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Projets de réforme électorale au Québec, à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick
Howard Cody

Sous l'impulsion du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et du Québec, plusieurs provinces envisagent de passer d'un scrutin majoritaire uninominal (SMU) à un système proportionnel à députation mixte (PDM). Avec, en arrière-plan, l'expérience acquise par la Nouvelle-Zélande au cours des neuf années d'application de la PDM dans son parlement de style britannique, le présent article examine les nombreux visages que ce système pourrait prendre au Canada. L'auteur se penche ensuite sur la transition à la PDM effectuée en Nouvelle-Zélande pour déterminer jusqu'à quel point ce système pourrait permettre de combler les attentes de ses partisans dans les provinces canadiennes et à la Chambre des communes. 

Il se peut que la réforme électorale soit sur sa lancée dans plusieurs provinces. Peu de Canadiens connaissent vraiment d'autres systèmes électoraux que le scrutin majoritaire uninominal à un tour (SMU). Toutefois, mis à part le nouveau système donquichottesque caressé par la Colombie-Britannique, les Canadiens pourraient bientôt devoir se pencher sur plusieurs systèmes de représentation proportionnelle (RP). En effet, trois provinces – le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et le Québec (et peut-être même l'Ontario) – envisagent une variante de la proportionnelle à députation mixte (PDM), où certains députés sont élus dans des circonscriptions individuelles tandis que d'autres sont désignés à partir de listes établies par les partis. Nous allons donc examiner la situation dans ces trois provinces à la lumière de l'expérience vécue par la Nouvelle-Zélande au cours des neuf dernières années, soit depuis l'adoption d'un système électoral fondé sur une variante de la PDM et inspiré d'un modèle qui a fait ses preuves en Allemagne depuis un demi-siècle. 

Facteurs à prendre en compte lors de la conception d'un système fondé sur la PDM 

Le premier facteur à considérer est celui de la légitimité démocratique. Comment les provinces se proposent-elles, à titre individuel, de concevoir et de mettre en œuvre leur nouveau système électoral? Ont elles l'intention de tenir des consultations publiques et un référendum pour donner au nouveau système toute la légitimité voulue afin de survivre aux premières crises? L'expérience récente en Colombie- Britannique montre comment un seuil fixé à la supermajorité peut rendre plus difficile l'adoption d'une réforme électorale lors d'un référendum. 

La Nouvelle-Zélande avait établi une commission royale qui avait proposé la PDM. Puis, on a tenu deux référendums, le deuxième se révélant un second tour pour choisir à la majorité simple entre la PDM et le SMU. La PDM a été choisie par 54 p. 100 des gens et est entrée en vigueur en 1996. Pour leur part, le Nouveau-Brunswick et l'Île du Prince Édouard ont eu recours à des commissions indépendantes pour formuler des propositions après une consultation limitée du public. L'Î.-P.-É. en est rendue à une deuxième commission qui a été chargée de mener une campagne d'information publique et d'établir les détails de la PDM. Au Québec, le ministre responsable de la réforme des institutions démocratiques a présenté son plan dans un projet de loi soumis à l'Assemblée nationale. Le Nouveau-Brunswick et l'Î.-P.-É. se sont engagés à tenir des référendums, probablement à la majorité simple, sur un projet précis. Ces deux provinces n'ont pas précisé si elles exigeraient un appui supérieur à 50 p. 100 pour mettre en œuvre la PDM. Au Québec, aucun référendum n'a été promis, mais un comité législatif tiendra des consultations sur la proposition gouvernementale. 

Un second facteur à prendre en considération relativement aux projets de PDM concerne la répartition des sièges entre les députés élus dans les circonscriptions et les députés désignés à partir des listes. Combien de sièges seront réservés à ces deux types de députés et comment seront ils répartis dans la province? 

La Nouvelle-Zélande a recours à une circonscription unique pour les députés désignés à partir des listes. À l'heure actuelle, 69 députés sont élus dans les circonscriptions, et 51 à partir des listes. Comme au Canada, le nombre de circonscriptions augmente régulièrement afin de tenir compte des changements démographiques. Le total demeure à 120. Le Nouveau- Brunswick propose 36 députés de circonscription qui seraient complétés par 20 députés de liste, et la formation de quatre régions, ce qui donnerait neuf députés de circonscription et cinq députés de liste par région. La première commission établie par l'Î.-P.-É. recommandait 21 députés de circonscription et 10 députés de liste, ces derniers étant, de préférence, choisis à partir de listes uniques établies pour l'ensemble de la province. Le Québec propose 75 circonscriptions et 50 députés de listes, et peut-être 27 régions. La plupart des régions éliraient directement trois députés de circonscription et indirectement deux députés à partir des listes. 

Une autre question concerne la sélection des candidats figurant sur les listes des partis à partir de listes ouvertes ou fermées. Les électeurs pourront ils choisir les candidats figurant sur les listes des partis à l'occasion d'élections primaires? Lors des élections, pourront ils choisir entre les divers candidats figurant sur la liste du parti, ou devront ils accepter l'ordre où ces candidats apparaissent sur le bulletin? La Nouvelle-Zélande a opté pour des listes fermées établies par des comités formés par les partis. Il n'y a aucune élection primaire. Les trois provinces privilégient cette solution aussi. 

Il faut aussi examiner la question du pourcentage minimal des voix requis de chaque parti pour obtenir des sièges proportionnels. En Nouvelle-Zélande, on accorde des députés aux partis qui ont recueilli 5 p. 100 des voix ou qui ont fait élire un député de circonscription dans l'ensemble du pays. Le Nouveau-Brunswick propose un minimum de 6 p. 100 des voix de chaque région de même qu'un minimum de 5 p. 100 pour l'ensemble de la province pour avoir droit à un député de liste. L'Î.-P.-É. pourrait imposer un seuil de 7 p. 100. Au Québec, le seuil établi pour chaque région pourrait atteindre 15 p. 100. 

Combien de bulletins de vote remet-on aux électeurs? Deux, soit un pour le député de la circonscription et un pour le scrutin de liste, ou un seul, pour le député? La Nouvelle-Zélande a opté pour un scrutin à deux votes. Le Nouveau-Brunswick et l'Î.-P.-É. proposent également ces deux votes. Le Québec n'envisage qu'un seul vote. 

Les candidats pourront ils se présenter à la fois dans une circonscription et dans la liste de leur parti? La Nouvelle-Zélande le permet, le Nouveau-Brunswick s'y oppose, le Québec est en faveur et l'Î.-P.-É. n'a pas encore décidé. 

La répartition des sièges de la RP visera elle à corriger les déficiences observées concernant la représentation des voix exprimées dans les circonscriptions, ou attribuera t on ces sièges de listes de façon strictement proportionnelle? La Nouvelle-Zélande a opté pour une PDM avec correction. Toutes les formules retenues par les provinces visent également à corriger la sur  ou sous-représentation des partis dans les sièges gagnés dans les circonscriptions. 

Dans quelle mesure ces modèles permettent ils d'atteindre une proportionnalité complète pour chacun des partis? La Nouvelle-Zélande, avec un écart très faible de 69/51 entre le nombre de députés de circonscription et le nombre de députés de liste, obtient une proportionnalité assez élevée. Les projets du Nouveau-Brunswick et, en particulier, du Québec entraînent une sous représentation des petits partis en raison du pourcentage élevé des voix qui est exigé et du petit nombre de députés de liste que compte chaque région. L'Î.-P.-É. pourrait obtenir la plus forte proportionnalité avec une seule circonscription pour la proportionnelle. 

Les mythes et les réalités de la proportionnelle à députation mixte (PDM) 

Les partisans de la représentation proportionnelle font certaines allégations concernant le système actuel et la façon dont fonctionnerait la RP. Comme les promoteurs de cette formule la privilégient pour le Parlement comme pour les assemblées législatives provinciales et qu'ils souhaitent la mettre en œuvre dans les provinces en partie pour favoriser son adoption à Ottawa, nous traiterons à la fois de la scène politique fédérale et provinciale1.  

Voici donc une comparaison des allégations des partisans de la RP et de la situation actuelle en Nouvelle-Zélande, qui est déjà passée d'un SMU à une PDM dans un parlement de type britannique. 

Allégation : Les systèmes électoraux à scrutin majoritaire et les gouvernements majoritaires ne permettent pas de traiter équitablement les partis et restreignent l'exercice du pouvoir. Tous les partis méritent une représentation parlementaire correspondant le plus près possible à l'appui qu'ils ont reçu de la population dans chaque région. Les SMU entraînent des distorsions injustes dans la représentation des partis dans les régions. En déséquilibrant les caucus des partis, les SMU font en sorte qu'il est difficile et parfois impossible aux gouvernements de constituer des cabinets représentatifs des régions2. De plus, de solides freins et contrepoids à l'exécutif sont nécessaires pour imposer la reddition de comptes, garantir la transparence et éviter les gouvernements arbitraires et corrompus. Les premiers ministres du Canada bénéficient de pouvoirs beaucoup trop étendus. Ils peuvent donc, en compagnie « de courtisans minutieusement choisis », marginaliser les députés et même les ministres3. Les premiers ministres des provinces fonctionnent de la même façon. La RP limitera les pouvoirs des premiers ministres en les forçant à les partager avec leurs cabinets, leurs caucus et au moins un parti de moindre importance. 

En Nouvelle-Zélande, le seuil de 5 p. 100 ou d'au moins une circonscription entraîne la présence d'environ sept partis lors de chaque législature. Aucun n'est près de former une majorité. Même là, le public et les médias continuent à s'intéresser surtout au premier ministre. En effet, étant donné que le deuxième vote de la PDM porte sur des listes de partis la plupart du temps anonymes, son issue dépend des impressions que les chefs de parti font sur les électeurs et tous les partis privilégient donc la solidarité « avec le chef ». De plus, les premiers ministres et leur cabinets minoritaires ou de coalition obtiennent toujours essentiellement ce qu'ils veulent. Il leur faut seulement être plus patients pour faire adopter leurs lois par le Parlement. Le régionalisme ne constitue pas encore une préoccupation sérieuse en Nouvelle-Zélande. 

Allégation : Les gouvernements minoritaires et de coalition fonctionnent mieux et favorisent une reddition de comptes et une transparence parlementaires plus grandes que les gouvernements majoritaires et unipartites. La RP n'entraîne pas nécessairement la formation de coalitions instables ou des élections plus fréquentes, pas plus qu'elle n'empêche les gouvernements minoritaires ou de coalition de poser des gestes décisifs. De plus, l'absence d'une majorité unipartite favorise une évolution de la culture du Parlement qui persuade les gouvernements de remplacer les affrontements par la collégialité et le consensus entre les partis en vue de l'élaboration des diverses politiques4. Les simples députés ne peuvent imposer la reddition de comptes que lorsqu'on ne peut pas compter sur un parti majoritaire5. L'absence de toute majorité permet aux comités parlementaires de fonctionner de manière collégiale et de participer à l'élaboration des politiques. Le fait que la population soit bien informée de la tenue de négociations semi-publiques entre les partis favorise la transparence. 

La Nouvelle-Zélande n'a jamais tenu d'élections hâtives depuis l'adoption de la PDM. La solidarité avec le parti et la partisanerie, qui sont typiques des systèmes britanniques, demeurent inchangées. La culture politique, notamment la bipolarité observée dans la couverture médiatique et dans les attentes de la population, n'a pas changé non plus. Mis à part les coalitions, on n'observe aucun signe de collégialité interpartis de style allemand ou scandinave. Le premier ministre et son parti ont dominé les coalitions qui ont pris en otage les petits partis. Lorsque les partenaires de moindre importance de la coalition s'opposent aux politiques du partenaire principal, ils risquent d'être blâmés parce qu'ils créent de l'instabilité ou déclenchent une élection surprise. S'ils adoptent un ton conciliant, ils semblent inutiles et superflus. Par conséquent, les petits partis choisissent dorénavant de conserver leur identité et de ne pas former de coalitions où ils seraient récupérés. La première ministre Helen Clark gère son gouvernement minoritaire en négociant avec les petits partis sur chaque dossier. Même là, si le grand parti accède aux demandes d'un petit parti, les médias et l'opposition s'attaquent aux deux comme ils le font au Canada6. Tous les petits partis risquent donc d'être récupérés et marginalisés lorsque de grands partis s'approprient leurs politiques les plus populaires et en prennent le crédit. Certains Néo-Zélandais s'objectent à ce que le parti formant l'opposition officielle soit continuellement exclu de l'élaboration des politiques alors que les petits partis sont mis à contribution. En l'absence d'un parti majoritaire, les comités parlementaires fonctionnent de façon plus collégiale. Ils influent souvent sur les mesures législatives en proposant des amendements de fond et, parfois, ils jouent presque le rôle d'une chambre de « second examen » qui serait élue. Ils offrent également une tribune pour des négociations ouvertes entre les partis. 

Allégation : Les gouvernements minoritaires et de coalition sont plus enclins à se montrer sensibles aux désirs de la population et à lui rendre des comptes. Ces gouvernements respectent la volonté du peuple davantage que les majorités. C'est la situation idéale, puisque les responsables des orientations politiques devraient respecter l'opinion de la population continuellement et non seulement à l'approche des élections. 

En Nouvelle-Zélande, les gouvernements peuvent toujours réaliser leurs programmes sans risquer une élection hâtive. Le gouvernement travailliste de Mme Clark assume ainsi un rôle pivotant, au centre, qui lui confère beaucoup de souplesse, puisqu'il peut se tourner vers la gauche et les Verts ou encore vers la droite et le parti United Future pour obtenir les voix nécessaires à l'adoption de ses projets de loi et se conformer à l'opinion de la population. Mme Clark préfère cette approche à la formation d'une coalition à deux partis qui l'obligerait à se déplacer plus loin sur sa gauche, trop loin du milieu, la position souhaitable. Ce type de relation semi permanente peut profiter aux travaillistes comme aux petits partis. De plus, les médias et le public peuvent mieux surveiller les activités de lobbying, qui sont désormais transparentes en Nouvelle-Zélande, maintenant que plusieurs partis participent au processus d'élaboration des politiques. 

Allégation : La RP encourage un taux plus élevé de participation aux élections en convainquant les partisans de tous les partis que leur vote importe. Les partis de gauche sont ceux qui profiteront le plus de cet accroissement du taux de participation aux élections7. Les électeurs, qui peuvent voter deux fois et ainsi « partager leur vote », sont davantage incités à aller voter. La PDM peut contribuer à faire progresser un programme de réformes qui réduit « l'écart d'efficacité » et le « déficit démocratique »8

En Nouvelle-Zélande, le taux de participation a chuté aux dernières élections. À 77 p. 100 en 2002, il demeure tout de même bien supérieur aux taux canadiens. La RP a apparemment renforcé la position des partis de gauche, peut-être parce qu'elle a convaincu les électeurs de cette tendance qu'ils pourraient finalement jouer un rôle efficace9. Quelque 35 p. 100 des Néo-Zélandais partagent leurs voix. Lors de la troisième élection à l'aide de la PDM, en 2002, 38 p. 100 ont accordé leur vote partisan le plus important à un petit parti. Les Néo-Zélandais utilisent souvent leur vote dans la circonscription pour choisir un gouvernement entre les deux partis principaux. Les deux cinquièmes d'entre eux décident ensuite de leur propre coalition en choisissant un petit parti pour influer sur leur grand parti préféré. Ils votent parfois de manière stratégique pour un petit parti afin d'empêcher un autre petit parti de participer à l'élaboration des politiques. Ainsi, si nous appliquions la PDM aux résultats des dernières élections canadiennes, nous pourrions prédire de manière inexacte la répartition des députés entre les divers partis. L'expérience néo zélandaise montre qu'avec la PDM à deux voix et avec correction, les deux principaux partis au Canada pourraient faire élire moins de députés que la proportion des voix qu'ils ont obtenues dans le passé ou qu'ils obtiendront à l'avenir le laisserait supposer10

Allégation : La RP accroîtra la diversité des députés fédéraux et provinciaux au Canada. Le système politique et le pays dans son ensemble bénéficieront d'une meilleure représentation des minorités visibles (en croissance rapide au Canada) et des femmes ainsi que d'une meilleure représentation des partis dans les régions où ils ne peuvent gagner beaucoup de circonscriptions. Il se peut que les députées se butent actuellement à un « plafond invisible » avec le SMU; leur proportion, qui est de 21 p. 100, n'a pratiquement pas changé en une décennie. De plus, la RP mettra un terme à l'atmosphère de « club de vieux copains » qui règne dans les corps législatifs canadiens et épargnera aux femmes le houleux processus d'investiture, qui décourage nombre d'entre elles de se lancer en politique11. La présence d'un plus grand nombre de femmes améliorera la conduite des affaires politiques au Canada; soulignons, par exemple, l'absence manifeste des femmes dans le scandale des commandites12. La RP mettrait en outre un terme à la polarisation régionale trompeuse et nuisible qui sévit au Canada en permettant l'élection de députés fédéraux et provinciaux qui témoigneraient de l'appui dont leurs partis bénéficient dans toutes les régions et atténueraient l'aliénation des régions en faisant participer celles ci à l'élaboration des politiques d'une manière plus manifeste. 

Les femmes et les minorités néo zélandaises sont mieux représentées et jouent un rôle plus visible au Parlement que ce n'était le cas avec le SMU, principalement parce que les partis s'efforcent de les placer dans des positions enviables sur les listes. Ainsi, 28 p. 100 de femmes ont été élues en Nouvelle-Zélande en 2002. Toutefois, rien n'indique que ce gouvernement – qui est dirigé par une première ministre aussi agressive que Margaret Thatcher ou que ses homologues masculins néo zélandais – fait la promotion d'un programme plus féminin que ses prédécesseurs masculins élus à la suite d'un SMU. Un député homosexuel a bien souligné que ses collègues féminines l'acceptaient davantage (le trouvaient moins menaçant?) que ses collègues masculins. Certains Néo-Zélandais croient également que les députés écoutent et respectent davantage les femmes et les minorités lorsque celles-ci sont davantage présentes au Parlement. 

Allégation : Le public trouvera éventuellement aussi légitimes les députés de circonscription que les députés de liste. La présence de députés de liste qui n'ont pas à gagner une circonscription se révélera avantageuse pour le gouvernement ainsi que la province ou le pays en permettant que des gens qui sont meilleurs administrateurs que politiciens détiennent des postes au Cabinet sans devoir s'occuper d'une circonscription13. De plus, de nombreux députés fédéraux ou provinciaux désignés à partir de ces listes pourraient ultérieurement favoriser et légitimer un modèle de représentation non territoriale. 

En Nouvelle-Zélande, les députés de liste continuent à être considérés par la population comme des députés « de seconde classe » qui ne sont pas tout à fait légitimes sur le plan démocratique parce qu'ils ne rendent des comptes qu'aux chefs de partis et non à la population. Les députés de circonscription les considèrent de plus en plus comme leurs égaux, comme c'est le cas en Allemagne depuis des décennies. Les députés de liste néo-zélandais qui s'étaient également présentés dans une circonscription, mais sans succès, sont particulièrement méprisés. De nombreux citoyens continuent à être indignés de leur présence au Parlement et encore plus au Cabinet. Pourtant, des députés de liste respectés occupent des postes importants au Cabinet, notamment le ministre des Finances, Michael Cullen. Les députés de liste doivent pouvoir compter sur le respect de la population et une certaine légitimité représentative, étant donné, en particulier, que les députés féminins, minoritaires et des petits partis de la Nouvelle Zélande proviennent de manière disproportionnée des listes des partis. Ces partis n'ont pas encore trouvé de responsabilités particulières à confier aux députés de liste de manière à accroître leur légitimité. Beaucoup d'entre eux travaillent à des dossiers de circonscription, souvent dans les circonscriptions que leur parti juge gagnables aux prochaines élections. D'autres fournissent des services à leur propre minorité ethnique. Certains Néo-Zélandais espèrent – et d'autres craignent - que la PDM facilite la venue d'une culture où tous les députés, influencés par ceux qui ont été élus à partir des listes des partis, considéreront que la représentation peut être non territoriale comme territoriale. Ainsi, les députés féminins, homosexuels et des minorités ethniques pourraient représenter ces groupes précis et défendre leurs intérêts tout en servant également les électeurs habituels des circonscriptions. 

Conclusion 

Selon les premières expériences en Nouvelle-Zélande, l'adoption d'un système de PDM similaire ne révolutionnerait pas la politique au Canada, du moins à court terme. Il est probable que la culture de confrontation propre à la politique canadienne pourra survivre à toute réforme électorale. Il est difficile de prédire l'impact global et les répercussions à long terme de la PDM, mais ils peuvent différer de ce que ses partisans et ses opposants prédisent. Le Canada répéterait probablement l'expérience de la Nouvelle-Zélande sous certains angles et se trouverait dans une situation différente sous d'autres. L'adoption de la PDM dans certaines provinces, en particulier si des versions différentes sont mises en œuvre, pourrait clarifier toutes ces questions et aider les Canadiens à décider si cette formule ou certains aspects de celle ci se révéleraient avantageux sur la scène fédérale. On peut raisonnablement s'attendre à ce que la RP suscite la création de nouveaux partis, au moins au niveau fédéral, notamment un parti conservateur sur le plan social et économique dans l'Ouest qui se situerait plus à droite que les conservateurs et qui ferait, en quelque sorte, contrepoids aux néo démocrates. Les écologistes feraient probablement élire des députés fédéraux et provinciaux, ce qui les rendrait plus visibles et ferait connaître davantage leurs causes. D'après l'expérience néo zélandaise, les libéraux fédéraux, et peut-être aussi les conservateurs, pourraient jouer un rôle pivotant, au centre, avec la PDM. De même, les députés des minorités visibles et certains autres députés pourraient parvenir à redéfinir complètement leurs responsabilités. L'élection d'un trop faible nombre de députés des grands partis pourrait entraîner une certaine instabilité si un nombre suffisant de Canadiens profitent de l'occasion que leur fournissent les deux votes de la PDM avec correction pour établir la coalition de leur choix. Toutefois, l'expérience vécue en Nouvelle-Zélande jusqu'à maintenant montre que les Canadiens n'ont pas à craindre de conséquences terribles du passage du scrutin majoritaire uninominal à la proportionnelle à députation mixte. 

Notes 

1. Pour un bref exposé des avantages de la PDM par rapport au SMU sur la scène fédérale et provinciale, voir « The case for PR: If it's broken, fix it », The Globe and Mail, 2 mai 2005, p. A12 (éditorial). Pour connaître le principal promoteur canadien de la RP, visiter le site Web du Mouvement pour la représentation équitable au Canada, à l'adresse www.fairvotecanada.org. 

2. Louis Massicotte, « Pour une réforme du système électoral canadien », Choix, vol. 7, nº 1 (février 2001), p. 3-4. Publié par l'Institut de recherche en politiques publiques. 

3. Donald Savoie, « The Rise of Court Government in Canada », Revue canadienne de sciences politiques, XXXII, nº 4 (décembre 1999), p. 635-664. 

4. Henry Milner, « The Case for Proportional Representation in Canada », dans Henry Milner (éd.), Making Every Vote Count: Reassessing Canada's Electoral System, Peterborough, Broadview Press, 1999, p. 37-49. 

5. Pour une analyse des nouvelles possibilités qu'offrait aux simples députés l'élection d'un gouvernement minoritaire en 2004, voir J. Patrick Boyer, « Les parlementaires peuvent ils devenir de véritables intervenants? », Revue parlementaire canadienne, vol. 27, nº 3 (automne 2004), p. 4-8. 

6. Soulignons la réaction quant le premier ministre Paul Martin et le chef du Nouveau Parti démocratique, Jack Layton, sont parvenus à un accord au printemps 2005. Leur entente constitue un exemple typique du résultat de négociations menées par un gouvernement minoritaire pour former une coalition. Voir, par exemple, « Paul Martin's wasted opportunity », The Globe and Mail, 30 avril 2005, p. A20 (éditorial). 

7. Arend Lijphart cite des études transnationales établissant que l'adoption de la RP augmente le taux de participation de 9 à 12 p. 100. Cet accroissement du taux de participation avantage les partis de gauche, qui gagnent près d'un tiers de point de pourcentage pour chaque point de pourcentage d'augmentation du taux de participation. Arend Lijphart, « Unequal Participation: Democracy's Unresolved Dilemma », American Political Science Review, vol. 91, nº 1 (mars 1997), p. 5-7. 

8. Pour une vaste description d'un programme de réformes possible, voir F. Leslie Seidle, « Expanding the federal democratic reform agenda », Options politiques, vol. 25, nº 9 (octobre 2004), p. 48-53. 

9. Jonathan Boston, « Institutional Change in a Small Democracy: New Zealand's Experience of Electoral Reform ». Présenté au Groupe canadien d'étude des questions parlementaires, Ottawa, 10 juin 2000, p. 16. 

10. Ian Gray et James Gray ont réalisé deux exercices qui pourraient se révéler trompeurs, puisqu'ils ont utilisé les derniers résultats dans les circonscriptions pour démontrer les résultats que les divers partis canadiens auraient obtenus avec la PDM, « La représentation proportionnelle : le modèle écossais appliqué aux élections canadiennes de 2004 », Revue parlementaire canadienne, vol. 27, nº 3 (automne 2004), p. 19-22; et « The case for PR (4): What might have been », The Globe and Mail, 5 mai 2005, p. A20 (éditorial). 

11. Carol Goar, « Political Culture Puts off Women », Toronto Star, 4 mai 2005. 

12. Susan Delacourt, « Women Conspicuously Absent from Scandal », Toronto Star, 14 avril 2005. Cet article figure également sur le site Web d'À voix égales (www.equalvoice.ca), groupe militant en faveur de la RP. 

13. Alors qu'il n'était que simple citoyen, Stephen Harper a proposé que le Canada permette que des spécialistes qui ne sont pas des députés siègent au Cabinet comme cela se fait aux États-Unis. Stephen Harper, « One Crucial Flaw in Canadian Government is the Ineptitude of Federal Cabinets » Report Newsmagazine, 28 mai 2001, p. 13. 


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 28 no 2
2005






Dernière mise à jour : 2020-09-14