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Michel Bissonnet
En lien avec les célébrations du 400e
anniversaire de Québec, l'Université
Laval et l'Assemblée nationale du Québec se sont engagées dans une démarche
en vue de créer une chaire de recherche sur la démocratie et les institutions
parlementaires. L'auteur examine comment la nouvelle chaire peut contribuer
à améliorer la connaissance de nos institutions démocratiques.
Les assemblées parlementaires sont les maisons de la démocratie et sont
les seules à posséder la véritable légitimité démocratique, à savoir l'élection
au suffrage universel. Pourtant, peut-être parce qu'elles sont désormais
considérées comme un acquis, trop peu de citoyens connaissent leurs institutions
démocratiques. Cette méconnaissance, répandue dans toutes les démocraties
occidentales, constitue un obstacle de taille pour tous les acteurs de
la vie publique que nous sommes, car elle alimente, à l'endroit du système
représentatif, l'indifférence, la méfiance et, parfois, la défiance.
Des objectifs pédagogiques
Les institutions parlementaires sont au cur de la vie politique et sociale
des démocraties. Pourtant, la plupart des parlements modernes sont confrontés
aux mêmes défis et enjeux.
-
Quelles sont les conséquences d'une société plus mondialisée sur le fonctionnement
des institutions démocratiques?
-
Comment assurer une représentation plus juste des citoyens et de la diversité
de la société?
-
Comment concilier les modes traditionnels d'expression politique avec une
société plus soumise à l'influence des médias?
-
Comment conforter le rôle des parlements face à l'exécutif?
Si ces questions animent le débat public, tant au Canada qu'en Europe,
le parlementarisme et l'ensemble des problématiques qui lui sont associées
font l'objet d'un nombre restreint de recherches particulières dans les
milieux universitaires, ce qui est assez paradoxal.
La création d'une chaire universitaire de recherche s'inscrit, avant tout,
dans une perspective scientifique et pédagogique.
Ce constat a amené les promoteurs du projet de chaire de recherche sur
la démocratie et les institutions parlementaires à énoncer les principes
suivants :
-
Les changements que connaissent les problématiques parlementaires et leur
prise en considération dans l'enseignement du droit, des sciences politiques
ou des sciences sociales suscitent des besoins de formation des enseignants
eux-mêmes et de remise à niveau des connaissances.
-
La complexité des problématiques concernant le fonctionnement de nos sociétés
démocratiques et leur imbrication avec d'autres phénomènes sociaux justifient
désormais une approche pluridisciplinaire, qui ne peut s'exercer au sein
d'une seule faculté.
-
Dans nos sociétés modernes, les interrogations sur le fonctionnement des
systèmes démocratiques et l'apparition de ce que certains appellent une
crise de la représentation incitent à développer une recherche universitaire
propre à ces sujets.
-
Parallèlement, la mondialisation et l'accès à une information plus riche,
notamment grâce aux nouvelles technologies, représentent une occasion exceptionnelle
de promouvoir la culture et les institutions démocratiques.
- Le Québec constitue l'endroit idéal pour créer un précédent, celui de la
conclusion d'un partenariat formel entre un parlement et une université.
En combinant le savoir-faire des organisations partenaires avec celui de
spécialistes des Facultés de droit et des sciences sociales de l'Université
Laval, la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires
permet de réunir une masse critique de chercheurs, de professeurs, d'étudiants
et de spécialistes issus de la pratique.
Enfin, elle occupe une position de leadership pédagogique, tant au Canada
que sur la scène internationale, leadership dont pourra tirer profit chacun
de ses partenaires.
Les premiers partenaires se sont entendus formellement sur quatre objectifs
qui doivent orienter la mission, les activités et la vocation de la chaire,
soit :
- créer un pôle d'excellence universitaire en matière de démocratie et d'institutions
parlementaires;
- dans ce cadre, faire des institutions parlementaires, notamment, un sujet
particulier de recherche, d'enseignement et de formation en droit et en
sciences politiques et sociales;
- sensibiliser des étudiants à tous les aspects du parlementarisme dans les
démocraties modernes;
- favoriser l'ouverture de la communauté parlementaire.
Ces objectifs ont certes été fixés en fonction des intérêts des partenaires
fondateurs, mais ils ont aussi été définis pour qu'ils puissent être compatibles
avec ceux des futurs partenaires.
Les grands axes
Dès février 2006, les partenaires fondateurs ont décidé de structurer les
travaux conduits par la chaire en quatre grands axes, chacun regroupant
les activités de recherche, d'enseignement et de formation.
L'axe « Parlementarisme et représentation politique » traite particulièrement
de :
- la relation de confiance entre la population, les élus et les institutions
représentatives;
- la démocratie directe et la cyberdémocratie;
- la représentation des femmes, des minorités ethnoculturelles et des autochtones
dans les institutions représentatives;
- la mondialisation et l'évolution du rôle des parlements nationaux et régionaux.
De son côté, l'axe « Procédure parlementaire comparée et processus législatif »
regroupe notamment :
- les fondements du droit parlementaire et l'évolution de la jurisprudence;
- l'évolution du travail parlementaire;
- les réformes parlementaires;
- la spécificité de la procédure à l'Assemblée nationale du Québec dans les
parlements du type britannique;
- les privilèges parlementaires.
Quant à l'axe « Parlement et exercice de la gouvernance », il aborde principalement
les questions relatives :
- au partage des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire;
- au contrôle parlementaire de l'administration gouvernementale;
- au principe du gouvernement responsable;
- aux activités internationales des institutions parlementaires;
- à l'exercice du lobbyisme et la pratique de l'éthique par les élus.
Enfin, l'axe « Parlementarisme et élections » réunit, en outre, les problématiques
liées :
- à l'évolution des règles électorales et à leur effet sur la représentation
parlementaire;
- aux nouvelles technologies et au rôle des médias;
- aux sondages et à la démocratie.
Pour ce qui est de ses activités, la chaire a pour mission de réaliser
et de coordonner des activités de recherche, de formation et de transmission
des connaissances, en concertation avec l'ensemble de ses partenaires.
Sur le plan de la recherche scientifique, elle a la responsabilité de gérer
les fonds de recherche dans le cadre des quatre axes susmentionnés et d'attribuer
des bourses d'études.
Concrètement, il s'agit de :
- coordonner des programmes de recherche structurants en matière de démocratie
et d'institutions parlementaires;
- répondre à des besoins de développement de la recherche manifestés par
les institutions et organismes associés;
- soutenir la recherche au moyen de bourses d'études;
- favoriser la combinaison du savoir-faire universitaire avec celui des partenaires.
La formation occupera également une place de premier plan dans les activités
de la chaire. Il s'agira de faire profiter les programmes universitaires
actuels de droit et de sciences sociales, notamment ceux de science politique,
et la nouvelle formation en administration publique, du savoir-faire acquis
par les chercheurs associés, d'élaborer une offre de formation continue
et de mettre en place des stages dans les institutions partenaires. Ces
stages permettront d'obtenir des crédits d'études.
Outre ces activités, la chaire doit assurer, au moyen d'activités scientifiques
et de publications, une transmission des connaissances développées dans
le domaine.
Il est également possible d'envisager, un jour, la tenue de congrès internationaux
sur la démocratie et les institutions parlementaires.
L'organisation de la chaire
Les instances de la chaire ont été structurées afin de lui assurer la nécessaire
liberté universitaire et de refléter l'état actuel des contributions, mais
elles pourront être adaptées pour tenir compte de l'arrivée de nouveaux
partenaires.
Ainsi, la chaire est dirigée par un comité directeur qui en nomme le titulaire
pour un mandat de cinq ans renouvelable. Ce comité définit, le cas échéant,
les règles de dépenses appropriées dans le cadre de son budget de fonctionnement,
les règles d'admissibilité aux subventions ainsi que la procédure de demande
de subvention. De plus, comme la chaire sur la démocratie et les institutions
parlementaires dispose d'un fonds, à l'instar de toute autre chaire, le
comité assume la gestion de ce fonds. Ce dernier est constitué des contributions
versées par l'Assemblée nationale, l'Université Laval et les autres partenaires
signataires des ententes créant la chaire. Il sera aussi formé des dons
versés par de nouveaux contributeurs. Rattaché à la Faculté des sciences
sociales et à la Faculté de droit, ce fonds comprend un fonds de capital,
un fonds de roulement et un compte de revenus courants.
Le titulaire voit au développement des activités scientifiques et pédagogiques,
préside le comité scientifique et les réunions du comité consultatif. Il
prépare et présente annuellement au comité directeur le budget de fonctionnement
et administre le budget attribué.
Quant au comité scientifique, il est chargé du contenu, de la sélection
et de la coordination des projets de recherche et de formation. Il est
composé du titulaire, qui le préside, de deux professeurs nommés par la
Faculté de sciences sociales et de deux autres, désignés par la Faculté
de droit.
Le premier titulaire de la chaire est le professeur Louis Massicotte, connu
au Canada pour ses travaux sur les systèmes parlementaire et électoral.
Pour sa part, le comité consultatif, qui regroupe le titulaire de la chaire
et un représentant de chaque partenaire, reçoit leurs projets particuliers
de recherche et les transmet au comité directeur qui les entérine. En outre,
il donne des avis consultatifs. C'est principalement au sein de ce comité
que les partenaires présents et futurs pourront partager leurs sujets d'intérêt
et proposer leurs projets de recherche.
Les activités de la chaire se déroulent dans les espaces de recherche de
la Faculté des sciences sociales, au pavillon Charles-De Koninck de l'Université
Laval. Les étudiants et les partenaires y disposent d'endroits pour travailler.
Elle bénéficie également des services techniques informatiques et des services
à la recherche de la Faculté des sciences sociales et de la Faculté de
droit.
Des partenaires
La vocation initiale de la chaire, comme on l'a vu, est de réunir, autour
de l'Université Laval et de l'Assemblée nationale du Québec, d'autres partenaires
institutionnels et des collaborateurs extérieurs intéressés à soutenir
les activités et le développement du projet.
Ainsi, outre l'Université Laval et l'Assemblée nationale du Québec, font
déjà partie du projet plusieurs organismes prestigieux, dont les mandats
correspondent à certains centres d'intérêt.
Parmi ceux-ci, se trouvent, en premier lieu, les personnes désignées par
l'Assemblée nationale. Il s'agit :
- du Directeur général des élections;
- du Vérificateur général;
- du Commissaire au lobbyisme;
- du Protecteur du citoyen.
L'Assemblée nationale française, représentative d'un autre modèle parlementaire,
est également au nombre des partenaires fondateurs.
Il est clair que cette première liste ne clôt pas la recherche de partenariats,
qui constitue l'une des raisons d'être de la chaire. En effet, au-delà
de cette première vague et de la recherche de contributeurs, la chaire
ne peut que s'enrichir de la participation de nouveaux partenaires, dont,
au premier chef, les autres assemblées législatives.
C'est pourquoi j'invite les assemblées législatives canadiennes à se joindre
à l'Assemblée nationale du Québec et à devenir partenaires de la chaire
de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires. Nul
doute qu'en matière de perspective comparée, ces partenariats vont constituer
un atout important.
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