives à ce système est le fait qu’il est fondé sur la
représentation de circonscriptions. Dans leur ouvrage
The Politics of Representation: Election Campaigning and
Proportional Representation,
les auteurs Juliet Roper, Christina Holtz-Bacha et Gianpietro Mazzoleni
écrivent :
Les systèmes majoritaires uninominaux
peuvent cependant produire, et produisent très souvent, des résultats
électoraux disproportionnés. Puisque les pouvoirs publics gouvernementaux
sont décidés à partir du nombre de circonscriptions électorales remportées
selon un système majoritaire, le gagnant n’est pas forcément le parti ou le
candidat ayant remporté la majorité absolue des suffrages. Ainsi, les
principaux intérêts d’une majorité d’électeurs peuvent ne pas être
représentés directement au sein du gouvernement7.
Voilà la raison pour
laquelle les électeurs éprouvent des doutes sur l’importance de leur vote ainsi
que sur la compétitivité de l’élection. C’est un facteur important puisque, dans
leur étude sur la question, Pammett et LeDuc concluent que le «fait d’estimer
que le vote avait de l’importance […] constituait un prédicteur statistiquement
significatif du fait d’avoir voté »8. Une majorité d’électeurs
n’ayant pas voté aux élections canadiennes de 2000 estimaient que leur vote
n’aurait fait qu’une petite différence, voire aucune. Cela crée l’idée d’un «
vote gaspillé », conception négative qui ne fera qu’entraîner un manque
d’intérêt à l’égard du scrutin. Le vote d’un Canadien n’a pas une incidence
aussi importante que celui d’un Danois, lequel vote dans le cadre d’un système
électoral différent qui favorise l’obtention de résultats plus proportionnels.
La représentation proportionnelle, système
électoral plus moderne utilisé au Danemark, permet aux citoyens d’avoir
davantage leur mot à dire que ceux qui votent dans le cadre du système
majoritaire uninominal, car l’efficacité du scrutin est plus grande. Une plus
grande représentation sociale est possible grâce à la mesure correspondante de
voix des citoyens dans un contexte politique et cela signifie également que les
partis peuvent tout de même représenter les enjeux importants dont on ne
tiendrait pas compte autrement. Ce cadre institutionnel contribue à mobiliser
les personnes qui estimaient autrefois que leurs besoins n’étaient pas
représentés; autrement dit, il favorise la représentation de la minorité. Le
système de RP comporte de nombreux avantages qui incitent les gens à voter. Les
auteurs Robert Richie et Steven Hill font remarquer que puisque « chaque vote
[dans un système de représentation proportionnelle] aidera un parti à gagner un
plus grand nombre de sièges, les électeurs sont davantage motivés à participer
et les partis sont motivés à mobiliser leurs partisans » . Ils ajoutent que
« […] les partis et d’autres organisations électorales sont profondément motivés
à tenir leurs partisans au courant de leurs activités, et les citoyens informés
sont plus susceptibles de voter9 » . Le système de RP permet aux
politiques d’encourager les électeurs à l’aide de moyens qui fonctionnent
réellement, à un point tel que l’électeur a moins de raisons de ne pas exercer
son droit de vote. C’est une bonne stratégie pour maintenir un taux élevé de
participation électorale.
Le système électoral détermine le rôle que
jouera le niveau de compétitivité. La compétition rend les choses captivantes et
stimule donc l’intérêt des électeurs. Dans un système majoritaire uninominal, il
est plus difficile de tenir une élection très compétitive, car un vote n’est
pris en compte pour la circonscription concernée. Au fond, cela signifie que, si
une circonscription vote continuellement en faveur du même parti et maintient un
point de vue particulier (également connu sous le nom de circonscription non
compétitive), une personne ayant des convictions différentes de la majorité
pourrait ne pas voter en raison d’un manque de compétition. Mark Franklin aborde
la question de l’importance de la compétitivité lorsqu’il écrit qu’« au moment
d’une élection plus compétitive, l’intérêt à l’égard de la politique augmente,
de même que la mesure dans laquelle les gens prennent position en faveur de leur
parti préféré »10. Le niveau de compétition au Canada est une
préoccupation plutôt nouvelle pour les Canadiens. Une majorité d’entre eux
croient que les élections ne sont pas très compétitives. Cette impression est
importante en raison de la corrélation qui existe entre la compétition et la
participation. Elle explique d’ailleurs en partie pourquoi le taux de
participation électorale du Canada est faible et le demeure.
Dans le système fondé sur la RP, la
compétitivité électorale n’est pas aussi faible que dans le système majoritaire
uninominal. John Stuart Mills, l’un des premiers partisans de la RP, s’est
exprimé sur la façon dont ce système augmente les possibilités qu’une majorité
législative ait le soutien du plus grand nombre d’électeurs, ce qui permet aux
électeurs d’élire des représentants ayant un large éventail d’opinions et de
points de vue Elklit, Svensson et Togeby ont conclu que « les institutions
électorales danoises ont favorisé la mobilisation de groupes faibles, et [que]
le niveau élevé de compétitivité dans les élections nationales a permis de
maintenir le degré élevé de mobilisation » . Au Danemark, un faible degré de
compétition entre les partis n’influe pas sur le taux de participation
électorale en raison du système de RP, qui concède la victoire à la majorité.
Les gens veulent voter, car ils n’ont pas le sentiment de « gaspiller leur
vote ». C’est pour cela que la participation électorale n’est pas sacrifiée.
Conclusion
Le Canada et le Danemark sont tous deux des
démocraties libérales industrialisées, mais ils présentent des taux de
participation électorale opposés. Le taux de participation continuellement élevé
du Danemark ne se compare aucunement au taux de participation électorale faible
et embarrassant du Canada. Les sentiments négatifs des Canadiens à l’égard des
élections et du scrutin les découragent de voter, particulièrement lorsqu’ils
n’ont pas le sens du devoir civique. De nombreuses raisons expliquent cette
situation.
Les jeunes électeurs canadiens participent peu
aux élections. Leur intérêt pour la chose électorale et leurs connaissances à
cet égard sont trop limités. Ils doivent avoir l’impression de faire partie
d’une société politique afin d’avoir le sens du devoir civique, de sorte qu’ils
se sentent contraints de voter. Cette intégration est liée à la mobilisation
politique. Sans elle, les citoyens ne ressentiraient pas le besoin de voter ou
de s’acquitter de leur devoir civique. Elle est très élevée au Danemark, car
même ceux qui ne sont pas intéressés prennent la peine de voter. Ce n’est pas le
cas au Canada. Par conséquent, les partis doivent inciter davantage les citoyens
à exercer leur droit de vote de façon à créer un sentiment d’obligation et
d’intérêt, et ce, le plus rapidement possible, car, si les nouvelles générations
ne commencent pas à prendre l’habitude de voter, il n’y aura aucune amélioration
du taux de participation électorale. Cette habitude est implantée au Danemark
depuis longtemps déjà, ce qui explique l’importance et le respect du devoir
civique. Les Danois n’ont pas un point de vue négatif à l’égard des élections et
de l’exercice du droit de vote.
La plupart des Canadiens estiment que leur
vote ne compte pas en raison de la façon dont est constitué leur système
électoral. Ce n’est pas le cas au Danemark, qui recourt à la représentation
proportionnelle. Le point de vue plus positif des Danois et leur sens du devoir
civique leur permettent de maintenir un taux de participation électorale
supérieur. Au Canada, où l’on utilise le système majoritaire uninominal, les
citoyens peinent à trouver des raisons d’aller voter, prenant ainsi de mauvaises
habitudes politiques qui se traduisent par une participation électorale très
basse. Si le Canada a l’intention d’améliorer son taux de participation
électorale, il doit prendre exemple sur le Danemark.
Notes
1. Mark N. Franklin,
Voter Turnout and the Dynamics of
Electoral Competition in Established Democracies since 1945,
Cambridge, Cambridge University Press, p. 203.
2. Ashleigh Ryan, « Fulfilling their civic duty... il
they have to », Queens Journal,
17 octobre 2008.
3. Lawrence LeDuc et Jon H. Pammett,
Pourquoi la participation décline aux élections fédérales
canadiennes : un nouveau sondage des non-votants,
Ottawa, Élections Canada, 2003, p. 51.
4. Jorgen Elkit, Palle Svensson et Lise Togeby, « Why is Voter
Turnout in Denmark Not Declining? », p. 5.
5. Ibid.,
p. 16.
6. Ashleigh Ryan, op.cit.
7. Christina Holtz-Bacha, Gianpetro Mazzoleni, Juliet
Roper, The Politics of Representation: Election
Campaigning and Proportional Representation, Peter
Lang, New York, 2004, p. 3.
8. Lawrence LeDuc et Jon H. Pammett,
op. cit., p. 40.
9. Steven Hill et Robert Richie,
Whose Vote Counts?,
Beacon Press, Boston, 2001, p. 14.
10. Mark N. Franklin,
op. cit., p. 208.
|