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W. Scott Thurlow
Au cours de la dernière décennie, une longue suite de changements ont été
apportés à la Loi électorale du Canada ainsi quaux diverses lois électorales
provinciales concernant les contributions financières versées aux candidats
et aux partis politiques, sous prétexte dune plus grande responsabilité.
On voulait éloigner largent de la politique pour sassurer que notre système
ne soit pas influencé artificiellement par les grosses fortunes ou les
grandes sociétés. Que ces restrictions soient constitutionnelles ou non,
là nest pas la question. Limportant est de savoir si les changements
apportés ont fait une différence dans le discours démocratique et la composition
de la Chambre des communes. Il sera ici surtout question de deux changements
précis et de leurs répercussions ou non sur le processus électoral.
Argent et liberté dexpression se confondent. Toute la jurisprudence contemporaine
portant sur les contributions aux campagnes électorales exprime lidée
que, pour réussir à faire entendre son point de vue dans cette ère politique
moderne, il faut y mettre le prix. Cest ce qui ressort le plus de larrêt
faisant jurisprudence sur la question, soit celui de la Cour suprême des
États-Unis (USSC) dans la cause
Buckley v. Valeo1.
La USSC avait alors
lié le droit de propriété à la liberté de parole et établi que lusage
de lun pour exercer lautre constituait un moyen naturel de parvenir à
une véritable liberté dexpression. La Cour avait soutenu que les restrictions
imposées aux contributions des particuliers représentaient une mesure de
protection constitutionnellement admise contre les apparences de corruption.
Elle a cependant reconnu que restreindre largent quune personne peut
dépenser équivaut à limiter sa liberté dassemblée et dexpression, que
cela revenait même à « limiter directement et de façon substantielle létendue
du discours politique ». La Cour a écrit quaux termes du premier amendement,
le gouvernement ne peut en aucun cas affirmer que les dépenses faites par
quelquun pour faire valoir ses idées politiques sont ruineuses, excessives
ou malavisées. Elle sest toutefois opposée à ce que des limites soient
imposées aux personnes qui contribuent à leur propre campagne.
Au Canada, on a accordé beaucoup dimportance à des propositions dajout
de limites semblables à la loi électorale fédérale et à celle de certaines
provinces. Les tribunaux les ont examinées en associant le droit de vote
(article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés2) à la liberté
dexpression (article 2 de la Charte). Largumentation exposée par la Cour
suprême du Canada dans laffaire Figueroa c. Canada3
reprend les principaux
éléments de lanalyse judiciaire au Canada sur la question du financement
des campagnes électorales. Dans Figueroa, la Cour suprême a statué quune
participation efficace au processus électoral ne se limite pas à lexercice
ni à la protection du droit de vote. Elle a soutenu que les mesures destinées
à empêcher quun mouvement politique soit désavantagé par le fait quil
ne peut être inscrit comme un parti enregistré au sens de la Loi électorale
du Canada renforcent le droit de vote. Pour elle, le droit de vote sexprime
par laccès à une vaste gamme dopinions et dinformations avant le jour
du scrutin. Pour participer de façon significative au processus électoral,
lélecteur, avant daccorder son vote à qui que ce soit, doit pouvoir entendre
le point de vue de chacun des partis, y compris des opinions politiques
qui seraient restées inexprimées parce que les personnes qui les défendent
disposent de ressources limitées. Ce jugement de la Cour suprême a fait
en sorte que les petits partis peuvent maintenant distribuer des reçus
et recevoir des remboursements, au même titre que les partis présentant
au moins 50 candidats.
La dernière fois quelle sest prononcée sur linfluence de largent sur
les élections, la Cour suprême a décidément adopté une démarche différente.
Dans R. c. Harper, elle a soutenu que larticle 3 de la Charte a pour but
de garantir un scrutin efficace et que pour cela il faut que les points
de vue soient diffusés également4. En limitant la publicité électorale
faite par des tiers, le modèle délections égalitaire rend les règles du
jeu un peu plus équitables pour ceux et celles qui désirent sengager dans
la course électorale avec des ressources limitées. Bien quelles enfreignent
le droit à la liberté dexpression politique des électeurs fortunés, ces
limites ont été jugées raisonnables à la lumière de larticle premier de
la Charte parce que ces électeurs ont une voix si forte quelle enterre
toutes les autres voix5. Il a été établi que les gens bien nantis qui investissent dans le processus
électoral privent leurs adversaires de la possibilité de s’exprimer et de se
faire entendre et empêche les électeurs d’être suffisamment informés de tous les
points de vue.
La Cour suprême a exprimé clairement que, faute de restrictions sur les
dépenses, le discours politique peut être orienté par les riches ou par
un groupe de personnes ayant décidé de mettre leurs ressources en commun.
La Cour a soutenu quen limitant la capacité de dépenser de ces intervenants,
on garantit à chacun la capacité de participer au processus électoral.
Elle justifiait ainsi les dispositions de la Loi électorale qui restreignent
le droit de se réunir librement et le droit à la libre expression de lindividu.
La limitation des dépenses effectuées par des tiers est acceptable, puisquelle
touche de la même manière un groupe de 150 000 personnes versant chacune
une contribution dun dollar, quune seule personne fournissant une contribution
de 150 000 $. Il est contre-intuitif de justifier une restriction de la
capacité des personnes vraiment pauvres de se réunir pour parler dune
seule voix en disant que les personnes vraiment riches domineront le discours
politique. On na jamais démontré, preuves empiriques ou autres à lappui,
que les riches dominaient le discours avant que des modifications ne soient
apportées à la Loi électorale du Canada.
Cela étant dit, des contributions de 3 000 $ par circonscription et de 150 000
$ à léchelle nationale (soit 3 666 $ et 183 300 $ respectivement après
correction pour linflation) constituent des sommes négligeables, quand
on connaît la capacité de dépenser des partis politiques6.
Les contributions aux campagnes et la participation des sociétés
En 2003, le gouvernement libéral a plafonné à 5 000 $ les contributions
des individus, et autorisé de modestes contributions de 1 000 $ (grimpant
à 1 100 $ après correction pour linflation) de la part des sociétés, aux
candidats et aux associations de circonscription de chacun des partis enregistrés.
Quand a été adoptée la Loi fédérale sur la responsabilité en 2006, le gouvernement
conservateur a réduit la contribution personnelle à 1 000 $ (corrigée à
1 100 $ en fonction de linflation) et interdit complètement les contributions
des sociétés. Ce nétait pas la première fois quon plafonnait les dons
des particuliers, mais les plus récentes restrictions sont, de loin, les
plus sévères. Le Québec et le Manitoba, par exemple, limitent à 3 000 $ les
contributions des particuliers et interdisent toute contribution de la
part des sociétés7. Dautres provinces nimposent aucune limite quant au
montant des dons des particuliers et des sociétés, et nobligent même pas
les donateurs à résider dans la province. Si lon a décidé de limiter le
montant des contributions financières des particuliers et des sociétés,
cest parce que lon craint que ces contributions aient une incidence négative
sur les élections, cest-à-dire quelles servent à acheter les faveurs
des candidats et des partis politiques à qui elles profitent. Or, il ny
a aucune preuve, empirique ou autre, quelles corrompent le système politique.
En fait, bon nombre de gros bailleurs de fonds font des dons à plus dun
parti pour éviter ce problème. De grosses sociétés se plaignent souvent,
en privé, du fait que les candidats et les partis à qui ils avaient fait
des dons ont resserré les règlements dans leur domaine dactivité pour
éviter toute apparence dirrégularité.
On a pu sapercevoir que les changements apportés aux règles de contribution
favorisent un parti au détriment dun autre et que, au bout du compte,
elles visent bien plus à changer les pratiques de financement quà modifier
la composition de la Chambre des communes. Linterdiction des contributions
des sociétés ne nuira peut-être pas aux partis, qui peuvent maintenant
compter sur une allocation trimestrielle, mais elles lient les mains des
députés et des candidats voulant organiser leur propre campagne, qui est
distincte de la campagne nationale. Rappelons-nous, par exemple, les dettes
contractées par les candidats à la direction du Parti libéral du Canada
en 2006, qui ne pouvaient compter sur les contributions des sociétés pour
mener leur campagne. En comparaison, les candidats à la direction du Parti
conservateur remportée par Stephen Harper, qui étaient assujettis aux anciennes
règles, navaient pas de dettes toujours impayées 18 mois plus tard. Cest
un fait qui na sûrement pas échappé aux futurs candidats.
Les changements apportés aux règles de financement ont amené les partis
à solliciter davantage les contributeurs individuels. Certains partis réussissent
mieux que dautres sous ce rapport, parce que cest ainsi quils se sont
construits. Une excellente façon dénergiser la base et de faire contribuer
les membres individuels du parti est de demander une petite contribution
(entre 10 et 20 $) pour participer à une activité donnée à lintérieur
du parti. Certaines formations politiques utilisent leurs allocations trimestrielles
(décrites ci-après) pour financer des activités de collecte de fonds à
loccasion desquelles les participants éventuels sont fortement sollicités
par le courrier. Évidemment, il est plus facile dinciter un électeur à
faire plusieurs petites contributions au lieu den effectuer une seule,
mais une grosse, chaque année.
Les changements présentent des inconvénients sur le plan philosophique.
Les règles limitant les contributions dune personne à sa propre campagne
sont contraires au principe suivant lequel toute personne peut créer sa
propre plateforme pour sengager dans le débat. Les gens devraient être
autorisés à exposer aux autres leurs idées, que ce soit à léchelle locale
ou nationale. Quil soit acceptable ou non de contribuer financièrement
à la campagne de quelquun qui partage les mêmes idées, cest une atteinte
directe à la liberté dexpression dune personne que de lui interdire de
recourir à ses propres ressources pour défendre ses idéaux sur le plan
politique, que ce soit à titre de membre dun parti enregistré ou autrement.
On verra si cette interdiction pourra résister à une analyse constitutionnelle.
Par malheur, tous ces changements ayant supposément pour but déliminer
le trafic dinfluence et de garantir des chances égales à tous les candidats
risquent de produire leffet contraire. Ils pourraient désavantager encore
plus les nouveaux candidats, puisque ceux-ci nauraient pas accès aux mêmes
sources de financement. Les riches candidats possèdent des clients et des
amis bien nantis qui disposent des moyens de verser une contribution maximale
et qui sont plus susceptibles de le faire, selon les statistiques. Par
conséquent, il ne faut pas sétonner de voir des chefs ou des directeurs
dentreprise, dont les dons autrefois étaient faits par leur société, contribuer
maintenant à titre individuel à des campagnes locales et à des partis nationaux.
Il faut souligner quil est illégal, aux termes de la Loi électorale du
Canada, quune société fasse parvenir des fonds à une entité enregistrée
par lentremise dun particulier. La participation à des activités de financement
demeure cependant un excellent moyen de réseautage pour les personnes et
les sociétés les plus touchées par les décisions du gouvernement.
Les modifications apportées ont aussi profité involontairement à court
terme aux partis politiques dans les provinces qui se sont gardées dimposer
des règles régissant les dons des sociétés. En 2007, les partis politiques
provinciaux, particulièrement en Ontario, ont convoité ouvertement ce financement,
sachant que les grandes sociétés et les associations professionnelles nationales
avaient toujours de largent dans leur budget pour des contributions politiques.
Une autre conséquence involontaire des changements a été limportance accrue
prise par les grands collecteurs de fonds des gens capables de dénicher
un grand nombre de donateurs disposés à verser le montant maximal permis
aux yeux des partis et des candidats.
Enfin, ce nest pas en empêchant les sociétés de verser des contributions
quon les écartera du processus politique. Elles cesseront tout simplement
dengraisser les coffres des partis et des candidats pour sintéresser
à ceux des tiers enregistrés, lesquels sont autorisés à recevoir des contributions
pour payer leurs dépenses électorales. En pouvant investir directement
dans une lutte individuelle ou une coalition nationale sur un enjeu particulièrement
important quappuie ou conteste ouvertement un candidat, elles nont pas
à rendre de comptes comme avant, lorsque leur nom paraissait dans le rapport
sur les dépenses électorales dun parti ou dun candidat. Bien quelles
doivent toujours enregistrer leurs contributions à des tiers, celles-ci
ne sont pas contrôlées de la même façon que les contributions à des acteurs
politiques. Une contribution directe à un candidat fera lobjet dun examen
plus attentif quune contribution à un tiers ayant fait campagne contre
ladversaire de ce candidat, même si, en fin de compte, les deux types
de contribution ont probablement un effet semblable.
De largent en échange de votes
En 2003, le Parlement a adopté un changement important au mode de financement
des partis politiques. Les partis enregistrés ayant obtenu au moins 2 p.
100 du nombre total de voix exprimées ou au moins 5 p. 100 des voix exprimées
dans les circonscriptions où ils ont soutenu un candidat (le seuil) se
voyaient accorder une allocation trimestrielle versée par le gouvernement.
Lallocation est fixée à 1,75 $ par année pour chaque vote obtenu et elle
est ajustée chaque année par le directeur général des élections pour tenir
compte du taux dinflation, établi en fonction de lindice des prix à la
consommation.
Lallocation trimestrielle ne change peut-être pas radicalement lissue
des élections, mais elle a certainement changé lallure des campagnes.
Les partis qui ne sattendent pas à des gains électoraux dans des régions
ou des circonscriptions données sen servent maintenant pour convaincre
daller voter des électeurs qui resteraient autrement à la maison. Les
partis sefforcent de faire comprendre aux électeurs quil est révolu le
temps où un vote pouvait être dénué dimportance dans le cadre dun scrutin
majoritaire uninominal à un tour et que chaque vote contribue au financement
de leur parti préféré. Lallocation trimestrielle peut maintenant légitimer
un vote de protestation ou faire obstacle à un vote stratégique. Dans le
passé, un électeur pouvait se passer daller voter ou encore voter de manière
stratégique, tandis quactuellement, chaque voix exprimée en faveur du
parti de son choix rapporte à ce dernier, même modestement, sur le plan
financier. Son vote ne changera peut-être pas lissue du scrutin, mais
il pourra servir à préparer la prochaine élection. Ironiquement peut-être,
le taux de vote est très faible depuis la création de cette allocation,
atteignant même un creux record au cours de lélection de 20088.
Les créanciers à qui les partis cherchent à emprunter de lagent considèrent
lallocation comme une source de revenus prévisible, stable et garantie,
et les formations politiques dont létat des finances est tel quelles
ont atteint ou dépassé la limite maximale des dépenses permises ne se gêneront
pas pour effectuer des dépenses préélectorales en sachant quelles recouvreront
largent ainsi dépensé après lélection.
Dans Longley v. Canada, la Cour dappel de lOntario a officiellement pris
le contrepied de la position de principe énoncée dans Figueroa, suivant
laquelle il faudrait élargir le spectre des opinions politiques entendues9,
préconisant, du coup, le résultat contraire. Tout en admettant que les
partis politiques et leurs partisans ont besoin de ressources pour diffuser
leurs messages et exposer leur point de vue à la population, et que les
petits partis éprouvent plus de difficulté que les gros à trouver du financement,
la Cour a refusé daccorder réparation aux pétitionnaires qui sétaient
adressés à elle, un mélange de petits partis présentant fréquemment des
candidats dans plusieurs circonscriptions. La Cour a même fait observer
que les seuils fondés sur le nombre de votes accentuent le déséquilibre
entre petits et gros partis, les seconds étant pourvus de moyens supérieurs
pour transmettre leurs messages à la population. Elle a ajouté, à propos
de lallocation trimestrielle (et de ladmissibilité dun parti enregistré
aux remboursements), que les seuils sont inconstitutionnels, mais justifiables
aux termes de larticle premier de la Charte.
La Couronne a réussi à faire valoir que ce critère du seuil empêche les
fraudeurs dabuser du système pour en retirer des avantages financiers
et que des incidents survenus précédemment impliquant des partis enregistrés
pourraient se répéter si lon décidait dabolir les dispositions législatives
à cet effet. La Cour a statué quen préservant celles-ci, on faisait passer
le maintien de lintégrité du régime avant la recherche dune égalité absolue
de traitement pour tous les partis politiques en ce qui a trait à laccès
au financement public.
Ce nest pas une décision logique. La Cour, en rejetant lanalyse fondée
sur larticle 3 de la Charte faite dans Figueroa, suppose que les électeurs
se laisseront convaincre bêtement de voter pour un parti enregistré dont
la participation au discours électoral est sans valeur parce que sa véritable
intention est de tirer profit financièrement du système. Pour elle, le
risque que des gens senrichissent aux dépens du système est trop grand
pour garantir la participation des petits partis. La décision ignore le
fait que rien dans la loi actuelle nempêche de tels abus du système. De
petites formations politiques sintéressant à des questions précises se
trouvent exclues du débat faute dêtre admissibles à un financement comparativement
modeste. Elles ne peuvent accroître leur soutien avant davoir atteint
le seuil requis, ce qui risque dêtre impossible sans ce financement.
Cest un cercle vicieux qui fonctionne cependant dans les deux sens. On
peut établir des liens étroits entre la hausse graduelle et ensuite la
stabilité du taux de popularité du Parti vert du Canada et les changements
introduits dans la loi par le premier ministre libéral Jean Chrétien. Cette
formation a su profiter des allocations trimestrielles pour mieux percer
sur la scène politique nationale. Il ne faut pas sétonner de voir ses
idées commencer à trouver écho chez les Canadiens. Avec elle, on assiste,
en quelque sorte, à la manifestation de leffet Pygmalion, cest-à-dire
dune prédiction autoréalisatrice. Une fois quelle disposera des fonds
nécessaires pour mener une plus grosse campagne, elle aura besoin dargent
supplémentaire afin dorchestrer une campagne nationale sappuyant sur
les succès remportés précédemment. Tous les spécialistes de la vente diront
que, pour faire de largent, il faut en dépenser. Le Parti vert a certes
gagné en popularité (hausse de près de 2 p. 100 des voix exprimées en sa
faveur), sans pour autant remporter de sièges à la dernière élection.
Dailleurs, dans ce qui est apparu comme une stratégie mal inspirée et
coûteuse sur le plan financier, des candidats du Parti vert ont encouragé
leurs partisans à voter pour dautres partis dans le but de changer le
résultat des élections10. Certains ont même affirmé que leur chef sétait
transformée en promotrice dun autre parti11.
Même si celle-ci s’est bien défendue d’avoir suggéré d’adopter cette tactique,
toute forme de vote stratégique s’exerce au détriment de la solvabilité
financière du parti de prédilection de l’électeur.
Conclusion
Cet automne, les Canadiens ont eu droit à une troisième élection fédérale
en quatre ans. La majorité des observateurs bien informés sentendent pour
dire que les règles actuelles ont fait partie des facteurs de décision
dont les chefs de parti tiendront compte maintenant avant de « forcer » la
tenue dune autre élection. Les nouvelles règles risquent aussi de faire
beaucoup réfléchir les personnes voulant se présenter à la direction dun
parti enregistré.
Malgré leurs divergences dopinions, les tribunaux canadiens affirment
que largent a une grande incidence sur la démocratie. Dans certains cas,
il permet à des petits acteurs politiques de participer efficacement au
débat. Dans dautres, il empêche la tenue dun débat éclairé et, dépensé
en trop grande quantité à droite et à gauche, il finit par diminuer lefficacité
de la participation des intéressés.
Nous avons entendu des sons de cloche différents de la part des tribunaux
sur la question du financement. Certains en ont souligné la nécessité pour
que chacun puisse voter utilement et étendre la portée de son droit aux
termes de larticle 3 de la Charte. Peu de temps après, cependant, un tribunal
a soutenu que des sommes dargent excessives dépensées par certaines personnes
empêchent des partis moins bien nantis de se faire justice. Et, plus tard
encore, on apprend quil y a des points de vue qui ne sont pas suffisamment
importants pour quon les appuie, puisque cela pourrait exposer le système
à des abus. Des précisions judiciaires simposent sur les interactions
entre le discours, largent et larticle 3 de la Charte.
Les sceptiques diront que deux nouveaux partis ont réussi à se distinguer
sur la scène politique fédérale en 1993 sans aucune aide sur le plan du
financement. Le Parti réformiste du Canada et le Bloc Québécois avaient
alors remporté à eux deux plus de 100 sièges. La majorité des gens oublient
cependant que les chefs de ces deux formations politiques, MM. Bouchard
et Manning, sétaient fait des noms en 1992 en participant activement au
référendum sur lAccord de Charlottetown, et quils avaient profité tous
les deux, directement ou non, de fonds publics pour mener leurs campagnes
respectives pour le « non ».
Les modifications apportées aux règles de financement sont peut-être bien
fondées, mais elles ont eu une incidence très négligeable sur les résultats
des élections. En définitive, les candidats individuels qui veulent soutenir
la concurrence ont toujours besoin dun financement appréciable pour mener
à bien leur campagne. Les règles du jeu ont été améliorées pour tout le
monde à la fois. Il ny a pas eu suffisamment délections pour déterminer
si les modifications auront les effets souhaités à long terme. À très court
terme, cependant, nous avons constaté un changement marqué dans le mode
de financement des campagnes électorales des grands partis. Les petits
partis auront toujours des obstacles de taille à surmonter pour devenir
admissibles au financement fédéral.
Notes
1. Buckley v. Valeo, 424 U. S. 1 (1976).
2. Charte des droits et libertés, annexe B du Canada Act 1982 (R.-U.),
ch. 11 (« la Charte »).
3. Figueroa c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 37 (CanLII) (« Figueroa »).
4. Harper c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 33 (CanLII).
5. Larrêt R. c. Oakes, [1986] 1 RCS 103, a établi le critère des « limites
raisonnables » lorsque les juges mettent en équilibre le droit en question
et des objectifs importants dont la justification puisse se démontrer ou
qui se rapportent à des préoccupations urgentes et réelles. Il doit y avoir
proportionnalité entre les effets de la mesure restrictive et lobjectif
poursuivi.
6. Jusquà concurrence de 20 millions de dollars à léchelle nationale
si le parti présente partout des candidats et près dun dollar en moyenne
par électeur dans une circonscription, tout dépendant de la taille de la
circonscription.
7. Élections Canada tient un recueil complet des règles de financement,
que lon peut consulter à ladresse suivante :
http://www.elections.ca/loi/com2008/compoverview2008_f.pdf.
8. http://www.cbc.ca/news/canadavotes/story/2008/
10/15/voter-turnout.html.
9. Longley v. Canada (Attorney General), 2007 C.A. Ont. 852 (CanLII).
10. http://www.cbc.ca/news/canadavotes/story/
2008/10/12/may-strategic.html.
11. http://network.nationalpost.com/np/blogs/fullcomment/archive/
2008/10/16/national-post-editorial-board-next-time-let-greens-pay-their-own-way.aspx.
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