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Le Canada en devenir : un projet de numérisation des premières publications officielles
Beth Stover

Au printemps 2006, Canadiana.org sera sur le point de terminer son projet plutôt ambitieux de numérisation des grandes publications officielles du Canada des XVIIIe et XIXe siècles. À la fin du projet, plus de 1,5 million de pages provenant du plus important patrimoine documentaire du Canada, constitué de ses lois, de ses débats, de ses journaux législatifs et de ses documents parlementaires, seront affichées, avec recherche en texte intégral, sur le site Notre mémoire en ligne, à l’adresse www.canadiana.org. Mais en quoi consiste Canadiana.org et comment ce petit organisme sans but lucratif a-t-il réussi à monter la plus vaste collection en ligne d’anciens documents législatifs canadiens en six ans à peine? 

Anciennement connu sous le nom d’Institut canadien de microreproductions historiques (ICMH), Canadiana.org a été créé en 1978 par le Conseil des Arts du Canada. En 1969, le milieu universitaire avait protesté après que le Conseil avait mis fin à un programme d’aide destiné aux bibliothèques universitaires. Le Conseil avait, à son tour, réagi en formant un groupe de bibliothécaires et d’universitaires, appelé Groupe consultatif sur les bibliothèques universitaires de recherche, pour qu’il fasse rapport sur les problèmes auxquels étaient confrontées les bibliothèques universitaires et qu’il recommande des solutions. 

Le rapport du Groupe consultatif, publié en 1978, faisait état de deux problèmes majeurs. Le premier, l’inaccessibilité du patrimoine publié du Canada, tenait à l’éparpillement des anciennes collections au pays. Les chercheurs devaient, en effet, consacrer beaucoup d’argent et de temps pour se rendre dans les bibliothèques, et celles-ci n’étaient pas prêtes, à juste titre d’ailleurs, à prêter leurs documents les plus rares. Le second était la détérioration de nombreuses publications des XVIIIe et XIXe siècles et du début du XXe ainsi que la nécessité de les préserver. Le rapport indiquait : « Nous courons le risque que les étudiants des générations futures aient très peu de documents canadiens anciens à leur disposition si des mesures draconiennes ne sont pas prises maintenant1. » 

Le rapport recommandait que « le Conseil des Arts du Canada dote un organisme approprié de la somme de deux millions de dollars […] consacrés exclusivement à la création d’une collection de microreproductions historiques […]2 ». Cet organisme national, en reproduisant de vieux livres sur des microfiches et en les remettant aux bibliothèques abonnées, pourrait résoudre le double problème de l’accès et de la préservation. Le Conseil des Arts a donné suite à la recommandation, et c’est ainsi que Canadiana.org (ou l’ICMH, comme on l’appelait avant) a vu le jour. Au cours de ses 28 années d’existence, Canadiana.org a créé plusieurs produits et, ce faisant, a constitué la plus importante collection d’anciennes publications canadiennes. 

Pendant les 22 premières années, l’organisme a distribué ses collections sous forme de microfiches. Cette collection sur microfiches de vieux livres, annuaires et périodiques canadiens comprend plus de 90 000 titres sur 270 000 microfiches. En 1996, avant la fin du microfilmage, Canadiana.org. s’est tournée vers la numérisation. Avec ses partenaires — Bibliothèque et Archives Canada (BAC), l’Université de Toronto et la bibliothèque de l’Université Laval — et avec l’aide considérable de la Mellon Foundation, Canadiana.org. a entrepris un projet pilote, l’une des premières grandes initiatives de numérisation du Canada. Environ 3 000 titres de microfiches de Canadiana.org. ont été numérisés par les Centres de services de conservation d’OCLC en vertu d’un contrat d’impartition. Les ouvrages ont ensuite été publiés sur le nouveau site Notre mémoire en ligne (NML) de Canadiana.org., à l’adresse www.canadiana.org. Ces titres numérisés ont été regroupés en six collections thématiques : littérature canadienne anglaise, études autochtones, histoire des femmes canadiennes, histoire du Canada français, baie d’Hudson et Relations des jésuites. 

NML a connu un succès instantané : plus de huit millions d’appels de fichier la première année! Les chercheurs étaient ravis de la version numérique des livres, car ils pouvaient y avoir accès dans le confort de leur foyer ou de leur bureau et ils économisaient le temps et l’argent autrefois consacrés aux voyages nécessaires pour consulter ces documents. Encouragée par ce succès, Canadiana.org a décidé que son projet suivant, Le Canada en devenir — la reproduction d’anciennes publications officielles canadiennes —, se ferait uniquement sous forme numérique. 

Pourquoi les publications officielles? 

Le mandat que s’est donné Canadiana.org de numériser les premières publications gouvernementales a fait suite à un sondage mené pour son compte en 1997. Le sondage s’adressait principalement aux deux groupes qui collaboraient étroitement avec l’organisme, à savoir les bibliothécaires et les chercheurs. Interrogés sur la nature du prochain projet de Canadiana.org, ils ont accordé la priorité aux anciennes publications3

La grande importance accordée à ces genres de publications est facile à comprendre. Les documents gouvernementaux ont été parmi les premiers à sortir des presses quand l’industrie de l’imprimerie a vu le jour au milieu du XVIIIe siècle au Canada. À partir de cette époque, les gouvernements ont joué des rôles importants dans la culture de l’imprimerie, à titre d’auteurs, d’éditeurs, d’imprimeurs, d’expéditeurs ou de distributeurs, de vendeurs, etc.4. Les documents gouvernementaux constituent une chronique importante de la politique, de la pensée et de la culture canadiennes. Les anciennes publications officielles portaient sur une multitude de sujets, tout comme celles d’aujourd’hui. Elles sont essentielles pour étudier le développement et la gouvernance du Canada et revêtent une valeur inestimable pour les chercheurs de tous les domaines. 

Chaque génération aime à se voir plus éclairée que les précédentes. Un coup d’œil à ces publications révèle toutefois qu’il y a 200 ans, les personnalités influentes de la société canadienne se penchaient (et parfois de façon ingénieuse) sur bon nombre des mêmes questions qui sont étudiées aujourd’hui dans les assemblées législatives, notamment l’écologie, la qualité des soins de santé, le pluralisme culturel, la pauvreté et l’itinérance, les relations canado-américaines et le traitement des Autochtones. 

Or, aucune bibliothèque ne possède de collection complète, même des principales publications gouvernementales comme les lois, les journaux et documents parlementaires, et les débats. Par conséquent, quiconque désirait consulter cette documentation éparpillée devait être prêt à recourir aux prêts interbibliothèques et, dans bien des cas, à parcourir d’énormes distances pour consulter des livres rares et fragiles qui quittaient rarement leurs rayons. Grâce à la numérisation, Canadiana.org est en mesure de réunir ces collections en une seule, accessible et précieuse pour l’étude du Canada dans toutes les disciplines. 

Pour mettre le nouveau projet en marche, Canadiana.org a, dans un premier temps, créé un comité consultatif et un groupe de réflexion, composés d’universitaires et de bibliothécaires s’intéressant à ce domaine. Les paramètres de collection du projet ont été fixés aux termes d’une intense consultation des deux groupes ainsi que de discussions téléphoniques avec des bibliothécaires de documents gouvernementaux des quatre coins du pays. On espérait au départ que toutes les publications officielles antérieures à 1921 seraient scannées. Mais, quand on a constaté que le nombre de publications officielles antérieures à cette année était beaucoup plus élevé que prévu au départ (plus de dix millions de pages), on a reconnu l’impossibilité de la tâche. La numérisation de dix millions de pages, au rythme envisagé de 250 000 par année, prendrait quarante ans. Un projet d’une telle ampleur dépassait, bien sûr, les capacités de Canadiana.org, tant sur le plan de l’argent que sur celui du temps. 

Par conséquent, le comité consultatif et le groupe de réflexion ont été invités à classer par ordre de priorité les genres de publications à numériser. Il a été décidé que le projet insisterait sur les documents publiés en 1900 et avant cette date et que les principaux documents législatifs auraient la priorité (projets de loi, statuts, documents parlementaires, débats, journaux, etc.). Canadiana.org numériserait les documents coloniaux publiés avant la Confédération. Cependant, pour la période de 1867 à 1900, seuls les documents fédéraux seraient retenus. (L’ajout des documents provinciaux et territoriaux de cette période aurait prolongé la durée du projet d’au moins deux ou trois ans.) Les publications municipales et les documents d’archive ont été écartés du projet. 

Les principales catégories de documents scannés sont : 

  • Lois (ou statuts) : Les lois de 150 années sont numérisées, des lois de la Nouvelle-Écosse, qui remontent à 1758, aux lois fédérales adoptées en 1900. 
  • Débats : Les débats de nombreuses assemblées législatives n’ont pas été publiés les premières années. Par exemple, avant 1867, seules les provinces Maritimes du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard ont publié des débats officiels, et ce, de façon sporadique. 
  • Documents parlementaires : Tant par la quantité que la qualité, les documents parlementaires constituent une partie importante de la base de données des publications officielles. NML numérise les 800 volumes et plus de documents parlementaires portant sur les années 1860 à 1900 (plus de 600 000 pages en anglais et en français). Ces documents sont prisés par les chercheurs parce qu’ils portent sur une gamme extrêmement variée de sujets : les affaires internationales, l’éducation, l’immigration et la colonisation, le commerce, les banques, les transports (chemins de fer, routes et canaux), les ressources naturelles (mines, pêches et forêts), le système juridique, les affaires militaires, la technologie, les sciences et les soins de santé. 
  • Journaux (et annexes) : Ce sont les comptes rendus officiels des décisions et des transactions des assemblées législatives. Il s’agit, en fait, de procès-verbaux exposant en détail la formation des divers comités gouvernementaux et la présentation des projets de loi et des rapports des comités et des ministères. Les annexes des journaux contiennent des rapports sur une multitude de sujets. (Grâce aux fonds versés par le programme Culture canadienne en direct de Patrimoine Canada, tous les journaux et annexes antérieurs à la Confédération, ainsi que les Journaux de la Chambre des communes pour les années de 1867 à 1900, ont été versés dans la partie de NML qui est accessible à tous.) 
  • Rapports des commissions royales : Ces commissions sont mises sur pied pour étudier des problèmes hors de l’ordinaire ou solliciter des opinions éclairées sur des sujets controversés et déterminer l’orientation du gouvernement à cet égard. 
  • Projets de loi : Pour les projets de loi déposés avant 1860, la version de première lecture sera numérisée. Dans le cas des projets de loi qui ne sont pas disponibles ainsi, la version de deuxième lecture sera numérisée (cette décision a été prise parce qu’il reste relativement peu de versions de première lecture de vieux projets de loi). Pour la période allant de 1860 à 1900, seules les versions de première lecture seront numérisées en raison du grand nombre d’exemplaires disponibles. 
  • Rapports de comités : Les rapports publiés par les comités permanents et spéciaux sont en cours de numérisation. Ces documents ont souvent été publiés dans les journaux ou leurs annexes, ou encore dans les documents parlementaires. Le cas échéant, pour éviter le double emploi, seul le rapport publié dans les journaux, les annexes ou les documents parlementaires sera numérisé. 
  • Rapports de commissions ministérielles : Les commissions ministérielles sont créées par un ministre pour faire enquête sur des sujets d’intérêt public. Elles ont souvent le rang d’une commission royale. Seul un petit nombre de rapports de ces commissions sera numérisé, puisque très peu ont été publiés avant 1900. 
  • Publications officielles de la France et de la Grande- Bretagne ayant trait à la gouvernance du Canada : Cette collection est constituée d’un millier de documents, notamment des lois, des projets de loi, des lettres et des rapports. Leur importance est grande, car les débuts du Canada ont été en grande partie déterminés par les décisions prises par les parlements français et britannique. La collection renferme plus de 600 documents du Parlement britannique qui datent du XIXe siècle et touchent directement le Canada. On y trouve également plus de cent arrêts du Conseil d’État de France qui ont régi la vie au Canada aux XVIIe et XVIIIe siècles. 
  • Ordonnances : Ce sont des textes législatifs produits par un gouverneur, agissant unilatéralement ou sur la recommandation d’un conseil, en l’absence d’un organe législatif élu. Bon nombre de ces ordonnances sont numérisées, notamment celles du Québec, pour la période de 1764 à 1791, et celles du Bas-Canada, pour la période de 1838 à 1841. 
  • Règlements : Les règlements sont une forme de législation par pouvoir délégué. Autrement dit, le Parlement confère légalement à une autorité externe le droit d’établir des règles et des règlements qui ont force de loi. Publiés pendant la période s’étendant de la fin du XVIIIe siècle à 1900, plus de 150 règlements ont été numérisés. 
  • Traités et conventions : Il existe différents types de traités : ils régissent le commerce, établissent les frontières territoriales ou contribuent à former des alliances ou à conclure la paix. Des dizaines de traités qui touchent directement ou indirectement le Canada ont été numérisés, du Traité de paix signé entre la France et les Canadiens autochtones en 1666 aux ententes relatives au conflit frontalier qui a sévi dans les années 1890 au sujet de l’Alaska, en passant par le Traité d’Utrecht de 1713. 

Toutes les catégories, sauf les débats et les journaux fédéraux, sont disponibles sur abonnement seulement. 

Les catégories ci-dessus constituent le principal volet de la collection des premières publications officielles. Nombreux toutefois sont les textes intéressants qui ne correspondent pas à ces catégories : les listes du service civil (où figurent les milliers de Canadiens ayant travaillé pour le gouvernement de 1885 à 1900), les guides d’immigrants éventuels au Canada, certains discours (de John A. Macdonald, de Joseph Howe, de Charles Tupper, d’Henri Bourassa et d’autres), les règles de procédure parlementaire et les règles de cour5

Le site NML renferme également une section de ressources pédagogiques qui puise à même ses collections numériques de livres. En voici les trois grandes composantes : les plans de leçon, la section Exploration, commerce de la fourrure et Compagnie de la Baie d’Hudson ainsi que la section Le Canada en devenir. Cette dernière complète la base de données des publications officielles de Canadiana.org et intègre du texte narratif avec des liens vers ces publications officielles. Les thèmes sont au nombre de trois : l’histoire de la Constitution; les Autochtones : traités et relations; les pionniers et les immigrants. 

Un projet coopératif spécial 

Les Débats reconstitués fédéraux — édités, publiés et numérisés sous les auspices de la Bibliothèque du Parlement — sont hébergés par Canadiana.org dans la section de NML qui est accessible à tous 6

Tout au long de ce projet, Canadiana.org a travaillé en étroite collaboration avec la Bibliothèque du Parlement. De nombreux livres ont été empruntés des collections historiques de la Bibliothèque et le personnel de la Bibliothèque a généreusement offert son expertise à maintes reprises. En 2005, cette collaboration avec la Bibliothèque s’est étendue à de nouveaux domaines lorsque Canadiana.org est devenu l’heureuse récipiendaire des images numériques des Débats reconstitués

Comme il est expliqué en détail dans un article sur les Débats reconstitués7, aucun compte rendu officiel des débats n’a été publié pendant les premières années du Parlement canadien. La consignation officielle des débats n’a été entreprise par le Sénat qu’en 1871 et par la Chambre des communes en 1875. Avant ces dates, la seule trace de ces délibérations qui reste à la population canadienne se trouve dans les journaux de l’époque, qui consignaient les débats officieusement et sous forme abrégée, colorée (et parfois déformée). Depuis 40 ans, la Bibliothèque rassemble minutieusement ces débats en fusionnant les comptes rendus tirés de divers journaux. Ce projet du centenaire a pris naissance en 1967 avec l’aide rédactionnelle d’éminents Canadiens (comme les historiens Peter B. Waite et David Farr, l’ex-bibliothécaire parlementaire adjointe A. Pamela Hardisty et le politicologue Norman Ward). Neuf volumes de débats manquants ont été révisés, traduits et publiés par la Bibliothèque. C’est avec satisfaction que Canadiana.org a versé les éditions numériques de ces débats (fournies généreusement par la Bibliothèque du Parlement) dans la section accessible à tous de NML. En ce moment, cette collection est constituée des Débats de la Chambre des communes (pour les années 1867-1868, 1869 et 1870) et des Débats du Sénat (pour les années 1867-1868, 1869, 1870 et 1871). Les Débats reconstitués d’autres années seront ajoutés à NML à mesure qu’ils seront mis à la disposition de Canadiana.org8

Le processus de production 

Une des premières étapes de tout projet de Canadiana.org est la création d’une base de données interne de tous les titres qui sont susceptibles d’être candidats au scannage. Cette étape aboutit généralement à une énorme bibliographie. Rassembler l’information descriptive sur les livres prend beaucoup de temps. À preuve, deux étudiants d’université ont passé tout un été à examiner la collection de publications officielles rétrospectives à Bibliothèque et Archives Canada (BAC), dépouillant l’énorme collection rayon par rayon, livre par livre. (Son effectif et ses ressources étant limités, Canadiana.org est reconnaissante aux programmes Placement carrière-été et Jeunesse Canada au travail dans les établissements voués au patrimoine pour leur apport substantiel à l’embauche d’étudiants été après été.) 

Le choix des documents à numériser prend aussi du temps. La base de données interne des publications officielles contient près de 40 000 titres. Cependant, seule une petite partie de ces titres (peut-être 20 %) seront effectivement retenus pour figurer dans la collection en ligne. Comme nous l’avons mentionné, les titres sont choisis en fonction des critères établis par le comité consultatif et le groupe de réflexion. Après la sélection des titres, l’étape suivante consiste à trouver un exemplaire approprié pour scanner le livre. Canadiana.org n’est pas une bibliothèque. Elle ne possède pas d’exemplaires originaux des livres et doit donc compter sur la bonne volonté et la collaboration des bibliothèques canadiennes pour lui prêter les livres à scanner. 

Au fils des ans, Canadiana.org a emprunté des livres de plus de 200 bibliothèques et autres organismes culturels du Canada ainsi que de quelques bibliothèques des États-Unis. Cette coopération est vitale pour Canadiana.org et l’organisme est tout particulièrement redevable à BAC, qui, dès le début, a généreusement donné accès à ses collections. En fait, plus de 50 % des titres qui ont été scannés pour le projet « Le Canada en devenir » proviennent des collections de BAC. Canadiana.org est reconnaissante d’être hébergée à l’édifice de BAC, au 395, rue Wellington, à Ottawa. Loger à proximité du matériel à scanner permet de travailler plus efficacement. 

Des livres ont aussi été empruntés en grande quantité de la Bibliothèque du Parlement : plus de 2 000 titres ont, en effet, été scannés à partir de ses collections. Les livres ne peuvent pas être tous prêtés par les bibliothèques locales. De nombreux titres n’existent que dans des bibliothèques situées à l’extérieur d’Ottawa. Le matériel a été généreusement prêté par des bibliothèques législatives, universitaires et publiques situées partout au Canada, de St. John’s à Victoria. La liste des bibliothèques prêteuses figure à l’adresse www.canadiana.org/icmh/lenders.html. 

Un grand nombre de titres ont été particulièrement difficiles à trouver, d’autant plus que Canadiana.org tente de trouver l’exemplaire le plus complet. Il faut parfois examiner plusieurs exemplaires d’un même livre provenant des quatre coins du pays, ce qui prend beaucoup de temps. À cette fin, des chercheurs régionaux ont été engagés à St. John’s, Halifax, Québec, Montréal, Ottawa, Toronto, London et Vancouver/Victoria. Leur tâche consiste essentiellement à « découvrir » de nouveaux titres, à aider à chercher l’exemplaire le plus complet et à prendre des dispositions pour le prêt des ouvrages. 

La plupart des bibliothèques n’ont pas l’habitude de fournir des descriptions détaillées pour les publications en série, comme les statuts, les débats et les journaux. Voilà pourquoi les chercheurs doivent se rendre à la bibliothèque pour déterminer le fonds documentaire. De plus, si Canadiana.org est intéressée à emprunter un ouvrage particulier d’une bibliothèque située à l’extérieur d’Ottawa, le chercheur se rendra d’abord à l’institution et dépouillera méticuleusement l’ouvrage pour s’assurer qu’aucune page ne manque ni n’est très endommagée. C’est seulement si le livre est complet qu’il sera emprunté (à moins qu’il s’agisse du meilleur exemplaire disponible). L’Annexe des ... Journaux de la Chambre d’assemblée de la province du Bas-Canada illustre parfaitement à quel point il peut être difficile de retracer tous les exemplaires complets d’une publication en série. Par exemple, 31 numéros de cette série ont été publiés entre 1809 et 1837. Canadiana.org a examiné 73 exemplaires différents de ces numéros dans 9 bibliothèques afin de trouver les exemplaires les plus appropriés à la numérisation. 

Une fois rapporté au siège de Canadiana.org, le livre est ensuite catalogué. Le catalogage respecte les règles exposées dans Anglo American Cataloguing Rules, 2nd edition (AACR2). Les publications anglaises et françaises sont cataloguées dans la langue de publication originale. Après le catalogage, on examine le livre page par page pour s’assurer qu’aucune ne manque, ni n’a été déplacée ou endommagée. Si le livre est jugé impropre au scannage (pour une des raisons ci-dessus), on cherche un autre exemplaire. 

Une métadonnée est créée pour chaque titre et chaque numéro d’une publication en série. (En gros, une métadonnée est une information sur de l’information.) Canadiana.org s’en sert à des fins techniques, de description, de préservation et d’administration. La création d’une métadonnée est une tâche très méticuleuse qui suppose la saisie manuelle de renseignements sur chaque page du livre dans l’ordinateur. 

Scannage, nettoyage et relecture 

Après le catalogage et la création des métadonnées, l’ouvrage est prêt à être scanné. Après avoir, en premier lieu, imparti l’exécution des deux principaux procédés techniques — le scannage proprement dit et la transcription numérique du texte (par lecture optique des caractères ou LOC), Canadiana.org s’est réapproprié l’exécution de ces deux tâches. En 2001, le spécialiste des systèmes électroniques de Canadiana.org, William Wuepplemann, a réussi, à force d’innombrables essais, à mettre en place un système LOC interne efficace à l’aide du logiciel Prime Recognition. (Les documents scannés étant vieux et présentant souvent des caractères pâles ou inhabituels, le taux d’exactitude des fichiers de texte LOC n’est pas parfait — généralement plus de 90 %, mais moins pour les livres aux caractères pâles ou contenant les anciennes formes de lettres — par exemple le f servait de s.) En 2004, un scanner Zeutschel OS 10000 a été acheté et le personnel a commencé à scanner des ouvrages à l’interne. Les images sont scannées à 400 dpi en noir et blanc et sont emmagasinées dans des fichiers TIFF comprimés. Le fait d’effectuer à l’interne la LOC et le scannage a permis à l’organisme de mieux contrôler la qualité des images produites, d’améliorer le calendrier de production et de réaliser des économies. 

Le scannage n’est pas toujours un procédé simple. Même en utilisant un scanneur haute gamme qui permet d’ajuster divers paramètres, il n’est pas toujours possible de produire une image acceptable, surtout pour les pages aux caractères pâlis. Quand c’est le cas, il arrive qu’on photographie d’abord la page en question avec l’option de fonçage du texte puis qu’on scanne à partir de la page photocopiée. Pour les premiers numéros des documents parlementaires, il n’était pas inhabituel de photocopier des dizaines de pages par volume. (Cette façon de faire était retenue en dernier recours après qu’on avait vérifié si d’autres exemplaires offraient une meilleure qualité d’impression.) 

Après que le livre a été scanné, un employé inspecte les images scannées, page par page, pour « nettoyer » le produit (redresser l’image au besoin, enlever les tâches laissées par les particules de poussière, etc.). Ensuite, un autre employé examine encore le livre page par page, cette fois pour s’assurer qu’aucune page n’a été oubliée, répétée ou scannée dans le désordre. L’assurance de la qualité requiert beaucoup de temps. 

Une fois les images rendues disponibles sur NML, les chercheurs peuvent y avoir accès de plusieurs façons — par une recherche dans tout le texte (le texte intégral ainsi que les métadonnées), par une recherche de l’auteur, du titre, du sujet, de l’éditeur, etc., ou par navigation (auteur, titre, sujet, éditeur, collection). 

Il existe en ce moment près de 14 000 volumes (environ 2,2 millions de pages) dans NML et la collection grandit à un rythme supérieur à 250 000 pages par année. L’utilisation de NML continue d’augmenter considérablement d’année en année. La consultation est passée de huit millions d’appels de fichier la première année à plus de 46 millions en 2005, pour une moyenne de presque 27 000 pages par jour. (En novembre 2005, le site Web a fait l’objet de cinq millions d’appels de fichier!) 

Ce projet sur six ans est devenu un modèle de partenariat privé-public. Des fonds ont été obtenus des sources suivantes : les abonnements à NML, les dons de particuliers et de sociétés, des subventions gouvernementales (surtout du programme Culture canadienne en ligne de Patrimoine canadien) et la vente de microfiches. Bibliothèque et Archives Canada a aussi fourni une aide en espèces appréciable9

Autres projets de numérisation des publications officielles 

Canadiana.org n’est, bien sûr, pas le seul organisme à faire de la numérisation des grandes publications gouvernementales au Canada. L’ampleur des publications gouvernementales déjà existantes et des nombreuses autres produites chaque année est telle qu’il reste beaucoup à faire pour rendre cette documentation plus facilement accessible et qu’il y a place pour une multitude d’acteurs sur cette scène. Le site Web du Parlement du Canada (géré conjointement par le Sénat et la Chambre des communes en collaboration avec la Bibliothèque du Parlement) constitue une excellente source de documents législatifs contemporains (www.parl.gc.ca/). On y trouve les journaux et les débats des deux chambres ainsi que les projets de loi, les travaux des comités et d’autres documents, de la 35e législature (1996) à aujourd’hui. Depuis 1998, la Gazette du Canada se trouve sur un site entretenu par la Direction de la Gazette du Canada (qui fait partie de la Direction générale des services d’information du gouvernement). On peut la consulter à l’adresse http://gazetteducanada.gc.ca/index-f.html. Les lois et les règlements du Canada sont hébergées dans le site du ministère de la Justice, à l’adresse http://lois.justice.gc.ca/fr/index.html. En somme, la population canadienne a facilement accès à un grand nombre de publications législatives fédérales contemporaines. Quant aux documents parlementaires rétrospectifs, voici quelques projets entrepris par d’autres organismes. 

Bibliothèque et Archives Canada 

En décembre 2004, Bibliothèque et Archives Canada a été invité à participer à un projet pilote conjoint mené par l’Université de Toronto et Internet Archive. Le projet visait à tester la numérisation de masse de volumes reliés à l’aide d’un scanner robotique Kirtas10

BAC et d’autres institutions de recherche participant au projet ont été encouragés à présenter chacun jusqu’à 1 500 volumes de documentation. Dès le départ, BAC souhaitait choisir plusieurs grandes publications gouvernementales (ainsi que d’autres genres de documents). Cependant, les capacités du scanneur posaient des limites puisque seuls les volumes reliés à couverture rigide, en bonne condition et respectant certaines dimensions données pouvaient être scannés. Soucieux du bien-être à long terme des livres, le personnel de BAC a, par ailleurs, choisi de ne pas scanner les exemplaires extrêmement rares des documents de la collection. 

Au départ, BAC avait espéré numériser les documents des commissions royales et certains mémoires en complément du rapport de la Commission Massey, ouvrage pionnier que l’ancienne Bibliothèque nationale du Canada avait déjà numérisé. Le projet a toutefois été vite écarté parce que bon nombre des volumes étaient physiquement incompatibles avec le scanneur. Aux termes de longues consultations, à l’interne, avec ses propres spécialistes, ainsi qu’à l’externe, avec la Bibliothèque du Parlement et Canadiana.org, on a choisi le journal officiel du gouvernement — la Gazette du Canada. Elle semblait être le candidat idéal en raison de son contenu (un favori auprès des chercheurs) et de sa concordance physique aux paramètres du scanneur. La Gazette des années 1867 à 1880 a été envoyée à l’Université de Toronto (où le scanneur avait été installé). Malheureusement, les numéros n’ont pas pu tous être scannés, car le procédé ne convenait pas aux volumes épais et lourds. D’autres choix populaires, tels les volumes français et anglais des Journaux de la Chambre des communes (1901-1954) et des Journaux du Sénat (1901-1953), les Statuts révisés du Canada (1970) et les délibérations et témoignages des comités (1901-1934) ont toutefois pu être numérisés avec succès. 

Cette participation au projet a permis à BAC d’acquérir, au nom de la population canadienne, des exemplaires numériques de publications importantes, à relativement peu de frais. Malgré quelques embûches et retards en cours de route, BAC espère ajouter les exemplaires numériques à sa collection électronique de Canadiana. 

Le Law Library Microform Consortium (LLMC) 

Le LLMC est un organisme américain sans but lucratif, très semblable à Canadiana.org. Constitué en 1976 et installé à l’Université d’Hawaï, il a pour mandat de préserver des titres juridiques et certains documents gouvernementaux et d’en élargir l’accès. Tout comme Canadiana.org, le LLMC a commencé en distribuant ses documents sur microfiches. En 2003, il est toutefois passé, lui aussi, au numérique grâce au projet LLMC Digital. Bien que le LLMC ait filmé ou numérisé d’autres types de publications gouvernementales (par exemple, les journaux législatifs américains), le gros de sa collection est constitué de documents juridiques : décisions et comptes rendus de tribunaux, périodiques juridiques et lois. La collection, à contenu principalement américain, contient aussi un nombre important de documents juridiques de premier plan d’autres pays. 

Pour ce qui est du Canada, LLMC Digital renfermera les lois antérieures à la Confédération ainsi que les lois postérieures à celle-ci des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Voici d’autres titres déjà numérisés ou devant l’être : Cameron’s Supreme Court Cases, Canadian Law Times, Canadian Criminal Cases Annotated, Dominion Law Reports ainsi que les recueils de jurisprudence des provinces et bien d’autres monographies et publications en série. La liste complète des titres canadiens devant être numérisés figure à l’adresse www.llmc.com/canadian_collection.htm. La collection est disponible sur abonnement seulement. 

Regard vers l’avenir 

En janvier 2006, Canadiana.org a signé une entente de trois ans avec le Réseau canadien de documentation pour la recherche (RCDR), grâce à laquelle 46 bibliothèques universitaires et de recherche au Canada se sont vu concéder une licence pour la base de données NML. Par cet accord, ainsi que les contrats de licence conclus avec d’autres bibliothèques non universitaires, 85 % du budget d’exploitation de Canadiana.org provient maintenant des recettes des abonnements. (Le reste provient de subventions, d’activités de financement et de la vente de microfiches.) À la réunion stratégique de juin 2005 de Canadiana.org, où les intervenants ont parlé de la viabilité et de l’avenir de l’organisation, l’entente conclue avec le RCDR au sujet des licences a été qualifiée par le président de Canadiana.org, John Teskey, d’heureux événement. Il a ajouté qu’elle permettrait à Canadiana.org de continuer à produire du nouveau contenu. La directrice exécutive, Magdalene Albert, a, pour sa part, signalé que le partenariat entre Canadiana.org et le milieu de la recherche a bénéficié de l’appui matériel considérable de Bibliothèque et Archives Canada. Loin d’assurer la survie à long terme de Canadiana.org, l’entente donne à l’organisme une bonne dose de stabilité au moment où elle entreprend son autre grand projet au printemps de cette année, à savoir la numérisation des périodiques canadiens antérieurs à 1920. 

Malgré les difficultés nombreuses rencontrées au cours des six dernières années, le projet « Notre mémoire en ligne » a été un succès. Un nombre inégalé de publications gouvernementales anciennes ont été rendues facilement accessibles aux chercheurs. L’utilisation de NML continue de croître considérablement et la hausse des recettes d’abonnement permet à Canadiana.org de s’approcher du seuil de viabilité totale. La numérisation lui a permis de continuer à réaliser son mandat à l’égard du milieu de la recherche, tout en intégrant le grand public dans sa clientèle. Le grand intérêt exprimé par les généalogistes, les historiens amateurs et d’autres membres du grand public n’avait pas été prévu. Pour souligner la réussite du projet « Le Canada en devenir », Canadiana.org organise avec ses partisans une fête qui aura lieu en juin. 

Notes 

1. Conseil des Arts du Canada, Groupe consultatif sur les bibliothèques universitaires de recherche, Bibliothèques universitaires de recherche : Rapport du Groupe consultatif sur les bibliothèques universitaires de recherche, Ottawa, Conseil des Arts du Canada, 1978, p. 25. 

2. Id., ibid., p. 26. 

3. Bradd Burningham et Gilles Chiasson, « Atteindre l’équilibre : compte rendu des résultats du projet de sondage sur la phase IV de l’ICMH », Fac-similé, no 19 (mai 1988), p. 5. 

4. Bertrum MacDonald, « La publication des livres : le rôle clé des gouvernements et des organismes gouvernementaux », Fac-similé, no 19 (mai 1998), p. 13-18. 

5. Pour un examen plus approfondi de la collection, rendez-vous à l’adresse :
www.canadiana.org/eco/francais/collection_govdocs.html 

6. L’auteure tient à exprimer sa gratitude à Cynthia Hubbertz, chef, Développement des collections, de la Bibliothèque du Parlement, pour avoir aidé à la rédaction de la description des Débats reconstitués

7. David Farr, « La reconstitution des premiers débats du Parlement du Canada », Revue parlementaire canadienne, vol. 15, no 1 (printemps 1992). 

8. Pour plus d’information sur ce projet, prière de consulter la page www.canadiana.org/eco/francais/collection_debats.html.
Les Débats reconstitués de la Chambre des communes se trouvent à NML à cette adresse :
http://www.canadiana.org/ECO/ItemRecord/9_08054?id=8ef59b70a86fa6ad. Les Débats reconstitués du Sénat se trouvent à cette adresse :
http://www.canadiana.org/ECO/ItemRecord/9_08055?id=8ef59b70a86fa6ad. 

9. La liste complète des partenaires et des abonnés se trouve à l’adresse www.canadiana.org/eco/francais/partners.html. 

10. L’auteure tient à remercier Pat MacDonald, chef, Section de la sélection et de la recherche, de Bibliothèque et Archives Canada (BAC), de lui avoir fourni l’information sur le contexte du projet. Mme MacDonald a été responsable de la coordination de la participation de BAC, surtout aux chapitres de la sélection, de la description et de l’expédition des livres. L’auteure remercie également Ian McDonald, spécialiste des documents officiels et juridiques, de la Division de la référence et de la généalogie, de Bibliothèque et Archives Canada. 


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 29 no 1
2006






Dernière mise à jour : 2020-09-14