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Elma Gene Isaac
Actuellement, des petits pays des Caraïbes vivent ce qui est peut-être
le moment le plus important de leur vie économique et politique. En effet,
les membres de la CARICOM sapprêtent à mettre en place un marché et une
économie uniques pour la CARICOM (MEUC), symbole et incarnation de lintégration
régionale. Le présent article portera sur lexpérience de ces pays, dont
certains comptent parmi les plus petits pour ce qui est de la superficie
et de la part du marché international. Il relatera les efforts déployés
jusquà présent par la CARICOM pour réaliser lintégration économique.
Il soutiendra que la validité de lintégration repose sur les relations
que les gouvernements peuvent établir avec leurs citoyens, que lintégration
économique en soi ne constitue pas un objectif viable et quune approche
axée sur les gens donne de la substance à lintégration, en assure la longévité
et lui gagne ladhésion des parties concernées. Enfin, lauteure soutiendra
que, si les parlements eux-mêmes veulent rester pertinents, leur rôle dans
le processus dintégration économique doit évoluer de concert avec la population
et les régions quils servent et tenir compte de leurs réalités.
Les efforts visant lintégration des pays anglophones des Caraïbes remontent
à léphémère Fédération des Antilles britanniques (regroupant 10 membres)
créée en 1958. En dépit de projets pour établir une union douanière, la
Fédération na pas accordé beaucoup dattention aux aspects économiques.
Par conséquent, aucun changement fondamental na été apporté aux relations
économiques entre les États membres.
À la suite de leffondrement de la Fédération en 1962, la coopération sest
poursuivie par lentremise de la conférence des services communs et dautres
projets conjoints, comme le Service météorologique des Caraïbes, établi
en 1963. Un événement encore plus important a été la proposition de Trinité-et-Tobago
dinstaurer une Communauté des Caraïbes formée des membres de la Fédération
en plus des Guyanes et de toutes les îles des Caraïbes. Afin de discuter
du concept, la Barbade, la Guyane britannique, la Jamaïque et Trinité-et-Tobago
ont tenu la première Conférence des chefs de gouvernement en 1963.
Le mouvement dintégration a rapidement pris de lampleur par la suite.
Entre juillet et décembre 1965, trois pays des Caraïbes ont établi, après
discussion, lAssociation de libre-échange des Caraïbes (CARIFTA), mais
en ont retardé le début des activités pour permettre à plusieurs autres
pays de se joindre à eux. Laccord de la CARIFTA est entré en vigueur en
mai 1968 et comptait quatre États membres. En mai 1971, pas moins de douze
États avaient signé laccord CARIFTA, dont les objectifs étaient les suivants :
-
promouvoir lexpansion et la diversification des échanges commerciaux dans
la région de lAssociation;
-
faire en sorte que les échanges commerciaux entre les États membres se
déroulent dans des conditions de concurrence loyale;
-
encourager le développement progressif des économies de la région;
-
favoriser le développement harmonieux et la libéralisation des échanges
commerciaux dans les Caraïbes en supprimant les obstacles à cet égard.
Laccord comportait des dispositions relatives à des questions économiques
et commerciales, comme les droits dexportation, les restrictions quantitatives,
les règles dorigine, les pratiques commerciales restrictives et le détournement
des courants commerciaux, de même que des modalités particulières pour
certains membres aux prises avec des problèmes spéciaux en matière de développement.
À lépoque, la vision des dirigeants des Caraïbes allait au-delà dune
association de libre-échange. Les chefs de gouvernement ont convenu que
la CARIFTA constituerait la première étape de la région vers létablissement
du Marché commun des Caraïbes, moyen par lequel une communauté économique
viable deviendrait réalité. En conséquence, avant la fin de 1972, les dirigeants
des Caraïbes ont pris la décision détablir la Communauté des Caraïbes
et de transformer la CARIFTA en un marché commun, partie intégrante et
fondamentale de la Communauté.
Naissance de la Communauté des Caraïbes (CARICOM)
Le Traité de Chaguaramas a créé la Communauté des Caraïbes et le Marché
commun des Caraïbes le 1er août 1973. Au départ, seuls quatre pays ont
signé le Traité, à savoir la Barbade, le Guyana, la Jamaïque et Trinité-et-Tobago,
mais, par la suite, huit autres pays des Caraïbes se sont joints à la CARICOM.
Les Bahamas, qui sont devenues le treizième membre de la Communauté en
1983, avaient choisi de ne pas se joindre au Marché commun. En 1991, la
CARICOM a accueilli ses premiers membres associés, soit les îles Vierges
britanniques et les îles Turks et Caicos, puis Anguilla en 1999, les îles
Caïmans en 2002 et les Bermudes en 2003. Le Suriname a été le premier pays
non membre du Commonwealth à se joindre à la Communauté en 1995, suivi
dHaïti en 20021.
Le premier objectif énoncé dans le Traité de Chaguaramas concerne lintégration
économique des États membres par létablissement du Marché commun, dont
les buts sont les suivants :
-
le renforcement, la coordination et la réglementation des relations économiques
et commerciales entre les États membres afin de promouvoir leur développement
rapide, harmonieux et équilibré;
-
lexpansion soutenue et lintégration continue des activités économiques,
dont les avantages doivent être partagés équitablement en tenant compte
de la nécessité doffrir des occasions spéciales aux pays moins développés;
-
la réalisation dune plus grande indépendance économique et dune efficacité
accrue des États membres dans leurs relations avec des États, des groupes
dÉtats et des entités de toute nature.
La viabilité économique ne constituait plus le seul dessein de lintégration.
En effet, le Traité contenait également des dispositions visant la coopération
fonctionnelle sur les plans suivants : lorganisation efficace dactivités
et de services communs utiles aux populations de la Communauté; la promotion
dune meilleure compréhension entre ses populations et la promotion de
leur développement social, culturel et technologique; des activités dans
des secteurs comme la santé, léducation et la formation, la culture, la
situation des femmes dans la société des Caraïbes, ladministration du
travail, les relations industrielles et la sécurité sociale.
Ainsi, pour la première fois depuis le début du mouvement dintégration,
les aspirations et le bien-être des populations de la région représentaient
un facteur suffisamment important pour justifier quon sy arrête intrinsèquement
et nétaient pas simplement un sous-produit du développement économique.
La création des institutions de la Communauté était conforme à cette nouvelle
orientation, comme le prévoyait le Traité, et comprenait une Conférence
des ministres responsables de la santé ainsi que des comités permanents
de ministres responsables de léducation et du travail.
En juillet 1989, les chefs de gouvernement ont terminé leur réunion en
adoptant la Déclaration de Grande Anse, qui énonçait plusieurs objectifs
que la région devait atteindre en préparant ses populations au XXIe siècle,
notamment létablissement, dans les plus brefs délais, dun marché et dune
économie uniques pour la Communauté des Caraïbes. À Grande Anse, les chefs
de gouvernement ont reconnu que lavenir de la région ne dépendait pas
seulement du développement économique et ils ont placé la population au
cur du processus de développement.
Les dirigeants ont mis sur pied la Commission indépendante des Antilles,
formée de personnalités éminentes des Antilles et chargée de mener des
consultations auprès de dirigeants, denseignants, décrivains, dintellectuels,
dartistes créateurs, dhommes daffaires, de sportifs, de syndiqués, dorganismes
religieux et dautres organismes communautaires, alors que la Communauté
se préparait à relever les défis du XXIe siècle. Le rapport de la Commission,
intitulé Time for Action, est riche en idées nouvelles pour favoriser latteinte
des objectifs de la Communauté.
Nouvelles structures de gouvernance
Lors de la Déclaration de Grande Anse, les chefs de gouvernement ont aussi
convenu de créer lAssemblée des parlementaires des Caraïbes (APC). Conçue
par lancien premier ministre de la Barbade, Erskine Sandiford, lAssemblée
a été organisée comme un parlement régional qui fait connaître les désirs
des masses. Conformément à laccord de 1994 établissant lAssemblée, les
États membres de la Communauté peuvent élire ou nommer jusquà quatre représentants
de leur parlement à lAPC et chaque membre associé peut en élire ou en
nommer deux.
-
Conformément à laccord, lAPC mène les activités suivantes :
-
faire participer la population de la Communauté au processus de consolidation
et de renforcement de la CARICOM;
-
donner aux États membres et aux membres associés de la CARICOM loccasion
de soccuper des questions liées au processus dintégration;
-
offrir aux gens de la Communauté une tribune où des représentants de leur
parlement peuvent présenter leurs points de vue;
-
offrir un mécanisme permettant une surveillance plus fréquente de lapplication
des politiques de la Communauté;
-
accroître les possibilités de coordination des politiques étrangères des
États membres;
-
promouvoir une meilleure compréhension entre les États membres et les membres
associés, afin de mettre en place et de protéger les idéaux et les principes
de gouvernement démocratique dans la Communauté et de favoriser le développement
économique et social de ses populations;
-
encourager ladoption, par les gouvernements des États membres, dune politique
commune sur les questions économiques, sociales, culturelles, scientifiques
et juridiques dont délibère lAssemblée.
LAssemblée des parlementaires des Caraïbes peut discuter de toute question
soulevée par la Conférence des chefs de gouvernement, le Conseil de la
Communauté et toute institution ou institution associée de la Communauté.
Elle peut également présenter des recommandations à diverses institutions
de la Communauté et adopter des résolutions sur tout problème ou toute
question découlant du Traité. Elle ne peut toutefois adopter de résolutions
sur des questions qui relèvent de la compétence dun État membre.
La première séance de lAPC sest tenue à la Barbade, en mai 1996. Depuis,
deux autres séances ont eu lieu, soit lune à la Grenade, en octobre 1999,
et lautre au Belize, en novembre 2000.
Telle quelle a été adoptée, lAPC ne répondait pas à la recommandation
présentée dans le rapport de la Commission. Les commissaires avaient envisagé
létablissement dune Assemblée populaire de la CARICOM au sein de laquelle
les parlementaires auraient dû élire des parlementaires et des non-parlementaires.
Ainsi, la population aurait participé pleinement au processus de prise
de décisions.
Des changements à lAPC sont à létude actuellement. À cet égard, un sous-groupe
technique sur lAPC a été mis sur pied en 2003. Il a pour mandat dexaminer
le fonctionnement de lAPC et de recommander les éventuels changements
qui permettraient daccroître lefficacité du processus parlementaire régional
et qui contribueraient ainsi à promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance
dans le contexte dun régionalisme en évolution.
LAPC nest pas la seule nouvelle structure de gouvernance qui a suivi
le Traité de Grande Anse. Il y a également eu lélaboration et linstitutionnalisation
des relations entre les gouvernements et la société civile dans la région
au moyen de ladoption dune Charte de la société civile en février 1997.
La Commission des Antilles, préoccupée par le mécontentement décelable
à légard de la gouvernance dans la région, avait recommandé avec insistance
que la CARICOM adopte une telle charte et, ce faisant, élève au rang de
principes directeurs plusieurs questions qui ne dépendaient pas du développement
économique, mais faisaient plutôt partie de léthos national. Les commissaires
ont soutenu que la CARICOM avait besoin damarres normatives et quils
avaient trouvé une aspiration à donner à la Communauté une qualité des
valeurs dépassant les simples dispositions dintégration, en fait des normes
par lesquelles ces dispositions peuvent être évaluées et auxquelles elles
doivent se conformer. Selon eux, la Charte pouvait devenir la conscience
de la Communauté, ce qui était nécessaire pour se gagner la loyauté de
la population de la CARICOM.
La Charte traite dun large éventail de questions se rattachant aux relations
entre les partenaires sociaux, à savoir les gouvernements dun État, les
associations demployeurs, les syndicats et les organisations non gouvernementales
reconnues par un État. Conformément à leurs obligations découlant de la
Charte, certains gouvernements de la région ont établi des mécanismes de
consultation. Pour leur part, les ONG de la Communauté ont accompli des
progrès remarquables en vue de participer pleinement au processus de prise
de décisions. Au cours des dix dernières années plus particulièrement,
la Communauté a assisté à létablissement de relations de collaboration
entre les gouvernements et lAssociation de lindustrie et du commerce
des Caraïbes, le Congrès du travail des Caraïbes et le Centre de développement
des politiques des Caraïbes. Cette collaboration vise à faire en sorte
que les intérêts de ces organisations soient pris en compte au moment de
lélaboration et de lapplication des politiques régionales.
En février 2002, une rencontre marquante, intitulée Forward Together, a
eu lieu entre quelque 150 représentants de la société civile, 11 chefs
de gouvernement et des représentants des institutions régionales des milieux
financier et universitaire, de la main-duvre et de lélaboration de politiques.
La Déclaration de Liliendaal, publiée à lissue de la rencontre, a consolidé
les relations entre les divers intervenants de la Communauté. La Déclaration
reflète lentente des participants sur les questions suivantes :
-
la société civile a un rôle vital à jouer dans lélaboration des politiques
régionales et sociales, lapplication des programmes et des cadres actuels
et leur modification sil y a lieu, de même que la création de nouveaux
secteurs au besoin;
-
létablissement de mécanismes favorisant le maintien du dialogue entre
la Conférence des chefs de gouvernement de la Communauté des Caraïbes et
la société civile est un moyen essentiel de compléter les programmes pertinents,
afin dassurer la reconstruction sociale, la cohésion, la paix, la réduction
de la pauvreté et léquité qui favoriseraient lintégration régionale et
assureraient la viabilité économique de la Communauté.
Le parlement et la population dans une communauté en évolution
Les MEUC, établis conformément au Traité révisé de Chaguaramas, symbolisent
lengagement de la région envers une intégration économique accrue. Première
mesure adoptée par la Communauté afin de relever les défis que pose lévolution
de léconomie internationale, le marché unique se caractérise par la suppression
des obstacles à la circulation des personnes et des biens, laccès simplifié
et non discriminatoire des citoyens aux ressources collectives de la région,
la promotion de la concurrence internationale, le développement industriel
et agricole et la fourniture de services particuliers de soutien aux pays,
aux régions et aux secteurs défavorisés.
Compte tenu des exigences des réalités économiques mondiales daujourdhui,
le Traité révisé modifie et augmente les objectifs économiques énoncés
dans le Traité de Chaguaramas. Également significatif, le Traité révisé
met concurremment laccent sur la promotion de la coopération fonctionnelle
au moyen dune accélération et dune intensification des activités énoncées
dans le Traité initial.
Manifestement, en atteignant les objectifs économiques établis dans le
Traité, les États membres entendent miser sur les réalisations de la Communauté
sur le plan des relations avec les intervenants non gouvernementaux et
sur ses structures de gouvernance améliorées. Dans le préambule du Traité
révisé, les États membres affirment leur détermination à accroître lefficacité
des processus de prise de décisions et de mise en uvre de la Communauté,
à restructurer les organes et les institutions de la Communauté et du marché
commun, et à redéfinir leurs relations fonctionnelles de manière à favoriser
la participation de la population et, plus particulièrement, des partenaires
sociaux au mouvement dintégration.
Les États membres de la CARICOM ont fixé à décembre 2005 la date à laquelle
le marché et léconomie uniques seront mis en uvre intégralement.
Les MEUC évolueront dans un seul espace social, mais il est impossible
de déterminer pour linstant toutes les répercussions des rapports qui
en découleront parmi les personnes, les entreprises, les cultures, les
politiques, les perceptions et les intérêts. Ce qui est immédiatement clair
toutefois, cest que les pressions qui sexerceront sur les institutions
et les systèmes sociaux et politiques obligeront la population de la Communauté
à faire partie intégrante des processus délaboration et de mise en uvre
des politiques nationales et régionales qui relevaient auparavant des gouvernements.
Par le fait même, les gouvernement seront au fait des intérêts et des perspectives
qui étayent les actions de la population de la Communauté.
Contrairement à la Communauté européenne, la CARICOM ne possède pas de
parlement régional doté de pouvoirs supranationaux. Par conséquent, les
dispositions du Traité, de même que les décisions prises par la Conférence
des chefs de gouvernement, doivent avoir force légale en vertu des lois
nationales de chaque État membre. En tant que plus haute instance législative,
le parlement de chaque État membre de la CARICOM a donc joué un rôle décisif
dans le processus dintégration en adoptant des mesures législatives pour
rendre le Traité exécutoire. Sans elles, le marché unique ne pourrait jamais
être fonctionnel.
Cette démarche sest révélée un formidable défi pour les États membres,
en raison surtout de la pénurie des ressources humaines nécessaires. Consciente
du manque de rédacteurs législatifs dans la région et souhaitant assurer
lédiction de la législation qui mettrait en uvre le Traité révisé et
les Décisions des chefs de gouvernement, la CARICOM a créé un Centre de
rédaction législative. Ce centre examine à fond les secteurs nécessitant
ladoption ou la modification de lois et rédige des projets de loi types
qui sont dabord soumis à létude dun comité de conseillers parlementaires
principaux qui délibère sur les projets de loi et les modifie au besoin
avant de les envoyer au Comité des affaires juridiques (CAJ). Après que
le CAJ a approuvé un projet de loi, celui-ci est remis à chacun des États
membres pour toute autre modification quun État juge nécessaire. Cette
étape est suivie de la procédure dusage relative à lédiction des lois
nationales.
Le CAJ est lun des deux organismes de la Communauté qui ont été établis
aux termes de larticle 18 du Traité révisé. Il se compose du ministre
des Affaires juridiques ou du procureur général, ou de lun et de lautre,
de chaque État membre. Il lui incombe de fournir aux organes et aux organismes
de la Communauté, sur demande ou de sa propre initiative, des conseils
sur les traités, les questions juridiques de portée internationale, lharmonisation
des lois de la Communauté et dautres questions juridiques.
Le Traité révisé exigera la modification de nombreuses lois existantes,
de même que la production de nouvelles lois et de nouveaux règlements concernant
la libre circulation des biens et des personnes, les droits détablissement,
la concurrence, la propriété intellectuelle et dautres questions commerciales
et connexes. De plus, il faut des lois pour donner effet à des institutions
comme la Cour de justice des Caraïbes, la Commission de la concurrence
régionale et lAccréditeur régional. Si, à la suite du processus dexamen
en cours, la Charte de la société civile devenait un instrument ayant force
obligatoire, il faudrait également adopter les mesures législatives à cet
égard.
À mesure que les relations entre les différents États et entre les États,
les groupes dintérêts et les particuliers se complexifient, les parlements
doivent faire preuve de la souplesse nécessaire pour favoriser une mobilisation
de qualité parmi les partenaires sociaux et pour partager les pouvoirs.
Les parlements des États membres remplissent, en outre, une fonction budgétaire
cruciale dans le cadre du processus régional. Les États membres sont tenus
de verser à la CARICOM des contributions financières, établies selon une
formule approuvée, pour assumer les frais de fonctionnement de la Communauté.
La Conférence des chefs de gouvernement détient le pouvoir final de décision
en ce qui concerne les affaires financières de la Communauté, tandis que
le Conseil de la Communauté, qui est formé des ministres responsables des
affaires de la Communauté ou de tout autre ministre désigné, examine et
approuve le budget de la Communauté. Les contributions des États membres
sont affectées aux budgets nationaux et elles peuvent donc être étudiées
et approuvées par les parlements nationaux au moment où ils débattent du
budget annuel
Le rapport de la Fondation du Commonwealth intitulé Maximizing Civil Society
Contribution to Democracy and Development: Report from the Caribbean Consultation
(Sainte-Lucie, 18-19 juin 2003), indique que les ONG de la CARICOM estiment
que la participation populaire au processus de prise de décisions constitue
un droit et non un privilège. Du côté du gouvernement, au moins un premier
ministre croit quun nouveau partenariat pourrait naître de lapplication
des politiques de développement sectoriel énoncées au quatrième chapitre
du Traité révisé.
Lintégration régionale comporte inévitablement labandon dune partie
de lidentité nationale à mesure que la Communauté prend forme. Cest lun
des principaux défis que doivent relever les États membres, comme en témoignent
les débats animés soulevés par des questions telles que la libre circulation
des personnes. Pour autant que le parlement facilite la tenue de vastes
consultations et, ce faisant, veille à la diffusion de renseignements corrects
et utiles dans le contexte national, il devrait être possible de surmonter
la résistance initiale au changement.
Habituellement, les pays sont représentés par leur gouvernement dans les
forums internationaux. La situation est essentiellement la même en ce qui
a trait aux divers organismes qui forment la Communauté. Pour que les pays
profitent au maximum du processus dintégration régionale et que la CARICOM
obtienne la participation optimale des États membres à lélaboration et
à lapplication des politiques de la Communauté et aux instruments législatifs
approuvés pour la région, il faut dabord et avant tout transformer les
relations intraparlementaires.
Au sein des parlements fondés sur des systèmes bipartites ou multipartites,
lapproche traditionnelle entourant la prise de décisions comporte le genre
de conflits qui découle de la notion selon laquelle la bipolarité ou la
multipolarité est une conséquence inévitable du système. En conséquence,
la dissension constitue la norme parlementaire et les débats ont fréquemment
pour fondement la défense des intérêts dun parti, mais pas nécessairement
celle des intérêts du pays. Les partis dopposition ne sont généralement
pas considérés comme faisant partie intégrante du processus de décision;
leurs points de vue et, par le fait même, celui de leurs électeurs, ne
sont pas pris en compte au moment dadopter des positions et des stratégies
nationales. En fait, létablissement des priorités et des stratégies se
déroule habituellement au sein du Cabinet et non du Parlement, et les partis
dopposition prennent connaissance des décisions du gouvernement au pouvoir
par lentremise des médias ou lorsque des projets de loi sont déposés devant
le Parlement. Le débat « national » prend la forme de déclarations accusatoires
et parfois ouvertement hostiles au sujet des projets de loi qui sont déposés.
Sur le plan régional, la valeur de la contribution de lopposition a déjà
été reconnue. Dans le Consensus de Chaguaramas, les chefs de gouvernement
de la CARICOM ont convenu que, dans le même esprit qui a animé léchange
libre et varié didées qui ont motivé la conférence Forward Together, les
partis dopposition devaient être des partenaires dans le cadre des consultations
du processus dintégration régionale. Récemment, un premier ministre a
souligné limportance de la participation de lopposition au processus
dintégration et précisé quil était nécessaire que la région en fasse
une réalité. Le défi que doit relever la CARICOM consiste à déterminer
le moyen le plus efficace dobtenir cette participation.
La formation du Quasi Cabinet de la Communauté au début de 2000, à la suite
du Consensus de Chaguaramas, a donné aux partis dopposition loccasion
de déployer plus efficacement les ressources dont ils disposaient au moment
de sengager dans le processus de direction. Au sein du Quasi Cabinet,
chaque chef de gouvernement sest vu confier la responsabilité dun « portefeuille »
particulier (négociations externes, marché et économie uniques, services,
justice et gouvernance, etc.) et doit surveiller lévolution de son secteur
sur la scène nationale, régionale et internationale, chapeauter lélaboration
de stratégies et de politiques régionales adéquates, et présenter régulièrement
à la Communauté des rapports sur des questions se rattachant à son portefeuille.
Même sils ne peuvent pas toujours être au fait de tous les aspects des
questions régionales, les partis dopposition ont désormais la possibilité
de connaître à fond au moins un secteur important et de suivre de près
la contribution de leur gouvernement à cet égard.
Les critiques adressées aux gouvernements ne dispensent pas les partis
dopposition de la responsabilité de sinformer et de se sensibiliser au
sujet des questions actuelles dintérêt national et régional, ni de celle
dutiliser le plus efficacement possible leurs capacités financières et
humaines en tant que participants. Les partis dopposition doivent avoir
un intérêt manifeste pour ces questions, élaborer de leur propre initiative
des stratégies et des solutions de rechange, et insister pour diffuser
de linformation et promouvoir la participation populaire quils réclament.
Ils doivent voir leur rôle comme une partie intégrante de la direction
de leur pays et transcender les prises de position opportunistes visant
à discréditer les gouvernements.
Il faut souligner que les gouvernements continuent de prendre la décision
finale sur ce qui est préférable pour le pays dans des circonstances particulières.
Il faut mettre un terme au climat qui résulte de lexclusion des partis
dopposition des consultations et des débats qui précèdent ladoption de
positions de principe et de stratégies, à lapproche tape-à-lil relative
à la diffusion de linformation et au rejet des interventions des partis
dopposition aux débats parlementaires. On accuse de nombreux gouvernements
de ne pas respecter les principes de transparence et de responsabilité
lorsquils sacquittent de la gestion du pays. Les citoyens ne font pas
confiance à leurs gouvernements et doutent de leur intégrité. Un gouvernement
qui exclut la participation des partis dopposition, des citoyens et des
organisations non gouvernementales fera naître la méfiance, nuira gravement
à létablissement de positions vraiment nationales et perpétuera ladoption
de lois et de politiques restreintes, insatisfaisantes et inadéquates.
Il est essentiel de favoriser la convergence et la confluence afin de supplanter
la polarité antédiluvienne de nos parlements et donner lieu à une véritable
représentation des populations de la Communauté des Caraïbes.
Notes
1. Actuellement, les membres de la CARICOM sont les suivants : Antigua-et-Barbuda,
les Bahamas, la Barbade, le Belize, la Dominique, la Grenade, le Guyana,
Haïti, la Jamaïque, Montserrat, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines,
le Suriname et Trinité-et-Tobago. Les membres associés sont : Anguilla,
les Bermudes, les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans et les îles
Turks et Caicos. La participation aux activités de la Communauté ne se
limite toutefois pas aux États membres et aux membres associés. Des pays
de la grande région des Caraïbes et de lAmérique latine, comme Cuba, Curaçao,
les Antilles néerlandaises et Porto Rico, ont participé, en tant quobservateurs,
aux réunions de certains organismes et institutions de la Communauté, notamment
le Comité permanent de lagriculture et le Conseil du développement humain
et social.
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