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Point de vue québécois sur les femmes en politique
Charlotte L'Écuyer, MAN

À l’Assemblée nationale du Québec, on compte présentement 40 élues sur les 122 députés actuels. La progression du nombre de femmes élues entre le scrutin de novembre 1998 et celui d’avril 2003 a été remarquable, avec une augmentation de 7,2 p. 100. Il s’agit de la deuxième plus forte augmentation de l’histoire parlementaire du Québec moderne. Malgré ce progrès considérable, les femmes occupent encore beaucoup moins de postes importants. L’auteure examine certains obstacles à l’augmentation du nombre de femmes dans la sphère politique, y compris dans l’organisation des partis politiques et le système électoral. Elle se penche également sur l’impact de l’entrée en politique des femmes et sur quelques initiatives gouvernementales récentes au Québec.   

Je vous présente certains facteurs qui peuvent nuire à la progression de l’engagement des femmes en politique québécoise. Les barrières institutionnelles constituent le premier. Je rappellerai ici que le système politique a érigé traditionnellement des obstacles à la poursuite d’une carrière politique par une femme, puisqu’il s’inspire de valeurs qui font large place au conflit et, naturellement, à l’exercice d’un pouvoir coercitif, alors que les femmes préfèrent, en général, la discussion et la recherche du consensus. De prime abord, le système politique n’est sans doute pas aussi attrayant pour les femmes que pour les hommes. Lors d’un symposium de l’Union interparlementaire, datant déjà de 1989, il a été dit, de façon lapidaire, que « […] de façon explicite ou subtile, la philosophie du pouvoir, le langage et les règles du jeu politique restent ceux définis par les hommes »1

En 1994, le Conseil du statut de la femme a même évoqué l’existence possible d’une « certaine conspiration masculine » qui limiterait l’évolution des institutions et de la culture politique et du nombre de femmes au pouvoir. Le Conseil ne s’est pas prononcé sur l’existence d’une conspiration; il a simplement rapporté cette explication développée par certains chercheurs et chercheuses. 

En 2003, le Secrétariat à la condition féminine du Québec a relevé l’opinion de femmes et de groupes de femmes selon laquelle le système politique, en accordant la priorité au développement économique plutôt qu’au progrès social, se montre inhospitalier et peu accessible aux femmes, qui ont des valeurs et œuvrent plutôt dans des milieux « à caractère social », notamment, la santé, les services sociaux et l’éducation. 

La discipline de parti et les luttes d’opinions au Parlement jouent aussi un rôle, en limitant les possibilités des femmes de se regrouper avec les membres des autres partis pour défendre des enjeux plus proprement féminins. Cependant, la discipline de parti peut, en même temps, représenter un avantage à la représentation des femmes, dès lors que des militantes obtiennent l’inscription d’une question au programme de leur parti que tous, femmes et hommes, devront ensuite défendre. 

Le sexisme à l’endroit des candidates à l’investiture d’un parti n’est pas complètement disparu. Par exemple, le sexisme prendra la forme de manœuvres pour discréditer une femme au foyer voulant se porter candidate. Le sexisme serait d’autant plus présent que l’on juge la circonscription convoitée comme pouvant être remportée par le parti. Toutefois, il n’est pas coutume au Québec d’offrir aux femmes de se « présenter » dans des circonscriptions perdues d’avance. 

Le type d’emploi ou le prestige de l’emploi occupé compte naturellement beaucoup dans la recherche de candidats et de candidates réalisée par les cadres des partis. Comme les femmes ont un taux d’activité rémunérée moindre que les hommes et qu’elles sont moins nombreuses à occuper des postes de gestionnaire, elles sont également moins en mesure de développer la notoriété professionnelle que recherchent les partis politiques. Les militants d’un parti donné sont donc beaucoup plus souvent sollicités pour poser leur candidature que les militantes. 

Les barrières économiques représentent un deuxième facteur. En 1988, une recherche menée auprès d’élues à l’Assemblée nationale et au Conseil de ville de Montréal a conclu que le financement de l’investiture au sein d’un parti ou de l’élection ne constitue pas un obstacle majeur pour les Québécoises qui veulent s’engager en politique. À ce titre, les Québécoises disposent probablement d’un avantage sur les Canadiennes en général. En effet, les travaux de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis (la « commission Lortie » de 1991) ont révélé que, dans le contexte d’une élection fédérale, l’investiture est jugée par plusieurs femmes beaucoup plus difficile que l’élection elle-même. 

On peut penser que, depuis 1977, l’application des règles de financement de la Loi électorale du Québec a eu un effet positif sur la façon d’agir des partis politiques en matière de sélection de candidates. En effet, les principaux partis politiques du Québec ont adopté des règles qui limitent les dépenses des candidates et des candidats à l’investiture, afin de conserver ces dépenses dans des limites acceptables. Ainsi, un candidat ne peut s’appuyer sur une fortune personnelle pour se faire une place en politique. 

Depuis 1977, seuls les électrices et les électeurs peuvent contribuer au financement des partis politiques, puisque la Loi électorale prohibe de façon complète les contributions des personnes morales (soit les compagnies et sociétés, les syndicats ou les associations). La Loi établit en outre un plafond aux contributions individuelles de 3000 $ par personne par année, limite les dépenses électorales des partis et des candidats et prévoit, à certaines conditions, le remboursement des dépenses électorales et le financement des partis. 

Les barrières culturelles constituent un troisième facteur. Encore aujourd’hui, les obligations de la vie privée ou familiale pèsent davantage sur les femmes que sur les hommes et plusieurs d’entre elles peuvent se voir limitées dans leur pleine disponibilité pour la vie publique. Dans une enquête réalisée auprès de députés à Ottawa et à Québec et publiée en 1999, plusieurs femmes ont déclaré qu’elles avaient retardé leur entrée en politique pour veiller aux soins et à l’éducation de leurs enfants. Par contre, aucun député de sexe masculin ne s’est trouvé dans la même situation. 

La citation suivante d’un document publié par l’Union européenne décrit peut-être assez bien la situation vécue au Québec : « Le partage des tâches inhérentes au foyer n’est pas acquis. L’essentiel [des] travaux domestiques et éducatifs incombe encore aux femmes, qui n’ont guère de loisirs pour ne serait-ce que s’informer, ou avoir des discussions politiques avec des proches2. » On doit noter cependant que, dans une recherche effectuée par entrevue auprès de militantes du Parti Québécois et du Parti libéral du Québec, seulement 4 % des femmes ont invoqué des raisons familiales pour ne pas simplement envisager de poser un jour leur candidature. 

L’impact de l’entrée en politique des femmes 

Dans la littérature en science politique, une controverse porte sur l’impact réel de l’entrée en politique des femmes. Certaines recherches alimentent l’idée que les femmes et les hommes, autant députés que citoyens et citoyennes, abordent les questions « sociales » d’une façon différente. Ainsi les électrices et les parlementaires américaines afficheraient des positions plus libérales que les hommes, et ce particulièrement en matière de dépenses publiques, de services sociaux, ou de questions raciales. 

Selon une autre recherche américaine, une présence accrue des femmes peut aussi produire des changements quant au nombre de lois adoptées relativement aux problèmes affectant les femmes et quant aux priorités dans les dépenses de l’État. Cependant, d’autres facteurs influencent, de manière possiblement tout aussi importante, le type de politiques qui sont adoptées, dont l’appartenance à un parti politique donné, la race et l’identification au féminisme. Certes, il demeure que les femmes ont tendance à présenter un plus grand nombre de projets de loi en santé et en éducation que les hommes. 

En Norvège, une enquête auprès de parlementaires a également montré que les députées ont des priorités et des intérêts différents de ceux de leurs homologues masculins. Cette recherche scandinave va bien plus loin, en évoquant le style des députées, qui est davantage axé sur la personne. Cependant, les Norvégiennes interrogées sont prudentes et ne veulent pas se montrer trop différentes de leurs collègues masculins. 

Sur un thème assez rapproché, d’autres analystes (français et canadiens) ont déjà avancé que la présence des femmes au Parlement conduit à la modernisation de lois touchant la condition féminine. En outre, les femmes parlementaires prendraient davantage en considération que leurs confrères les effets des politiques sur la population. Toutefois, les députés de sexe masculin accorderaient plus d’importance que leurs consœurs à l’exercice de la fonction de législateur. Plusieurs études mettent également en valeur le style parlementaire distinctif des députées et l’effet modérateur qu’elles ont sur le caractère guerrier des députés masculins. 

Conformément à l’idée que les femmes humaniseraient la politique, plusieurs députées ont soutenu que la présence de femmes aurait eu pour effet de changer la façon de faire de la politique, sur un mode consensuel plutôt que conflictuel : « elles chercheraient […] à rapprocher les gens plutôt que de provoquer des confrontations. [Il] serait plus aisé pour les députées de travailler en coopération en raison d’une solidarité issue d’expériences communes de discriminations subies en cherchant à accéder à un espace traditionnellement occupé par les hommes3. » 

Ceux et celles qui ne croient pas à l’impact particulier des femmes sur la politique avancent que ces dernières ne sont pas en mesure d’agir en raison de leur nombre encore trop faible, ou encore en raison de leur absence de certaines commissions parlementaires parmi les plus importantes. Cette opinion reprend donc l’idée d’une masse critique insuffisante. Un autre argument selon lequel les femmes n’apportent pas de changements particuliers en politique est relié à l’idée de la diversité. Selon cette conception, l’entrée en force des femmes n’apporterait pas plus de changements à la politique que l’élection de membre de groupes comme les personnes âgées ou les ethnies minoritaires. 

Quelle que soit l’évaluation portée sur les effets de l’entrée des femmes au Parlement, il est possible d’affirmer sans trop craindre d’erreur que la solidarité entre femmes parlementaires de différents partis ne va pas jusqu’à combler le fossé des lignes partisanes. 

En 1995, le programme d’action de la quatrième conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes, tenue à Beijing, contient une partie sur la place des femmes dans les postes de responsabilité et dans la prise de décision. À cette occasion, 181 États se sont engagés à prendre des mesures pour garantir l’égalité d’accès et la participation complète des femmes aux structures de pouvoir et à la prise de décision. 

Pour répondre à cet objectif, certains pays, tels la France et la Belgique, choisissent la voie de l’intervention législative, afin d’augmenter la présence des femmes dans les instances dirigeantes. Ainsi, la France adopte-t-elle en 1999-2000 la « Loi sur la parité ». 

D’autres États empruntent plutôt la voie des mesures incitatives; c’est le cas du Québec et du Canada. 

Au Québec, les revendications des groupes quant à la représentation politique des femmes favorisent davantage l’incitation et le soutien que l’adoption de mesures législatives. Parmi ces mesures jugées par certaines trop contraignantes, on retrouve les quotas imposés par la loi ou la Constitution : 

Le principe du quota de femmes repose sur l’idée que les femmes doivent être présentes, selon un certain pourcentage, dans les divers organes de l’État, que ce soit sur les listes de candidatures, dans les assemblées parlementaires, les commissions, le gouvernement. Avec le système du quota, ce ne sont pas les femmes elles-mêmes qui ont la charge du recrutement, mais les responsables du processus de recrutement. […] Aujourd’hui, le quota vise à assurer une présence de 30 à 40 % de femmes, constituant une « minorité critique » minimale4

Plusieurs politiciennes au Québec montrent des réticences à l’endroit des quotas de représentation législatifs. Elles expriment souvent « leur inconfort et leur opposition devant l’idée d’être particularisées dans le système électoral et devant leurs collègues élus et de devoir éventuellement être considérées comme le résultat d’une mesure d’exception »5

Parmi un groupe de militantes et de militants du Parti Québécois qui ont répondu en 2000 à une enquête sur le militantisme au Québec, seulement 20 % se sont montrés favorables à l’utilisation de quotas (alors que 58 % des personnes ont exprimé une opinion défavorable aux quotas). Au moment de la réalisation de cette enquête, le Parti Québécois était au pouvoir à Québec. Chez les militantes et militants du Parti libéral du Québec, le pourcentage de personnes favorables s’est avéré pratiquement identique, avec 21 % seulement d’opinions favorables (contre 50 % d’opinions défavorables). Lors de la réalisation de l’enquête, le Parti libéral formait l’opposition officielle. 

Il est à noter que, dans les deux grands partis, un pourcentage assez élevé de membres n’ont pu fournir de réponse positive ou négative : 22 % chez les péquistes et 29 % chez les libéraux. 

Dans les deux formations, les militantes et militants ont, par contre, appuyé très largement l’instauration de mesures gouvernementales de soutien financier ou de certains cours de formation à la vie politique, comme moyen d’augmenter le nombre de candidatures féminines lors des élections à venir. 

Selon une recherche réalisée en 2004 sur la politisation des jeunes, les Québécoises de 18  à 30 ans se disent en désaccord à l’égard de mesures telles que la parité et même envers la discrimination positive envers les femmes. Pour ces jeunes, la compétence doit primer sur le nombre de femmes élues ou nommées. 

Cette question de la compétence ou des capacités des élus est aussi, de loin, la principale raison invoquée pour s’opposer aux quotas dans la recherche de 2000 sur le militantisme dont j’ai parlé plus tôt. Un autre motif important, selon cette recherche, est le respect de la liberté des femmes. Certaines (et encore plus, certains) voient même dans l’utilisation de quotas une mesure anti-démocratique. 

L’organisation des partis et les femmes 

Permettez-moi maintenant de décrire brièvement l’organisation des deux principaux partis politiques du Québec, en rapport avec la place des femmes. Je vais d’abord parler de la formation politique à laquelle j’appartiens, le Parti libéral du Québec. 

Le Parti libéral est la seule formation politique québécoise qui a su traverser l’histoire depuis l’entrée en vigueur de la Constitution canadienne actuelle, le 1er juillet 1867. Le Parti libéral a déjà été doté d’une organisation autonome de femmes, la Fédération des femmes libérales du Québec. Bien que dépendant du Parti pour son financement, la Fédération a été un lieu de rassemblement, de sensibilisation et de formation à la politique pendant une vingtaine d’années, soit de 1950 à 1971. 

Lors du XVe congrès annuel du Parti, tenu à Québec en novembre 1971, les libérales ont obtenu l’intégration de leur fédération au sein même du Parti. Elles ont été conduites à faire ce choix en considérant que la présence d’une fédération autonome n’avait permis de faire élire qu’une seule femme à l’Assemblée nationale, soit Me Claire Kirkland, élue pour la première fois lors d’une élection partielle à Montréal, en décembre 1961. En outre, seulement trois femmes avaient siégé au Comité exécutif du Parti durant cette même période. 

C’est aussi lors du congrès de 1971 que les jeunes hommes et les jeunes femmes membres du Parti libéral ont demandé et obtenu que l’on réserve le tiers des sièges dans les différentes instances dirigeantes du Parti aux membres de la Commission jeunesse, regroupant dès lors les jeunes libéraux de 16 à 25 ans. La Commission jeunesse est vite devenue une « école de formation » pour futurs attachés politiques, députés, ministres, spécialistes des relations publiques ou professionnels de pratique privée. 

En novembre 1971, les libérales ont aussi obtenu l’instauration d’une forme de quota de représentation au sein des associations du Parti qui sont présentes dans chacune des circonscriptions, ainsi que lors de la tenue du congrès des membres : 

À la suite des concessions arrachées lors de l’intégration de la FFLQ, chaque association libérale de comté [ou de circonscription] doit s’assurer d’avoir, aujourd’hui encore, à sa direction, une vice-présidente et une conseillère choisies ou élues par les jeunes (tout comme un vice-président et un conseiller…). On doit également s’assurer de faire élire neuf hommes (dont trois jeunes) et neuf femmes (dont trois jeunes) comme délégués à tout congrès du parti6.  

En vue d’un congrès au leadership, c’est-à-dire la réunion d’environ 3000 membres qui élit le chef du Parti, les associations locales choisissent un plus grand nombre de membres pour les représenter, soit 12 hommes et 12 femmes. 

Selon les statuts du Parti libéral du Québec, le Comité de coordination de la Commission jeunesse est également composée de façon paritaire, c’est-à-dire de 7 femmes et de 7 hommes. 

Dans les autres instances du Parti il n’existe pas de parité statutaire des femmes et des hommes. Cependant, le Parti veut faire une place toujours meilleure aux femmes qui s’y sont ralliées, il y a maintenant presque 34 ans, lors de l’intégration de la Fédération des femmes libérales du Québec. 

Le Parti Québécois, qui est actuellement dans l’opposition, a été créé plus d’une centaine d’années après son grand rival libéral, soit en 1968. Il a rapidement supplanté un parti fondé en 1935-1936, l’Union nationale, qui avait elle-même remplacé l’ancien Parti conservateur sur la scène provinciale.  

En 1975, quelques militantes de la région de Montréal-Centre du Parti Québécois ont décidé de former un comité de la condition féminine, qui est effectivement mis sur pied en septembre 1977, sous le nom de Comité national de la condition féminine. 

En septembre 1980, soit après le non au projet de souveraineté-association lors du premier référendum, le Comité national de la condition féminine est devenu le Comité d’action politique des femmes. Dès lors, le nouveau comité oriente davantage ses activités vers la formation des militantes du Parti, dans le but de faire progresser la cause des femmes grâce à un engagement accru des membres. 

En 1985, comme en janvier 2001, lors de la démission du président (autrement dit, du chef) du Parti Québécois, le Comité d’action politique des femmes a refusé d’appuyer une candidate en particulier afin de ne pas faire insulte aux candidats masculins. Il semble que plusieurs militantes féministes du Parti ont mal accepté ce choix. 

Dans les statuts du Parti Québécois, une disposition reconnaît, de manière générale, la nécessité de tendre vers une représentation équilibrée des hommes et des femmes à l’intérieur des différentes instances du Parti. Les dispositions statutaires sur la place des femmes sont donc moins précises ou variées que celles du Parti libéral. Cependant, à partir de la présidence de Jacques Parizeau (de 1988 à 1996), le Conseil exécutif national a été formé à égalité de femmes et d’hommes. 

À travers le monde, de nombreux partis politiques ont adopté, de leur propre initiative, des quotas quant au nombre de femmes qui posent leur candidature aux élections. Ainsi un relevé de l’Internationale socialiste des femmes montre que, dans 55 pays du monde, des partis membres de ce regroupement ont adopté des quotas. Le Conseil du statut de la femme du Québec a également dressé une liste, qui montre l’existence de quotas de partis dans 48 des 80 pays qu’il étudie. 

Au Canada, le Nouveau Parti démocratique (NPD) fédéral a adopté une forme de quota (ou plutôt un « objectif »), selon lequel un minimum de 60 % des candidatures dans des circonscriptions où le Parti a des chances de l’emporter reviennent à des femmes. Cette mesure ne touche pas cependant les circonscriptions dans lesquelles la ou le député sortant sollicite un nouveau mandat. 

Au Québec, les partis politiques les plus importants, autant le Parti libéral que le Parti Québécois, se donnent plutôt des cibles informelles (et non régies par leurs statuts) quant au nombre de femmes à présenter lors de telle ou telle élection. 

Cette forme de réserve a conduit le Conseil du statut de la femme à recommander en 2002 que les partis au Québec se dotent, dans les circonscriptions ou dans les districts municipaux, de comités de recrutement composés à part égale de femmes ou d’hommes. Une autre solution consisterait à inscrire dans les statuts du parti l’obligation des exécutifs locaux de se montrer sensibles à la diversité selon le sexe. 

Certaines initiatives gouvernementales 

Nous avons mentionné déjà à quelques reprises le nom du Conseil du statut de la femme (CSF). Il s’agit d’un organisme public et indépendant qui exerce un rôle conseil auprès du gouvernement du Québec sur toute question ayant trait à l’égalité et au respect des droits et du statut des femmes. Ce conseil consultatif a été créé par une loi de l’Assemblée nationale, en 1973. 

Dans son plan stratégique 2001-2005, le CSF note qu’une part grandissante des décisions modifiant les conditions de vie des femmes est prise à l’échelle locale et régionale, compte tenu du mouvement de régionalisation qui a été amorcé depuis quelques années au Québec. Or, la présence des femmes dans les instances politiques municipales demeure timide. 

Le CSF croit donc souhaitable de relancer le débat autour de l’importance d’une représentation égalitaire des femmes et des hommes dans les lieux de pouvoir. Le Conseil croit également utile de bien évaluer la question de la parité, dans le contexte québécois. Il veut aussi sensibiliser et préparer les femmes, et plus particulièrement les jeunes femmes, à l’importance d’occuper les lieux de pouvoir, et ce, par des campagnes d’information. 

Un autre organisme public, le Secrétariat à la condition féminine (SCF), a pour mission de soutenir le développement et la cohérence des actions gouvernementales en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le Secrétariat est dirigé par la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine et il relève du premier ministre. 

En 1995, le document de consultation Décentralisation, un choix de société a réitéré l’importance d’associer les femmes à l’exercice du pouvoir. Cette volonté a été réaffirmée en 1997 dans la politique gouvernementale en matière de condition féminine qui s’intitule Un avenir à partager. Une orientation de cette politique, préparée par le Secrétariat à la condition féminine, portait sur la place des femmes dans le développement des régions du Québec. Cette politique gouvernementale s’est traduite, en 1999, par le lancement du programme À égalité pour décider

Ce dernier vise à accroître le nombre de femmes dans les postes de décision des instances locales et régionales. Il soutient donc les organismes sans but lucratif ou les conseils de bande autochtone dans la conception et la réalisation de « projets porteurs de résultats et orientés vers l’action sur le terrain ». 

Les projets doivent viser l’un ou l’autre des objectifs suivants : 

  • faciliter et promouvoir l’accès des femmes aux postes de décision de tous niveaux; 
  • augmenter les bassins de candidatures de femmes à ces postes; 
  • préparer les femmes à occuper ces postes et les former à cette fin; 
  • favoriser le maintien de ces femmes dans ces postes; 
  • susciter l’action des instances visées en vue d’une répartition équitable des postes de décision entre les femmes et les hommes. 

À égalité pour décider peut couvrir jusqu’à 80 % des coûts d’un projet, jusqu’à concurrence de 40 000 $ par année par projet. Le programme est en vigueur jusqu’en 2008 et il est doté de crédits annuels d’un million de dollars. 

En décembre 2004, le gouvernement du Québec a déposé à l’Assemblée nationale un avant-projet de loi remplaçant l’actuelle Loi électorale qui inclut des mesures incitatives pour augmenter la proportion de femmes à l’Assemblée nationale. 

Cet avant-projet de loi propose donc d’augmenter l’allocation versée aux partis politiques par le Directeur général des élections en proportion du nombre de candidates présentées par chaque parti lors des élections précédentes. Ainsi, un parti qui a présenté 30 à 34 % de candidates lors des élections précédentes verrait son allocation majorée de 5 %. Pour 35 à 39 % de candidatures féminines, l’augmentation serait de 10 % et, pour plus de 40 % de candidatures féminines, elle atteindrait 15 %. 

En vue des élections générales du 14 avril 2003, l’Action démocratique du Québec avait présenté 32 candidates sur 125 candidats, soit 26 %; le Parti libéral du Québec, 35 candidates sur 125, soit 28 % et enfin, le Parti Québécois, 43 candidates sur 125, ou 34 %. Si les règles proposées avaient été en vigueur, le Parti Québécois aurait donc vu son allocation augmenter de 5 %. 

L’avant-projet de loi propose aussi de majorer le remboursement des dépenses d’une candidate, toujours en fonction du nombre de femmes présentées. 

Ces mesures seraient de nature temporaire. Elles prendraient donc fin avec l’atteinte d’une part de 50 % des sièges à l’Assemblée nationale détenues par des femmes (il s’agit de l’article 710 de l’avant-projet de loi). 

En plus de remplacer la Loi électorale, l’avant-projet de loi propose également de changer le mode de scrutin en vigueur au Québec par un nouveau système électoral, la « proportionnelle mixte ». 

Le Québec utilise toujours le système majoritaire uninominal à un tour (autrement dit, le SMUT). Depuis la fin des années 1960, ce système électoral a fait l’objet d’une remise en question à quelques reprises, surtout en raison des distorsions produites lors de certaines élections, plus particulièrement à l’élection générale du 30 novembre 1998. Lors de cette élection, le parti arrivé premier au chapitre des suffrages a, malgré tout, obtenu moins de sièges que celui a terminé deuxième. 

En décembre 2001, la Commission permanente des institutions de l’Assemblée nationale a entrepris de réévaluer le mode de scrutin majoritaire et d’étudier des solutions de rechange. Durant l’automne 2002, les citoyens ont été invités à présenter un mémoire ou à transmettre leur opinion par le site Internet de l’Assemblée nationale. La majorité des personnes ayant soumis un mémoire ou une opinion ont appuyé le principe de la représentation proportionnelle. 

Quelques citoyens et groupes ont transmis, à la Commission permanente des institutions, un mémoire abordant la représentation des femmes. Le principal mémoire sur ce thème provenait d’un organisme créé en 2001, le Collectif féminisme et démocratie. Appuyé par la Fédération des femmes du Québec, Féminisme et démocratie a recommandé l’instauration d’un système mixte compensatoire, comprenant 74 sièges attribués à la proportionnelle de liste, ainsi que 51 sièges « indépendants des partis », attribués à chacune des 17 régions administratives du Québec, selon un mode majoritaire préférentiel. 

Notes 

1. Union interparlementaire, Symposium interparlementaire sur la participation des femmes au processus de prise de décision dans la vie politique et parlementaire – rapports et conclusions, Genève, 1989, p. 71, « Rapport et Documents », no 16. 

2. Commission des Communautés européennes, Femmes et hommes d’Europe aujourd’hui — Les attitudes devant l’Europe et la politique, Service information femmes, Direction générale Audiovisuel, information, communication, culture, 1991, p. 7. 

3. Voir Manon Tremblay et Réjean Pelletier, Que font-elles en politique?, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1995, p. 251-252. 

4. Julie Ballington et Marie-José Protais (dir.), Les Femmes au parlement : Au-delà du nombre, Stockholm, International Institute for Democracy and Electoral Assistance, 2002, p. 107-108, « Manuels ». 

5. Lucie Desrochers, Pour une réelle démocratie de représentation — Avis sur l’accès des femmes dans les structures officielles de pouvoir, Québec, Conseil du statut de la femme, avril 1994, p. 8. Mentionné dans Anne Quéniart et Julie Jacques, Apolitiques, les jeunes femmes?, Montréal, Les Éditions du remue-ménage, 2004, p. 57. 

6. Évelyne Tardy, Premiers résultats — Enquête sur les différences de genre dans le militantisme politique (PQ et PLQ), Montréal, UQAM, Faculté de science politique et de droit, décembre 2000, p. 69. 


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 28 no 4
2005






Dernière mise à jour : 2020-09-14