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Jacques Gagnon
L'un des trois rôles des députés est d'agir en tant que contrôleurs de
l'action gouvernementale. Dans un système parlementaire de type britannique,
et plus particulièrement à l'Assemblée nationale du Québec, de nombreux
moyens s'offrent aux élus pour s'acquitter de cette fonction. Certains
sont exercés en Chambre (par exemple lors de la période de questions ou
lors des débats de fin de séance), mais, le plus souvent, ils le sont dans
le contexte des travaux des commissions parlementaires. C'est le cas notamment
des mandats de surveillance d'un organisme public, de l'étude annuelle
des crédits ou de l'audition du Vérificateur général. Toutes les commissions
parlementaires participent à ces exercices de contrôle parlementaire. Cependant,
il existe, à l'Assemblée nationale du Québec, une commission parlementaire
spécialisée en matière de contrôle : la Commission de l'administration
publique. Cet article présente lhistoire et le fonctionnement de cette
Commission. Il démontre aussi comment le mandat de la Commission se situe
dans la continuité des formes de contrôle à l'Assemblée nationale, mais
aussi en quoi la Commission représente une innovation et une expérience
originale à bien des égards.
La plupart des parlements de type britannique confient un mandat central
de contrôle parlementaire à une commission des comptes publics dont le
rôle essentiel est de s'assurer du bon usage, par les ministères et organismes
publics, des crédits budgétaires votés par les députés1.
Dès 1867, le Québec possédait une telle commission. Après une quarantaine
d'années d'activités régulières, le Comité des comptes publics est resté
inactif plusieurs années avant que Maurice Duplessis, alors chef de l'opposition
officielle, l'utilise pour talonner l'administration libérale et provoquer
les élections de 1936. Devenu premier ministre, Duplessis poursuivit, jusqu'en
1939, les enquêtes amorcées concernant l'utilisation des fonds publics.
Par la suite, sous le gouvernement libéral de Godbout, puis sous le long
règne unioniste de Duplessis, le comité, tout en existant encore officiellement,
ne tint aucune séance. Il fallut attendre en 1963 pour voir le comité reprendre
ses activités.
En 1969, l'Assemblée créait une nouvelle commission parlementaire : la Commission
des engagements financiers2. Celle-ci était chargée de la vérification
des engagements financiers, c'est-à-dire des dépenses autorisées, mais
non encore effectuées. L'objectif était d'exercer un contrôle financier
au fur et à mesure que les décisions sur l'usage des fonds publics étaient
prises. Il s'agissait là d'une fonction unique dans le monde du parlementarisme
de type britannique. Encore aujourd'hui, le Québec se distingue à cet égard.
La Commission des comptes publics était cependant ainsi reléguée au second
plan.
Autre événement marquant pour le contrôle parlementaire, en 1970, le Vérificateur
général du Québec était rattaché à l'Assemblée nationale et ses fonctions
limitées à la vérification après paiement. Son rôle allait devenir incontournable
dans la vérification du respect des conventions comptables, de la régularité
des dépenses et de l'efficacité de la gestion gouvernementale.
En 1972, une réorganisation des commissions parlementaires abolissait la
Commission des comptes publics et son mandat d'examiner les comptes et
de surveiller l'usage des deniers publics. Par contre, l'une des commissions
permanentes couvrait désormais le champ des finances, des comptes publics
et du revenu3. Elle avait notamment pour tâche d'entendre chaque année
le Vérificateur général au sujet de son rapport annuel.
En 1984, une réforme parlementaire supprimait la commission des finances
et des comptes publics et confiait le mandat d'examiner l'évolution du
budget et des finances publiques à la Commission du budget et de l'administration
et le mandat d'entendre le Vérificateur général à la Commission de l'Assemblée
nationale. Cependant, la Commission du budget et de l'administration, à
l'initiative de son président d'alors, Jean-Guy Lemieux, obtenait en 1987
une délégation pour recevoir annuellement le Vérificateur général. Il fallut
toutefois attendre la Loi sur la réduction du personnel dans les organismes
publics et l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes
publics4, en 1993, pour que les hauts fonctionnaires puissent être convoqués
par les commissions parlementaires afin d'examiner leur gestion lorsque
le rapport du Vérificateur général en traite. La responsabilité à cet égard
était alors répartie entre les commissions sectorielles en fonction de
leur champ de compétences respectif. Il en allait de même de la responsabilité
de vérifier les engagements financiers.
Par la suite, l'idée de confier un mandat horizontal d'examen de la gestion
gouvernementale s'est de nouveau imposée et a mené à la création, sur une
base expérimentale, de la Commission de l'administration publique le 10
avril 1997. Celle-ci est devenue permanente cinq mois plus tard à la faveur
d'amendements au Règlement de l'Assemblée nationale. C'est à la Commission
de l'administration publique qu'il revenait dorénavant d'entendre le Vérificateur
général sur son rapport annuel et d'examiner, en présence des sous-ministres
et des dirigeants d'organismes, les différents dossiers contenus dans ce
rapport. Par contre, la Commission des finances publiques, qui a succédé
à la Commission du budget et de l'administration, conservait le mandat
d'étudier la politique budgétaire du gouvernement et les comptes publics.
La Loi sur l'administration publique, adoptée en 2000, a par ailleurs instauré
de nouveaux mécanismes de reddition de comptes dans le cadre d'une politique
de gestion axée sur les résultats. Comme nous le verrons plus loin, la
Commission de l'administration publique a un rôle important à jouer dans
ce domaine, étant toujours celle compétente pour entendre les sous-ministres
et les dirigeants d'organismes sur leur gestion.
Mandat
Le Règlement de l'Assemblée nationale confie trois fonctions principales
à la Commission de l'administration publique, en plus de pouvoir lui déléguer
l'étude de toute autre matière5.
Vérification des engagements financiers des ministères
En 1997, le mandat de vérification des engagements financiers a de nouveau
été confié à une seule commission spécialisée, c'est-à-dire à la Commission
de l'administration publique naissante. Traditionnellement, une séance
de vérification des engagements financiers se déroulait toujours en présence
du ministre. Après des remarques préliminaires, la Commission procédait
généralement de manière chronologique à l'examen en questionnant le ministre.
Les parlementaires déclaraient les engagements vérifiés au fur et à mesure
que les listes mensuelles étaient examinées. En mars 2004, dans un effort
de rattrapage important et pour rendre l'exercice plus efficace, la Commission
a réformé en profondeur son mode de fonctionnement et ses outils de travail.
Régulièrement, la Commission tient une séance de travail pour étudier les
engagements financiers récents. Elle adresse ensuite ses demandes de renseignements
supplémentaires par écrit aux ministères concernés. L'audition d'un ministre
n'est pas exclue du processus de vérification, mais la Commission n'entend
y recourir que si les renseignements obtenus ne l'éclairent pas suffisamment,
ou si la situation justifie une audition (par exemple s'il y a un grand
nombre de questions).
Audition du Vérificateur général sur son rapport annuel à l'Assemblée nationale
Le mandat d'entendre le Vérificateur général sur son rapport annuel est
en quelque sorte la raison fondamentale de la naissance de la Commission
de l'administration publique. C'est en effet pour s'assurer que le Vérificateur
général ait l'occasion de présenter aux parlementaires le contenu de son
rapport annuel à l'Assemblée nationale que cette tâche a été confiée à
une commission spécialisée. En outre, en vertu de la Loi sur l'imputabilité
des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, la Commission
de l'administration publique a le loisir d'examiner plus en détail les
chapitres du rapport annuel et de tenir des auditions pour questionner
les sous-ministres et les dirigeants sur leur gestion.
La Commission examine aussi annuellement le propre rapport annuel de gestion
du Vérificateur général et vérifie ses engagements financiers. Cet exercice
lui permet de discuter de la façon dont le Vérificateur général s'acquitte
de son mandat, des difficultés qu'il éprouve et de l'utilisation des ressources
qui lui sont confiées. À titre d'exemple, au cours de la 36e législature,
les membres de la Commission ont pu débattre des modifications législatives
au mandat du Vérificateur général et faire part de leurs conclusions à
cet égard6.
Audition des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics pour
discuter de leur gestion
L'introduction du principe de reddition de comptes directe devant les parlementaires
des sous-ministres et des dirigeants d'organismes sur leur gestion remonte
à la Loi sur la réduction du personnel dans les organismes publics et l'imputabilité
des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, adoptée en juin
1993. Les dispositions à l'égard de l'imputabilité sont demeurées les mêmes
lorsque la Loi a été amendée en 1995 pour devenir la Loi sur l'imputabilité
des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics. Essentiellement,
la Loi prévoit que la commission parlementaire compétente de l'Assemblée
nationale doit entendre au moins une fois par année le sous-ministre ou
le dirigeant d'organisme afin de discuter de sa gestion ou de toute autre
matière signalée dans un rapport du Vérificateur général ou du Protecteur
du citoyen.
La Loi sur l'administration publique, adoptée en 2000, a consacré ce principe
de reddition de comptes, en a précisé l'objet et étendu la portée7. Ainsi,
en mars 2004, un total de 79 ministères et organismes étaient assujettis
aux dispositions de la Loi portant notamment sur la reddition de comptes
devant les parlementaires. En commission parlementaire, les discussions
peuvent porter sur la déclaration de services aux citoyens, les résultats
obtenus par rapport aux aspects administratifs du plan stratégique ou du
plan annuel de gestion des dépenses ainsi que sur toute autre matière de
nature administrative signalée dans un rapport du Vérificateur général
ou du Protecteur du citoyen. La Loi prévoit une audition de l'ensemble
des sous-ministres et des dirigeants d'organismes au moins une fois par
année.
Dans les faits, depuis sa création, la Commission de l'administration publique
a planifié ses travaux en fonction de la parution des deux tomes du rapport
annuel du Vérificateur général du Québec. Chacune des parutions donne lieu
à la tenue de séances de travail et de séances publiques portant sur les
différents sujets signalés dans le rapport. Quant à l'examen des documents
et résultats découlant de la Loi sur l'administration publique, comme nous
le verrons plus loin, la Commission a tout juste commencé à s'en saisir.
Fonctionnement
Dès les premières expériences d'application de la Loi sur l'imputabilité
des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, la Commission
du budget et de l'administration puis la Commission de l'administration
publique ont adopté un comportement non partisan pour traiter les questions
administratives.
Pour favoriser le plus possible un tel comportement dans le traitement
des dossiers, les membres de la Commission8 font porter leurs travaux essentiellement
sur l'examen de la gestion plutôt que sur les choix politiques ou sur leur
pertinence. Les membres de la Commission ont très souvent souligné ce climat
de coopération et mentionné son utilité pour réaliser de manière constructive
leur mandat de contrôle parlementaire9.
La disposition physique des lieux où se tiennent les séances de la Commission
de l'administration publique, ainsi que le mode de gestion relativement
souple des débats, notamment quant à l'alternance et au temps de parole,
confèrent à la Commission une personnalité différente de celles des autres
commissions parlementaires. Enfin, la Commission jouit d'une grande autonomie
dans le choix des mandats qu'elle entreprend. En effet, bien que la possibilité
soit prévue au règlement, l'Assemblée ne lui confie généralement pas de
mandat.
À titre de membres d'une commission parlementaire qui s'apparente à un
comité des comptes publics, le président et le vice-président de la Commission
de l'administration publique participent d'office à l'assemblée annuelle
du Conseil canadien des comités des comptes publics. Le Conseil regroupe
les comités des comptes publics des provinces canadiennes ainsi que le
comité de la Chambre des communes. Ses objectifs sont de faciliter les
échanges d'informations et d'opinions au sujet du mandat des comités, d'améliorer
leur performance, de rendre plus efficace la collaboration avec les vérificateurs
législatifs et d'informer les élus, la presse et le grand public sur le
mandat et les activités des comités des comptes publics11.
Réalisations et défis
Il n'est pas simple d'essayer de mesurer les impacts qu'a pu avoir la Commission
de l'administration publique. En particulier, dans une telle entreprise,
il faudrait distinguer sur quel élément l'évaluation devrait porter. Par
exemple, veut-on traiter des impacts de la Commission sur la qualité de
la gestion gouvernementale, sur le travail de contrôle des députés, sur
les perceptions de la population? Une telle évaluation exigerait un travail
systématique de cueillette d'information et d'analyse qui n'a pas encore
été fait. Néanmoins, nous pouvons quand même tirer certains enseignements
des premières années d'activité de la Commission.
Il est d'abord évident que les activités de la Commission de l'administration
publique ont accru la portée du rapport annuel du Vérificateur général.
Ce mouvement avait d'ailleurs déjà été amorcé par la Commission du budget
et de l'administration au milieu des années quatre-vingt-dix. Le dépôt
à lAssemblée du rapport annuel du Vérificateur général fait l'objet d'une
attention particulière des médias lors de sa publication, notamment parce
qu'il donne lieu à une conférence de presse. Dans le passé, c'était souvent
le seul moment où ce rapport avait une quelconque visibilité. La réalisation
du mandat de la Commission de l'administration publique permet de maintenir
cet intérêt au-delà du lancement du rapport. En effet, au fil de ses auditions,
la Commission utilise les éléments publiés par le Vérificateur général
et a recours à ses services pour bien se préparer à exercer son rôle de
contrôleur des actes du gouvernement. En outre, les auditions sont publiques
et les journalistes traitent régulièrement des débats qui s'y déroulent.
En plus d'accorder une visibilité accrue aux travaux du vérificateur législatif,
les activités de la Commission permettent évidemment d'en approfondir l'analyse
en séance de travail préparatoire et en séance publique.
Il est également intéressant de constater que les auditions de la Commission
de l'administration publique ont souvent été l'occasion pour les ministères
et organismes interpellés de rendre public un plan d'action pour répondre
aux lacunes signalées par le Vérificateur général12. Il faut voir dans
la publication de ces plans d'action, à ce moment précis, plus qu'une simple
coïncidence. Les activités de la Commission ont sûrement contribué à inciter
plus fortement les gestionnaires à mettre en place des mesures correctrices
répondant aux recommandations du Vérificateur général. Dans le même esprit,
les recommandations contenues dans les rapports de la Commission, publiés
semestriellement, accentuent la pression sur les ministères et organismes
impliqués.
L'impact sur la fonction de contrôle est évident. La Commission de l'administration
publique a créé un lieu privilégié où peut s'exercer l'imputabilité des
sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics. Bien sûr, cette
reddition de comptes peut se faire devant les commissions parlementaires
sectorielles, mais celles-ci ne peuvent y consacrer qu'un temps réduit
en raison de leurs autres mandats, notamment ceux d'étude des projets de
loi. Une commission spécialisée comme celle de l'administration publique
a donc un impact certain sur le temps consacré par les parlementaires à
la fonction de contrôle.
Les ministères et les organismes eux-mêmes ne font pas que subir les exercices
de reddition de comptes qui se déroulent devant la Commission de l'administration
publique, ils en retirent des bénéfices. Ainsi, la comparution devant la
Commission permet aux organisations de faire le point sur leurs programmes
et de bien les expliquer aux députés. Elle offre également l'occasion de
présenter les « bons coups » de l'organisation, ce qui complète la vision
dégagée par le Vérificateur général. Enfin, le ministère ou l'organisme
peut trouver, au sein de la Commission, des alliés objectifs pour la défense
de son action et l'amélioration de ses services13.
Enfin, pour les parlementaires eux-mêmes, certains impacts bénéfiques découlent
des travaux de la Commission. Ils y trouvent évidemment une occasion de
mieux connaître, dans le détail, le fonctionnement des organisations et
des programmes en allant au-delà des questions politiques. En outre, ce
lieu d'échanges facilite les rapports ultérieurs du député avec le ministre
ou l'administration. Les informations que les députés acquièrent dans le
cadre des travaux de la Commission peuvent par ailleurs leur être utiles
dans d'autres facettes de leur travail, notamment lors de l'étude de la
législation. L'une des réalisations importantes de la Commission de l'administration
publique, ayant contribué puissamment à établir sa crédibilité, a sûrement
été d'avoir conservé l'accent sur la gestion dans tous ses débats. Les
députés ont toujours su s'imposer la discipline d'éviter les discussions
sur les aspects politiques des dossiers traités, même si la frontière entre
les questions administratives et politiques est parfois mince.
Défis
Ces huit années d'existence de la Commission de l'administration publique
sont suffisamment riches d'enseignements pour permettre de tirer certaines
conclusions sur les défis à relever.
L'un des irritants dans l'organisation des travaux de la Commission concerne
les difficultés à planifier les séances dans l'ensemble des activités parlementaires.
En effet, selon le Règlement de l'Assemblée nationale (article 146), un
mandat confié à une commission par l'Assemblée est prioritaire. C'est donc
dire que les mandats d'imputabilité de la Commission de l'administration
publique sont susceptibles d'être annulés ou reportés lorsqu'il y a un
conflit d'horaire avec les travaux prioritaires des autres commissions.
Dans les faits, compte tenu des contraintes du règlement, reports et annulations
se sont souvent produits dans l'histoire de la Commission, soulevant parfois
l'irritation des membres. C'est pourquoi la Commission a privilégié, dans
la mesure du possible, la tenue de ses séances entre les périodes de travaux
de l'Assemblée. Se pose cependant toujours pour la Commission de l'administration
publique, le défi de dégager un espace de travail suffisant pour accomplir
son mandat. Certaines modifications souhaitées au règlement de l'Assemblée
nationale pour répondre aux exigences de la Loi sur l'administration publique
pourraient répondre à ce besoin14.
Un autre défi majeur pour la Commission est de compléter son action en
matière d'imputabilité, en particulier dans l'analyse du rapport annuel
du Vérificateur général, par un meilleur suivi de ses travaux. Au cours
de ses premières années d'existence, la Commission s'est d'abord attachée
à utiliser pleinement les analyses du Vérificateur général. Régulièrement,
la Commission a jugé bon d'inclure, dans ses rapports semestriels sur l'imputabilité,
des recommandations adressées aux ministères et aux organismes. Il était
en effet prioritaire de réaliser ces premiers pas en matière d'imputabilité.
Or, après avoir bien établi son action en ce domaine, il conviendrait maintenant
de faire un pas supplémentaire et d'assurer un suivi plus serré des dossiers.
La Commission pourrait en tirer des enseignements utiles pour l'orientation
de ses travaux et la formulation de ses recommandations. En outre, la Commission
devra prendre en considération de façon plus régulière les suivis que le
Vérificateur général réalise lui-même de ses vérifications de l'optimisation
des ressources quelques années après ses travaux.
Le principal défi à court terme est certainement de voir à la pleine réalisation
des obligations de la Loi sur l'administration publique. Par son article
29, cette loi confie une responsabilité importante aux parlementaires.
C'est en effet devant la commission parlementaire compétente de l'Assemblée
nationale que les sous-ministres et dirigeants d'organismes publics doivent
rendre compte des résultats obtenus en regard des objectifs de la planification
stratégique, du plan annuel de gestion des dépenses et de la déclaration
de services aux citoyens. La Loi fait notamment en sorte qu'environ 80
rapports annuels de gestion sont déposés chaque année à l'Assemblée nationale.
Les premiers l'ont été en 2002. Ce n'est cependant qu'à l'automne 2003
que les premiers travaux d'examen de ces rapports annuels ont été entrepris,
sur une base encore expérimentale, par la Commission de l'administration
publique. Des conclusions utiles ont été tirées de ces expériences. Des
suites seront toutefois nécessaires afin que ce mandat parlementaire puisse
se réaliser de la manière la plus complète et la plus efficace possible.
À cet égard, une grande partie des changements nécessaires sont de la responsabilité
de l'Assemblée nationale, par des modifications à son Règlement, ou du
gouvernement, par des amendements à la Loi sur l'administration publique15.
Un quatrième défi concerne l'examen du rapport annuel du Vérificateur général.
La Commission de l'administration publique, depuis sa création, a toujours
eu comme orientation de couvrir le plus possible l'ensemble du rapport
annuel du Vérificateur général. Or, il existe une facette de ce rapport
qui n'a pas été examinée jusqu'à maintenant. Il s'agit du rapport concernant
la vérification des états financiers consolidés du gouvernement du Québec.
La Commission a toutefois franchi un premier pas à cet égard en février
2004 et en mars 2005 avec la tenue d'une séance de travail avec l'équipe
du Vérificateur général pour prendre connaissance de ses commentaires sur
la vérification des états financiers. Éventuellement, les parlementaires
pourraient aller plus loin et tenir des auditions publiques sur ces états
financiers. Dans ce cas particulier, le champ de compétence de la Commission
de l'administration publique recoupe cependant, dans une certaine mesure,
celui de la Commission des finances publiques (examen des comptes publics).
Le dernier défi qui confronte la Commission de l'administration publique
concerne l'exercice de son rôle de guide auprès des autres commissions
parlementaires. Ce rôle touche d'abord l'action des commissions en matière
d'imputabilité. Pour créer ou maintenir l'élan quant à la gestion axée
sur les résultats dans l'administration publique, la Commission doit contribuer
à un partage, par toutes les commissions, d'une approche commune dans l'exécution
de ces travaux. Cette approche doit être axée sur l'examen de la gestion
et sur l'analyse rigoureuse des indicateurs de performance. Le rôle de
guide signifie également le partage d'un certain nombre de pratiques en
matière de contrôle parlementaire (approche non partisane, tenue de séances
de travail avant et après l'audition, dépôt d'un rapport unanime incluant
des recommandations).
Conclusion
La Commission de l'administration publique apparaît clairement comme l'héritière
de certaines formes de contrôle parlementaire qui avaient été assumées
par ses prédécesseurs, notamment le Comité des comptes publics et la Commission
du budget et de l'administration. À ce titre, on peut affirmer que la Commission
de l'administration publique agit dans la continuité historique du contrôle
parlementaire à l'Assemblée nationale.
Par contre, la Commission se démarque par les innovations qu'elle a apportées
dans la réalisation de ses mandats. C'est ainsi qu'elle utilise de façon
systématique tous les moyens à sa disposition pour accomplir sa tâche d'entendre
les sous-ministres et les dirigeants d'organismes publics sur leur gestion
administrative. Elle puise largement au rapport annuel du Vérificateur
général, elle recourt aux services de ce dernier pour la préparation de
ses séances, elle mobilise du personnel de recherche de l'Assemblée nationale
et elle communique ses conclusions et recommandations dans un rapport public.
La Commission a également instauré une démarche rigoureuse et non partisane
dans ses travaux. Ce faisant, elle protège sa crédibilité et sa cohésion
tout en perpétuant sa jeune tradition. Autre signe d'innovation, elle a
revu avec succès ses façons de faire en matière de vérification des engagements
financiers.
Nul doute qu'une évolution impressionnante s'est faite au cours des dix
dernières années en matière de contrôle parlementaire à l'Assemblée nationale.
La Commission de l'administration publique a certainement été au cur de
ces changements. Elle a en outre été une formidable école pour les députés
dans leur fonction de contrôleur de l'administration publique. Les défis
à venir sont cependant à la mesure du chemin parcouru. La Commission doit
notamment continuer de jouer un rôle central dans la poursuite de l'implantation
de la gestion axée sur les résultats dans l'administration publique québécoise.
Notes
1. Les grandes lignes de lhistorique dune commission des comptes publics
à lAssemblée nationale sont tirées de louvrage suivant : Jean Brien Desrochers,
« La commission parlementaire des comptes publics, Un retour à lAssemblée
nationale? », Bulletin de la Bibliothèque de lAssemblée nationale, vol.
25, no 1,
avril 1996, p. 15-20.
2. Cest en 1969 que la terminologie a été modifiée, le terme commission
remplaçant lappellation comité.
3. En 1978, la Commission permanente du revenu était créée. La Commission
des finances et des comptes publics demeurait.
4. Lois du Québec, 1993, ch. 35, Loi sur la réduction du personnel dans
les organismes publics et limputabilité des sous-ministres et des dirigeants
dorganismes publics. Cette loi a été présentée par un député du parti
ministériel, Henri-François Gautrin.
5. Assemblée nationale, Commission de ladministration publique, Guide
des membres, mai 2003.
6. Commission de ladministration publique, Huitième rapport sur limputabilité
des sous-ministres et des dirigeants dorganismes publics, Chapitre 1
Révision du mandat législatif du Vérificateur général du Québec, décembre
2001, p. 7-14.
7. L.R.Q., Loi sur ladministration publique, ch. A-6.01, art. 24-29.
8. La Commission est composée de dix membres permanents. Des membres remplaçants
ou temporaires peuvent se joindre aux travaux. À linstar des comités des
comptes publics des autres provinces canadiennes et du gouvernement fédéral,
la Commission de ladministration publique est toujours présidée par un
député de lopposition officielle tandis que la vice-présidence est assumée
par un membre du parti ministériel.
9. « Une chose qui est importante et qui a été reprise par tous ceux qui
ont discuté de ce rapport, eh bien, cest lapproche non partisane. Je
pense que cest vraiment une des commissions qui regroupe lensemble des
idées ou qui veut travailler par consensus. Et, [
] tout le monde travaille
dans lintérêt des citoyens, et je pense que cest peut-être un fleuron
de notre commission [
]. » Intervention de M. Pierre Marsan, député de Robert-Baldwin
et vice-président de la Commission de ladministration publique. Assemblée
nationale, Journal des débats, 10 mars 2004.
10. À lexemple de la Commission de ladministration publique, dautres
commissions tentent également dadopter une approche plus souple à loccasion
de certains mandats de contrôle parlementaire.
11. Site Internet du Conseil canadien des comités des comptes publics,
www.ccpac.ca.
12. Geoffrey Kelley, Le rôle des parlementaires après une reddition de
comptes, Notes pour lallocution du président de la Commission de ladministration
publique, 30 octobre 2002.
13. Ces illustrations des impacts positifs de la Commission de ladministration
publique sont tirées dune allocution présentée par le sous-ministre de
lAgriculture, des Pêcheries et de lAlimentation lors dun colloque organisé
par lÉcole nationale dadministration publique en 1999. Observatoire de
ladministration publique lENAP, Des administrateurs publics imputables?
Bilan, comparaison et prospectives, Actes du colloque du 15 avril 1999.
14. Deux projets de réformes parlementaires déposés au printemps 2004 à
lAssemblée nationale, lun par le président, lautre par le leader du
gouvernement, veulent répondre à ce défi. On y prévoit, notamment, une
augmentation du nombre de commissions pouvant siéger simultanément.
15. Commission de ladministration publique, Onzième rapport sur limputabilité
des sous-ministres et des dirigeants dorganismes publics, Annexe 1 - Les
projets pilotes de reddition de comptes en vertu de la Loi sur ladministration
publique, décembre 2003, p. 1-12.
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